Les erremements du Net et de la littérature des périphéries nous renvoient au poète Lionel-Édouard Martin et à sa propre dérade géographique, entre Poitou, d’où il est, et la Martinique, où il vit. Le site Remue.net , jamais en vacances ni vacant de pépites, publie une belle chronique signée Jacques Josse, sur Dire migrateur, recueil de récits et de poèmes de L.E.M. publié aux éditions Tarabuste.
Lu cet extrait sur le blog de Lionel-Édouard Martin :
Écriture, antidote aux tropiques : même luxuriante en apparence, elle débarde le langage, transforme en silence tout excès de parole. Aucun arbre ici ne paraît écrire : accueil de toute clameur, l’alizé parle avec les mains, l’iguane, comme ailleurs le caméléon, multiplie les synonymes. J’ai vu dans les seuls pays d’Europe enrubanner les vergers de guirlandes d’aluminium pour effrayer les merles, borner l’emprise du chant. Peut-être un cerisier, nanti d’un dire trop chiche pour le gâcher en envolées bruyantes, se doit-il de préserver son lot plus avarement que le manguier : c’est ainsi qu’il écrit, ménageant son avoir. Et lorsque me fascine, dans mes séjours en Caraïbe, un arbre tropical glosé de bavardages, je plante dans ma terre la plus intime, dans ma chair de poète, le cerisier d’enfance à la rare écriture de fruits rouges.
On pense à l’écriture de la nature chez Déwé Gorodé, poétesse kanake, dont les cordylines dans son jardin de Ponérihouen, en Province Nord de Nouvelle-Calédonie, dessinent une écriture, nous avait-elle révélé, qu’elle détaille dans son recueil de nouvelles, publié par Grain de sable en 1994, Utê Mûrûnû, petite fleur de cocotier.
Le texte ” Ecriture, antidote aux tropiques…” est puisé dans Écrit en Haïti. Il nous fait découvrir la belle peinture de Reynald Joseph. Aux échassiers joliment évoqués par Martin, on préfère tomber sur ces chaisiers…
Ces bifurcations nous tracent des émerveilles, quand d’autres aiguillages nous entrainent.