Détruis l’arbuste de mélancolie et sème
trois graines de pavot blanc dans mon cœur,
j’ai besoin de rêves plus légers
pour passer le pont.
N’est-ce pas toi qui m’as appelée
par un son sans nom, comme appellent les oiseaux,
ou serait-ce la glace fragile de mars
ou bien des enfants dans le sein de la mère ?
Je ne sais rien encore de ton rivage,
si ce n’est qu’un flot de noms nous sépare
et que tu cherches les noyés avec le filet du Jugement.
Détruis l’arbuste de mélancolie en moi,
ses fruits sont de plomb fondu
et gouttent sous forme de noms –
ton filet va prendre feu.
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Christine Lavant (1915-1973) – Les étoiles de la faim (Orphée/La Différence, 1993) – Traduit de l’allemand par Christine et Nils Gascuel.