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2) Les éleveurs de rennes et le droit des terres…

Publié le 06 août 2008 par Anne-Sophie

Avant de vous raconter la suite de mon séjour chez la famille Gaup, éleveur de rennes en Laponie chez qui j’ai atterri comme par magie, près du Cap Nord, voici un documentaire assez impressionant envoyé par Marsilio, “Last Yoïk in Saami Forests?” qui traite du sujet que je développe dans ce billet. Il dure 54 minutes et parle de la déforestation massive en Laponie Finlandaise et de son impact directe sur les rennes et donc les Sàmis. Avec en fond la question du droit des terres et de la considération des Sàmis. C’est révoltant. C’est en anglais. Pour le voir, cliquez ici.

Je suis donc chez mes éleveurs de rennes, la famille Gaup. Ils me reçoivent avec tant de gentillesse que je me sens rapidement chez moi…Mahtte (prononcez Marti), le jeune éleveur de rennes que je suis venu voir, n’est pas là mais je parle avec ses parents, son frère, un ami de son frère qui m’ont accueilli chez eux avec un naturel extraordinaire. J’en oublie mon projet et la façon dont va tourner la discussion me plaît beaucoup.

Le frère de Mahtte est donc venu s’assoir à coté de moi, nous parlons de tout et de rien, des rennes, des animaux qui menacent les jeunes rennes, aigles, glouton, loups, lynx… Puis, par moment, il y a un silence. Tout le monde respecte ce silence, ne fait rien si ce n’est machouiller un bout de renne séché. Moi qui suis habitué à parler pour combler un vide de peur de l’ennui ou de la gêne due au silence dans une relation, j’essaye de me détendre et finalement je me sens à l’aise dans ce silence. La mère remet du bois dans le feu qui crépite dans le poël de la maison. Il fait bon. Je respire et me détends. Moi qui ait passé la majeure partie de mon séjour dehors, sous la pluie, j’ai oublié ce qu’est la chaleur d’une maison… d’une famille.

Puis, après un de ses longs silences agréables, le père prend la parole. Sa voix et ses yeux sont troublants, bien là, présent, plantés dans les miens, je me sens dépouillé. Il dit : “Ils vont construire un radar pour détecter les avions des aéroports de Hammerfest et d’Alta. Nous nous sommes plaints car il est sur nos terres, mais rien à faire, ils ne nous écoutent pas et vont le construire bientôt“. Il continue, aidé de son fils : “Regarde sur la carte, nous avons déjà des bâtiments et des tours militaires construits sans notre accord, là, là et là. Et ils prévoient aussi de développer les lignes à hautes tensions qui passent près de chez nous“. Il se rassoit. “C’est mauvais pour les rennes“. Il me dit avoir remarqué que les rennes traversent difficilement sous les lignes électriques existantes et qu’ils n’approchent jamais les bâtiments militaires. Ils ressentent les ondes comme ils ressentent les changements du climat, me dit-il. “Nous avons fait appel à Greenpeace pour défendre notre cause, ils vont nous aider, peut-être“.

Depuis que je suis ici, j’ai entendu tellement d’histoire de la sorte. Des mini-guerres entre l’état et les éleveurs de rennes pour des questions de territoires, de quantité trop importantes de rennes, pour des plaintes de la population sur les dégâts des rennes (“ils mangent mes fleurs !” me dit une dame d’Alta qui m’a pris en stop)…

Vous savez, je peux faire un film sur ça, sur vous, pour avoir un poid médiatique. C’est une bonne manière d’avoir du crédit et l’appui de l’international peut-être”. Le père me regarde, sérieux, ses yeux comme défiants les miens. Je frissonne, j’ai avancé ça sans y penser. Silence dans la maison. “J’ai pensé à cela quand tu as dis que c’était ton métier, c’est une bonne idée“. Il se lève d’un bond, prend sont téléphone et se met à parler en Sàmi puis raccroche. “J’ai appelé mon frère, j’ai dit que tu pouvais peut-être nous aider, c’est une bonne idée, vraiment une bonne idée. Nous en avons besoin“. Ses mots sont toujours aussi francs et doux à la fois. Très tranquille. Chaque phrase se termine par une petite intonation d’approbation qui vient de la gorge, drôle.

Après cette discussion concluante et qui nous réjouit tous, les deux jeunes m’emmènent dehors et m’apprennent à lancer le lasso pour attraper le renne. “Hey ! you are a Sàmi boy now !“, qu’ils disent!


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