Le piège (The Plot)
Auteur : Jean Hanff Korelitz
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie Kempf
Éditions : Cherche Midi (10 février 2022)
ISBN : 978-2749171685
416 pages
Quatrième de couverture
Jacob Finch Bonner a connu son heure de gloire comme romancier avant de sombrer dans l'anonymat. Il enseigne désormais l'écriture dans une université du Vermont. Un jour, un de ses étudiants, Evan, lui dévoile l'intrigue du livre qu'il ambitionne d'écrire. Une intrigue géniale. Le best-seller assuré.
Mon avis
Avant tout, si vous voulez être surpris par ce roman, ne lisez pas la quatrième de couverture qui en dit un peu trop (je l’ai raccourcie volontairement).
Jacob Finch Bonner, dit Jake, a écrit un bon roman, qui lui a apporté le succès. Mais ce n’est pas le tout de réussir un premier opus, il faut confirmer. Il essaie, il fait tout ce qu’il peut sous la pression de son agente et de son éditeur mais rien ne vient. Le vide complet. Il est à court d’idées. Il donne le change en disant qu’il est en pleine rédaction mais jusqu’à quand ? Les années passent. Il finit par devenir enseignant dans une faculté du Vermont. Il donne des conseils en écriture pour ceux qui veulent se lancer en s’appuyant sur son expérience personnelle. Il reste embourbé dans des ébauches pour un nouveau titre mais le blocage est toujours bien présent. Le néant…
L’auteur analyse finement le désespoir de cet homme devant la page blanche, son désarroi face à son imagination qui ne lui fournit plus rien, son obligation de lire les tentatives, peu intéressantes, de ses étudiants, jusqu’au jour où lors d’une discussion, l’un d’eux dit détenir une intrigue géniale, originale, révolutionnaire qu’aucun éditeur ne pourra repousser. Jake est septique devant tant de confiance, d’orgueil mal placé…. Il finit par connaître les grands lignes de la future histoire et il reconnaît (pas devant son élève) « qu’il y a du lourd »…
Le temps passe, Jake a retrouvé le devant de la scène avec un nouveau titre, mais il est « sur le fil », pas très bien dans sa vie car il est anxieux, pas en phase avec ce qu’il voudrait être…. Pourtant vu de l’extérieur, tout semble bien aller. Jusqu’au jour où un mystérieux message le déstabilise complètement. Comment va-t-il réagir ? Sur qui et sur quoi va-t-il s’appuyer pour faire face ?
Dans ce récit, on suit Jacob et ses déboires dans son quotidien. On découvre également un autre texte, mis en abyme. Il éclaire sur le présent et le passé de certains protagonistes. Au fil des pages, on sent l’étau qui se resserre. Peu importe qu’on ait une petite idée des tenants et aboutissants, on ne peut pas tout imaginer tant Jean Hanff Korelitz a bien construit son histoire et ses différents protagonistes. Mais au-delà de tout ça, il y a une réelle réflexion sur le métier d’écrivain, sur le rapport (de celui ou celle qui écrit) au livre et à l’écriture, mais également aux médias et aux lecteurs. Est-ce que l’intrigue, le nœud gordien appartiennent à celui qui rédige ? Et si un autre utilise la même « veine » mais d’une autre façon, est-ce du plagiat ? La pensée ne peut pas être unique, n’est-ce pas ? On ne possède ni les mots, ni le vocabulaire, ils ont leur propre vie…. Et que répondre aux nombreuses personnes qui, ayant lu votre texte, vous posent des questions sur sa genèse ? On dit la vérité ou on l’enjolive pour captiver l’auditoire et le mettre dans sa poche ?
« Chaque personne a une voix unique et une histoire qu'elle seule peut raconter. Et n'importe qui peut être auteur. »
Et si c’était ça la réponse ? il n’y a pas des auteurs mais des tas de gens qui peuvent écrire …
C’est vraiment le second aspect de ce recueil qui m’a beaucoup séduite et apporté du plaisir. Non pas que je me fichais de ce qui allait arriver à Jake mais ce n’était pas mon premier centre d’intérêt.
L’écriture de l’auteur (merci à la traductrice) est fluide et addictive. Le rythme est peut-être un peu lent au début mais les événements perturbants arrivent et tout s’accélère, ce qui fait que l’intérêt ne faiblit pas.
Je ne connaissais pas Jean Hanff Korelitz et c’est une belle découverte !