Le thème de ce petit livre, c'est tout simplement les femmes et les hommes, hier, aujourd'hui, demain.
Pendant son sommeil, Jean-Christophe Aeschlimann a fait un rêve, où une voix pure lui a parlé, notamment de la différence des sexes, c'est-à-dire de ce que cette voix a entendu à ce propos sur son divan de psychanalyste.
Une fois réveillé, il ne garde pas pour lui ce que cette voix lui a dit. Il en fait un petit livre qu'il intitule Lettre à Yaël et Léah, deux jeunes femmes vingtenaires, ses Petites Dames d'hier et ses Dames d'aujourd'hui.
Il s'est efforcé de le transcrire dans une langue aussi simple que possible, proche même du langage parlé, avec quelques répétitions mais qu'importe n'est-ce pas, l'idée étant avant tout d'être compris par chacune et chacun.
Dans cet essai, qui se propose d'analyser Du paradis au numérique, à toute vitesse ce qui différencie les hommes et les femmes, l'auteur n'est pas en opposition avec un féminisme justement différentialiste, qui est légitime.
Au contraire, car il constate - ce que les théoriciennes du genre ne veulent évidemment pas considérer -, que le corps de l'homme et celui de la femme sont bien différents et que la conséquence en est un psychisme différent.
Le corps est de fait un référent irréductible. Nier sa réalité, c'est faire place au fantasme. Cela se produit d'autant plus facilement de nos jours qu'on ne fait plus de différence entre le réel et le virtuel, quel que soit le sujet:
Se sentir femme, ou se sentir homme, ne veut pas dire pour autant qu'on est femme ou qu'on est homme.
Le progrès technique, qui s'est traduit par l'omniprésence des écrans, favorise le fantasme, mais celui-ci a toujours existé. Cela ne veut pas dire que les femmes puissent pour autant se substituer aux hommes et inversement.
Leur différence est d'ailleurs de tous les temps. Le confirme bien le récit de la Genèse. S'il y a eu séparation dès l'origine entre la femme et l'homme, ni l'une ni l'autre ne peut être jamais totalement homme et femme à la fois:
Il peut y avoir union parce qu'il y a eu séparation et marquage de la différence.
Cette séparation va permettre la rencontre, le manque se faisant existentiel.
L'auteur fait une remarque qui met à mal les clichés. Il dit en effet que la femme est plus complète que l'homme puisqu'elle peut vivre sans l'homme, ce qui n'est pas le cas de l'homme qui ne peut vivre sans la femme:
C'est à l'homme [...] qu'on a enlevé une côte, ce qui a introduit le manque en lui.
Dans cet essai, l'auteur aborde bien d'autres sujets en rapport avec cette différence intrinsèque entre les femmes et les hommes, tels que la famille, l'intimité, le secret, la transcendance, la morale, la liberté, la transmission...
Dans des Hors-textes, il se souvient qu'à la fin de son rêve lui est revenue une phrase de James Joyce, le grand écrivain irlandais [qu'il] aime tant, qui pourrait résumer ce qu'a voulu lui dire in fine la voix qu'il a écoutée:
Il faut pécher pour grandir. Devenir plus grand que ses péchés vaut mieux que toute la pureté que vous prêchez.
Francis Richard
Lettre à Yaël et Léah, Jean-Christophe Aeschlimann, 224 pages, Bernard Campiche Editeur