Quand le léger vaisseau, dans sa course rapide,
Tendant sa voile au vent, fuit sur l’onde limpide,
Et trace sur la mer un sillon lumineux,
Il semble que l’on voit sous le flot écumeux
Se dresser tout au fond de l’ancien Atlantique
Les palais d’une ville étrange et fantastique ;
Et sur l’onde ridée au souffle du zéphyr,
On entend murmurer, ainsi qu’un long soupir,
Celle qui dort ici sous la nappe liquide.
Comme dans son linceul : c’est la belle Atlantide.
Hélas ! ce lieu n’est plus qu’un immense tombeau.
Un vaste continent repose sous cette eau,
Presqu’ignoré de tous, englouti par les ondes ;
Nul bruit ne vient troubler ses retraites profondes,
Rien ne réveille plus les antiques cités.
De grands coraux ont crû dans les murs incrustés,
Et seuls de noirs requins viennent d’un air avide
Errer sous les palais de l’ancienne Atlantide.
Et pourtant cette ville eut ses jours de grandeur:
Avant de s’engloutir en cette profondeur,
Le grand Océan bleu venait mouiller ses plages,
Et les verts orangers ombrageant ses rivages
Inclinaient mollement leurs cimes sur les eaux,
Lorsqu’un zéphyr léger caressant leurs rameaux
Couvrait de leurs fruits d’or la rive verdoyante ;
Et plus loin vers les monts, magnifique, imposante,
On voyait se dresser la Ville aux grandes tours,
Avec ses hauts palais, pleins d’étranges contours,
Et le peuple joyeux dans la cité splendide,
Disait : « Vis à toujours ! éternelle Atlantide ».
Ils disaient : éternelle. -Ah ! ne savaient-ils pas,
Les pauvres malheureux, que tout passe ici-bas ?
Pensaient-ils retenir cette gloire éphémère ?
Un soir d’été pourtant ils sentirent la terre
Vaciller sous leurs pas. Puis un sourd grondement
Les frappa de terreur... Quand vint le jour naissant,
Tout avait disparu, rien que la mer immense.
... À l’horizon... partout, un horrible silence ;
Sur les vagues encor quelques tristes débris ;
Et comme un point perdu dans le vaste ciel gris,
Fuyait un Aigle noir, et son aile rapide
Effleurait les grands flots où dormait l’Atlantide.
Juin 1878
Alice de Chambrier
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