Ils bâillent encore, mes vers.
Jamais je ne m’y ferai.
Ils ont assez vécu sous mon toit.
Assez. Je leur donne congé. Je n’attendrai pas
que leurs orteils refroidissent.
Délivré de leur tapage obscur,
je veux entendre le bourdonnement du soleil
ou celui de mon cœur, cette éponge traîtresse
qui durcit.
Mes vers – trivial charabia ou trop nobles
braillements- n’ont pas le coït classique.
L’hiver gerce leurs lèvres,
la première chaleur du printemps les terrasse,
ils me gâchent mon été,
et l’automne, ils ont une odeur de femmes.
Assez. Encore douze lignes
sur cette page pour les couver
et puis, le pied au cul.
Allez radoter ailleurs, rimes d’un centime,
trembler ailleurs pour douze lecteurs
et un critique ronfleur.
Allez maintenant, vers aux pieds légers,
vous n’avez pas pesé lourd sur la vieille terre
où les tombes rient de voir leurs hôtes,
cadavres sur cadavres entassés.
Allez maintenant, et titubez vers celle
que je ne connais pas.
***
Hugo Claus (1929-2008) – Poèmes (L’Age d’Homme, 1998) – Traduit du néerlandais par Marnix Vincent.