Déboires au Sec, Oman

Par Simplybrice

Emploi du temps itinérant en duc de guise de Bonne Année. Ou comment rentrer plus tôt que prévu en 14 jours, en espérant que cela ne soit pas constellé de fautes et m'excusant du style télégraphique un peu sec mais finalement bourré de détails.

Achat de billets d'avion avec philou.

Location de voiture

Itinéraire diversifié, spectaculaire, pratique

Découverte que mon passeport expire dans 4 mois

Philou n'a pas de permis international.

Changement de plan. Philou part en Espagne.

Re-billets d'avion pour Oman pour moi

Location de voiture

Visa, enregistrements divers, assurance santé rapatriement (localement obligatoire, habituellement dispensable), réservation de 1ère nuit d'hotel (localement obligatoire, jamais envisagé avant), PCR

Jour 1 (09/12/21) : Arrivée à Mascate à 7h10. Soucis de CB pour la location de voiture. Contacts téléphoniques avec mon banquier. Supplications, sourires, atermoiments, multiples siestes de SDF dans le hall de l'aéroport et dans le désordre. Sortie de l'aéroport à 14h30 après avoir été obligé de souscrire à l'assurance la plus chère du catalogue. La prise en main de la 'Oiture (Kia Sportage, 2.4 y a marqué) est délicate surtout en commençant dans un parking d'aéroport , ça excède de loin mes proportions habituelles. J'oublie le frein à main qui, en l'occurrence, est au pied. 63063Kms au compteur, comme neuve, peut-être quelques bosselettes devant/dessous. Comme neuve. Circulation dense, 3 / 4 voies de rigueur, nombreux 4x4s gros comme des studettes. Flambants neuves les studettes. Hotel face à l'hypermarché. Courses rapides et moins cher que chez Lidl (pain, nombreux fruits, yoghourts qui explosent dans le sac, biscuits, fromage à tartiner, beurre de cacahuètes, plein d'eau, du jus de fruits pour parfumer l'eau, et consorts). La nuit tombe à 18h. Dîner devant la rocade, cette chose face à la mer pas qui prolonge l'autoroute. Pour y aller, route / tranchée dans la montagne. Dans la chambre, une flèche au plafond indiquant la direction de la Mecque. Couché à 22h.

Jour 2 : Réveil finalement tardif à 9h, d'habitude un milieu de nuit. Reprise de rythme, départ à 9h30. Volonté de rejoindre Salalah la deuxième ville du pays et à l'autre bout. A la sortie de Mascate, un panneau indique 996Kms. La route, celle des terres, plus directe, qui pour l'essentiel croise le Rub Al-Khali, alias le grand rien qui n'a jamais eu autant un nom. D'abord, montagneuse, j'y croise une camionnette chargée de mes premiers dromadaires. Puis, plus loin, qui gambadent à 500m, introduits par des panneaux routiers préventifs forts à propos. Puis plus rien. Ni du caillou, ni du sable, ni de la poussière, une frontière, l'horizon. Sur 600 bornes avant que le soleil ne fanent face à ma face. Fatigue, peur de finalement heurter un dromadaire (c'est énorme un dromadaire, nettement plus grand qu'un cheval, même un grand cheval), je me range sur le bas-côté puis plus bas que le bas-côté alors qu'il fait déjà nuit noire. Longé par les seuls camions qui font la route H24, au milieu de quelques déchets sous-jacent au bas côté, je ne sors pas la tente. Installation, une première personnelle de la sorte, avec matelas gonflable étalé sur tout l'arrière de la 'Oiture avec sièges arrières rabaissés. Sauf que complètement incrédule, alors que je sors de la voiture par le coffre et le ferme, la clé dans le néo-dortoir, me retrouvant dehors en jeans et T-shirt, pas une goutte pas une clope, je me retrouve inexplicablement enfermé dehors. Aucun ouvrant ne s'ouvre. L'horreur. Je tire, je jure. Rien. Mise en position de long de la route avec bras en croix, en crawl ou en papillon. Passé par quelques camions, une voiture s'arrête. 3 jeunes hommes omanais s'offre en aide jusqu'à proposer de m'emmener plus loin eux-mêmes. Intimidant quoi qu'incroyablement charmant. Coups de fil locaux, à la compagnie de location, à des locaux. Rien de décisif. Avec 150Kms de rien devant et 600 derrière. Celui dont les autres considère qu'il est fou me conseille de casser la dernière petite vitre arrière côté portière avec une grosse pierre. Il m'en tend même une. Les nerfs. Il la pose. Les nerfs. C'est finalement la meilleure solution. Je prends la pierre à deux mains, puis tente de plus en plus gaillardement, pour seulement quelques égratignures à la vitre. Les nerfs. Rebelote. A la nouvelle dixième fois, c'est fait : la vitre est explosées en milliers de fragment dans le dortoir. Je vais pouvoir dormir sur mon matelas gonflable, finalement crevé, non sans avoir auparavant tenté d'extraire un maximum de débris coupants, et non sans mettre occupé de ma main gauche ouverte en de nombreux endroits dont une coupure au poignet qui saigne abondamment et saluer mes Saint Bernard du désert. Dehors, des millions d'étoiles éclairent le ciel mais j'en n'ai rien à secouer. Avantage à dormir sans fenêtre, il fait très agréablement doux. Inconvénient : alors qu'il ne semble jamais y avoir eu d'eau dans l'histoire des alentours, des moustiques sûrement mutants me font ma fête.

Jour 3 : Réveil à 7h par le ronron des quelques camions qui défilent. Il fait finalement frisquet. Décollage à 7h05. Un seul objectif : le comptoir d'Europcar à l'aéroport de Salalah à 200km de là. Sur place, je suis pris en charge par un employé tout droit venu du Kerala. Il m'accompagne dans le quartier des vendeurs de pièces détachées. On n'y trouve rien. On va chez le concessionnaire Kia, et là tout s'arrange. La pièce mettra deux jours à arriver. Ca fait donc deux jours à attendre. Soit. En attendant, on me propose un autre véhicule de remplacement que j'accepte volontiers. J'accepte aussi la tentation de réserver une chambre d'hotel dont le balcon donne sur la mer. N'ayant plus de matelas et après ces 1ères péripéties, j'ai envie de me soigner. Demain, c'est le retour espéré à la pampa mais ce soir, je reste dans le voisinage. Comme nous sommes samedi, de nombreux locaux prennent possession de la plage jusqu'à y amener leur 4x4. A la nuit venue, une famille a tendu plusieurs tentes de bédouins. L'une d'entre elles fait office de salle de cinéma grâce au rétroprojecteur ramené lui aussi. Pendant ce temps, leurs voisins relancent leur feu de camp à l'aide d'essence.

Jour 4 : réveil à 9h, un quart de la journée a déjà filé. Les bédouins du samedi soir sont partis mais ont laissé tous leurs déchets à même le sable. Des employés indiens, bengladeshis ou pakistanais passeront surement. Petit dèj' devant la mer et re-sieste post-traumatique. J'hésite même à y passer la journée. Sauf que non, je libère les locaux avant 11h. Première des choses et nouvelles réparations de torts de la veille, racheter un matelas de camping. Une fois la boutique adéquate dénichée, les matelas sont là. Seulement, rien de gonflable. Je jette mon dévolu sur un tapis de sol rembourré du meillleur effet si, même plié, il n'était pas plus grand et large que mon sac à dos déjà caractérisé hors-gabarit. Une fois déplié, il est exactement aussi grand que la tente. Donc c'est au moins aussi confort que pas pratique, notamment pour ramener à Paris. Sauf que comme il est increvable, il ne risque pas de crever, donc il servira dès le soir venu. L'après-midi débute à peine quand, avec ma voiture de remplacement, on prend la direction des montagnes au nord-est de Salalah, comme une sorte de haut plateau striés d'entailles profondes. L'une d'elle s'appelle le Grand Canyon de Salalah, c'est un rien présomptueux. Je manque d'écraser un caméléon et j'en félicite. Puis j'aperçois mon 1er dromadaire, puis très vite mon 10ème, puis très vite encore mon 100ème. Ca grouille autant que ça se dandine en mangeant quelques herbes. Je passe ensuite côté est de Salalah pour d'autres courtes montagnes et ma première source, deuxième occasion de pousser un waouh dans le pays depuis la découverte de ma chambre de la veille. L'eau mélange saphir et émeraude, l'attrait est immédiat. Et la tentation de se baigner immense si ça n'ait pas pour le large panneau bordant le bassin et indiquant la présence dans ses eaux de champignons tueurs aux aguets d'orteils un peu trop curieux et pas assez prudent. Pas de baignade donc. Mais une prise de tête quand même lorsque, alors que je reviens à la voiture après quelques clichés, ses clés sont introuvables et finalement tombées de ma poche à quelques dizaines de mètres et à fleur d'eau. Un bon quart d'heure pour les retrouver. Je dégotte ensuite une deuxième source à quelques kilomètres de là. Celle-ci alimente un des très rares lacs permanents du pays, là où à cette période de l'année, bon nombre d'éleveurs de dromadaires viennent occuper les lieux avec leurs bêtes. Au milieu de la route, de la rivière, ils sont partout. Mais le plus spectaculaire, c'est encore l'eau qui dévale en de nombreux embranchements et courtes cascades la plaine fertile. J'installe la tente (sans toit, seulement moustiquaire) à quelques mètres d'un clapot qui me bercera toute la nuit. Avant de m'endormir, un âne passe et refuse une tomate partagée avec amour. Il est 19h30 quand j'ai les dents brossées et qu'on passe au lendemain.

Jour 5 : Réveil à 7h dans les 1ers rayons du soleil réalisant que je partage maintenant ma terrasse avec deux nouveaux dromadaires qui ne paraissent pas moins gigantesque lorsqu'on ouvre les yeux sur eux après une bonne nuit de sommeil, et qu'on est allongé au sol à portée d'haleine ou d'orteil. Ils ont même l'air de se demander ce que je fais là. Il n'y a personne d'autre que nous et d'autres dromadaires à l'horizon. La matinée se passe à attendre midi pour récupérer la Kia en visitant une ancienne ville fortifiée donnant sur la mer. Sauf qu'il y fait presque trop chaud, je plains les visiteurs venant à toute autre saison de l'année. Je retourne ensuite à la 2ème source de la veille, Ayn Razat, pour un bain enchanté au milieu des oiseaux et autres libellules. A 12h, Adarsh, l'adorable employé d'Europcar me prévient que la Kia est à nouveau comme neuve. Je repasse à l'aéroport en invoquant des pourvu-que-ça-dure. Je peux alors envisager de reprendre le trip là où je l'avais laissé, les poignets pas encore tailladés, direction la route cotière. Sauf qu'après 30 bornes, je déniche une nouvelle route partant vers de nouvelles hauteurs. Des baobabs et un renard plus loin, la route s'arrête sur un perchoir rocheux dominant la plaine bordée de mer. Des oiseaux s'entrainent à des accrobaties tout en jouant dans les courants d'air. Un chemin longe le vide, l'occasion d'une petite trotte emplie de vertige. Peu avant 18h, je plante la tente dans cet environnement fait de pierre et d'air. La falaise à quelques mètres est identifiée et le frein à main enclenché. J'assiste au lever de lune, un plaisir seulement troublé par un accident de yoghourt dans la sac. Quand même, je revis.

Jour 6 : Au réveil d'une nuit passée à rêver que ma tente s'envolait direction le ravin avec moi dormant dedans, l'altitude aidant, il me tarde de rejoindre le niveau de la mer tant il fait frais. Retour à la route cotière qui, pendant de longs kilomètres est une route de montagne supportée par des infrastructures impressionnantes. Une large et propre tranchée permet à la route de serpenter et de profiter de cette route qui semble privée tant je n'y croise personne sauf un barrage routier tenu par des militaires qui n'incitent pas à la plaisanterie. Passage par la station service où je passe un long moment à activement cherché mon portefeuilles finalement tombé sous le sieste passager et dernier endroit à être inspecter dans la bataille. Sur une déviation peu inspirée, alors que je suis invité par des traces de pneus à rejoindre quelques petites dunes, je m'ensable. Après avoir dégager le sable d'autour des roues, tapisser la voie de cailloux trouvés ça et là, et transpirer nerveusement de l'adrénalyne et de la situation , je suis sorti à ma 2ème tentative. Retour à la route, je promets qu'on ne m'y reprendra plus. Déjeuner d'un riz frit au poulet suffisamment frugal pour aussi être servi pour le dîner. Puis c'est le retour au plat jusqu'en fin d'après-midi, heure du plantage de tente, en chemin toujours immergé dans ce qui ressemble encore au Rub Al-Khali et qui n'est pas très engageant. J'envisage un lieu de bivouac au bord l'eau mais c'est si loin que je perds ma course automobile contre le soleil. En chemin, absence de radars et vitesse constante à 120km/h jusqu'à être surpris par un dos d'âne stratégiquement mal situé, quelques dizaines de mètres après un panneau Vitesse-maximale-100km:h. J'arrête ma course au bord d'une plage en lisière de petite ville, sûr de ne pas pouvoir m'y perdre. J'anticipe à pieds chaque passage de la voiture dans le sable pour ne pas y rester coincé. L'endroit est désert. J'en profite pour squatter en y plantant la tente un batiment désaffecté idéal pour la nuit. Je suis aussi rejoints dans la soirée par des locaux de passage qui ne s'attarderont pas sauf à se planter dans le sable à leur tour. Fin du riz du midi. Apparition de quelques 1ers nuages dans le ciel, nuages dont il y a fort à parier qu'ils auront fondu au réveil.

Jour 7 : Il est 6h30 quand je suis tiré du sommeil par des employés là pour nettoyer quotidiennement la plage. Comme dans les restaurants, stations service, supermarchés et autres chantiers de bord de route, mes interlocuteurs sont indiens, bengladeshis ou pakistanais. Ce matin, c'est indien et plein de bonne humeur quoique rapide. Il est 6h45 quand je décolle. Au programme, toujours la route cotière qui passe plus souvent à 10 kilomètres des côtes qu'autre chose. J'ai alors l'espoir de pouvoir embarquer à 200km de là sur un ferry traversant la mer jusqu'à un île : Masirah où je suis sûr de pouvoir profiter de la Grande Bleue dans le paysage et pour une baignade. Nouvelle course, j'arrive à 11h57. C'est étonnant comme ça s'enchaîne bien aujourd'hui. Dèj' sur Masirah à deux pas du débarcadère servit par un nouveau monsieur du Kerala. Je n'ai alors plus qu'à égrainer l'après-midi en allant voir, s'il est possible, de visiter chaque endroit posé au bout de quelque route de montagne que ce soit. C'est aussi que la route qui fait le tour de Masirah est asphaltée et se prête donc mal au sentiment d'aventure, alors que dans les terres, c'est tout piste. Et alors que j'emprunte l'une d'entre elles, une référencée sur le GPS, une autre quasi identique même si non identifiée part vers la droite. Son signe particulier quand même, on y repère au loin des palmiers qui font bien sur cette terre de sécheresse. C'est un carton d'invitation qui ne se néglige pas. Je m'engage alors dans le chemin tracé dans le lit sablonneux d'une rivière disparue. Le sable, à mesure que je progresse, s'affine passant du dur à de la poudreuse. Bientôt, alors qu'en aucun cas je ne peux m'arrêter ou faire demi-tour, j'en suis à rouler pied au plancher, au milieu de rien sur cette piste invisible du reste du monde où, malgré les traces, personne ne passe jamais. Parfois aussi, je peux descendre de voiture pour aller voir à pieds et en éclaireur ce qui m'attend de piège en tout genre. Parmi ceux là, alors que je traverse un de ces longs passages où tout arrêt est inenvisageable et où je vais quasiment aussi vite que possible, je suis rejoins par le devant par une double bosse, dont la première, si on va trop vite, vous envoie illico vous planter dans la deuxième. Un choc lourd et la voiture s'écrasant de tout son poids sur ses suspensions pourtant solides plus tard, je regarde dans mon rétroviseur et constate consterné que j'ai laissé derrière moi et en travers de la route toute la protection moteur sensée protéger la voiture des chocs par en dessous. Honteux quoique toujours douché d'adrénaline, je descends, ouvre le coffre et charge ce qui est finalement un lest dans le coffre. Une heure après avoir entamé ce rallye improvisé, j'y suis encore. Il va être temps d'en sortir. Et quelques chaleurs plus loin où j'ai beau appuyer sur le champignon, la voiture menace de passer sous les 1km/h tant ca mouline, je rejoins la route côtière. Au premier village, je tombe sur une poubelle collective et me défausse de ma pièce détachée tout en jurant qu'on ne m'y reprendra plus. Plus loin, je tombe sur une route asphaltée qui fait finalement la traversée est-ouest de l'île. Je l'emprunte. Ca dure 5 minutes quand ça prend une heure de temps et des remorques de stress par le sable. A la fin de l'après-midi, alors que je me rapproche de la pointe sud de l'île, un promontoire dominant la mer s'offre au bivouac. Sur sa gauche, une plage de sable blanc. Sur sa droite, une plage de sable blanc. Tout pareil sauf que sur la gauche, comme dans beaucoup d'endroits à Oman, les déchets laissés là au hasard s'offrent à la plante des pieds en même temps d'une arrête de poisson si solide qu'au premier contact, elle s'est enfoncée loin dans mon pied. Encore un signe, je me baignerai à droite. Toujours seul au monde. A l'heure du crépuscule du crépuscule. Rinçage improvisé à l'eau minérale. La lune, maintenant à ¾ pleine finit d'éclairer le tout. Coucher à 20h bercé par un nouveau clapot bienvenu.

Jour 8 : Réveil à 6h30. Je prends mon temps avec raison. Il s'avérera en en faisant le tour que mon petit bout de plage est le plus bel endroit de Masirah. Décollage à 8h, mon bateau est à midi. La côte est de l'île est plate et désertique au possible. Je tente en chemin d'apercevoir la sortie de mon itinéraire bancal et ensablé de la veille. Sans succès tant ça n'était pas une route. Plus tard, alors que je suis un vieux monsieur au volant de sa voiture, je le vois se débarrasser d'une cannette à peine finie. Ca m'échauffe les sens, je le suis sur une dizaine de kilomètres jusqu'à ce qu'il s'arrête. Ni une ni deux, je m'arrête à sa hauteur, descends de mon véhicule et lui remplis l'oreille d'un mélange de colère et d'incrédulité tellement savamment dosé que le monsieur reconnaît son tort et qu'on ne l'y reprendra plus. Il se rappellera aussi pour un moment du petit français qui fait des leçons de poubelle. Je suis au port à 11h et à 13h30 sur le continent. Retour du la route cotière avec des envies de rendre service. Ca faisait plusieurs fois alors que j'étais en course contre la montre contre le soleil ou le bateau, que je manquais de m'arrêter pour prendre des autostoppers locaux. Aussi, aujourd'hui, à la première occasion, je m'arrête et fais place nette sur le siège passager qui ressemble de plus en plus à une expression du Syndrome de Diogène.Mon p'tit gars ne parle pas anglais mais apprécie la musique. 10Kms après, il est arrivé. J'ai fait ma BA et lui, son plus beau sourire. Et 5 minutes plus tard, ça recommence, Un homme dans les 50 ans, à qui il manque toutes les dents de devant, monte à son tour. Il ne parle pas anglais non plus. Après une quarantaine de kilomètres d'une route entre les dunes de sable, il est encore là. J'en viens à penser qu'il aime tellement mon convoyage qu'il se laisserait conduire jusqu'au bout de la Terre sans jamais me dire de m'arrêter. Tant pis pour les photos que j'aurais pu faire en chemin comme des toilettes particulièrement atypiques. Mais je ne veux pas qu'il me prenne pour un scatophile fétichiste de toilettes qui doivent lui sembler banales. Puis, alors que mon édenté souriant est encore là, un autre petit gars patiente au bord de la route. Place est faîte sur la banquette arrière de telle sorte qu'il puisse s'assoir confortablement. Le siège voisin devient une montagne informe de tout ce que contient la voiture et qui ne soit pas dans le coffre. On repart. Lui non plus ne parle pas anglais, ça le rend d'autant plus touchant si l'on considère que lui aussi est apparu au milieu d'un environnement dont on peut considérer qu'il est vide. Après une vingtaine de kilomètres supplémentaires, mes passagers toujours là, le bas-côté découvre une montagne qui n'est pas sans ressembler à la crête d'Aurère, montagne de la Réunion parmi les plus spectaculaires qui soient. M'excusant auprès d'eux qui ne tarderont pas à trouver un autre carrosse, je quitte la route et coupe à travers la lande, suivant de maigres traces laissées par d'autres. La montagne est au bout. Sauf que très vite, il s'avère que je suis de retour dans le sable mou. Et que j'ai beau mettre les gaz, je suis immobilisé dedans alors que la route est désormais hors de vue. Ne reste plus qu'à pelleter de nouveau, tapisser de cailloux l'espace dégagé et croiser les doigts. C'est insuffisant. Une fois, deux fois, cinq fois. Les roues tournent jusqu'à s'ensabler de nouveau. C'est d'autant plus exaspérant que, chaque fois, mes cailloux disparaissent sous la couverture de sable et qu'il me faut en trouver d'autres... Jusqu'à en manquer. En rade de caillou et d'idée, ne me reste plus qu'à me calmer, laisser la voiture là, retourner à la route à pieds et espérer la cavalerie. Et la cavalerie est là en la personne d'un père, éleveur local et conducteur aguerri de 4x4, et son fils qui réponde à mon language corporel de Chaule Pleureur, mi-chat qui apitoie, mi-saule qui pleure Je ne suis pas encore sur la route que je fais des croix avec les mains, des moulinets avec les bras. Le père s'arrête, m'invite à monter à l'arrière et de prendre bien soin de ne pas écraser le chien qui y dort déjà. On rejoint ma voiture sans difficulté. Mon ange-gardien dégonfle mes pneus comme il aurait fallu que je le fasses. Il actionne le bouton 4x4 de ma Kia dont je ne savais pas qu'il exista (sic). Avec son fils, on pousse pendant que le père accélère délicatement. La voiture qui la mélasse en grains et revient en bord de route. Je les remercie avec toute la nourriture et la boisson que j'ai le temps d'attraper avant qu'ils ne disparaissent dans de grands sourires, le chien dormant toujours. La décompression nerveuse est d'autant plus délicate que je réalise que depuis une semaine, je pense rouler en mode 4x4, la voiture en étant une, mais que ce n'est pas le cas tant il faut encore appuyer sur un bouton. Bref, entre ça et l'ensablement, on ne m'y reprendra plus. Je laisse la crête d'Aurère à Aurère et la montagne dans mon dos. Passage par une station service pour un regonflage de moral autant que de pneus. Il est maintenant 16h30, 45 minutes avant que le soleil ne disparaissent, il faut déjà chercher où dormir. Loin du sable, c'est mieux, je choisis de quitter la route côtière. Jusqu'à traverser une zone urbaine de long de route. Sur des kilomètres de ce que sont maintenant des embouteillages d'heure de pointe , je longe marchands de canap', d'ustensiles de cuisine, pièces détachées pour voitures, machines outils, et j'en passe. J'y suis encore à la nuit tombée. Il est temps de passer au plan F tant j'en égraine : un parc apparemment à 20km de là. Ca paraît illusoire mais allons bon... En chemin, je tombe sur un barrage de police où on me demande, entre autre, les papiers du véhicule sur lesquels je n'arrive pas à mettre la main ni dans l'instant, ni dans celui d'après. Le préposé, d'abord souriant, puis impatient, puis compréhensif, dans cet ordre, m'invite à passer, sûrement pour s'éviter à lui, aux autres automobilistes qui trépignent derrière, et à moi même une crise de nerfs. Donc au bout de six bonnes minutes, je libère la place, préparant mentalement l'énorme ménage à venir. Il fait noir quand j'arrive au parc qui est en fait une aire de jeu pour enfants devant une forêt clairsemée d'acacias, éclairée par quelques réverbères inondant le tout d'une teinte blafarde. Pour plus de discrétion, j'envisage le labyrinthe que constitue, de nuit, la forêt d'acacias. Je m'y perds presque. Dehors, le vent souffle assez de poussière pour que mes phares l'éclaire plus que ce qui se trouve derrière. Je m'en rends d'autant mieux compte quand il faut sortir de voiture pour dégager la voie de piles de pneus ou de branches tombées là au hasard. Il est finalement 21h quand je m'arrête enfin à la faveur d'un endroit à l'abri des bourrasques. Il est 21h45 quand je retrouve les papiers de la voiture. J'ai une impression d'éloignement vite contredite par l'appel à la prière lancé à quelques centaines de mètres. Je fais celle de mieux me démerder le lendemain.

Jour 9 : Après ces quelques péripéties des derniers jours, qu'il en soit ainsi, ce soir, je dors dans un lit. Alors je réserve une tente... Dans le désert, ou localement, les Sharqiya Sands. RDV est fixé à 15h30. Ca me laisse tout le temps pour une trempette et une première découverte du Wadi Bani Khalid, enfant chéri des sites touristiques du pays. Au bout d'une étroite route sinueuse au fond d'une vallée cernée de montagnes, on longe un maigre cours d'eau, lui même longé de réseau de canalisations alimentant de florissants jardins, jusqu'à une succession de bassins et autres piscines naturelles, aménagé pour pouvoir accueillir de la famille qui pique-nique au randonneur qui tournique. Perso, j'y plonge une tête, et apprends au détour d'une conversation avec un gardien des lieux qu'on peut aussi y dormir. Sans même avoir à demander. Ca semble tellement idéal que ce sera pour le lendemain. En attendant, je dis au revoir, et pour rejoindre le rendez-vous du campement dans les dunes, je déniche, une fois n'est pas coutume, une nouvelle route qui n'en est pas une puisque c'est une piste, laquelle serpente entre collines et montagnes, saluant au passage quelques rares arbustes pas bien gaillards tout en souhaitant bien fort qu'il n'arrive rien de fâcheux tant je finis par croiser deux voitures en deux heures. Ponctuel au RDV, je rencontre Rachid, alias Scooby, le patron du camp, qui m'annonce tout net que ma voiture n'est pas assez tout terrain pour rejoindre le camp, à 10km de là, à travers dunes. On prendra la sienne. On rencontre aussi Nicolete et Arjan, jeune couple néerlandais avec qui je partagerai le camp, en plus de Salim du Bangladesh, le cuistot. L'ambiance est convivial, les tentes confortables, le dîner frugal, le sable entre les orteils et partout autour. Jusqu'au coucher du soleil, on peut entendre au loin des dizaines d'omanais qui font rugir leurs moteurs et dévalent les pentes comme des gens normaux prendraient du plaisir à le faire à pieds. Après, on n'a plus que les étoiles pour voisines. Impossible de souhaiter individuellement à chacune une aussi bonne nuit que fut cette journée. Coucher à minuit.

Jour 10 : Réveil avant le soleil, déambulation au sommet des dunes, balançoire dans les premiers rayons. Petit déjeuner suivie d'une douche quasi-irréel considérant le désert autour. On dit au revoir au camp vers 10h30 et je retrouve ma Titine peu après. Aujourd'hui, je n'ai pas particulièrement envie d'en faire des caisses d'autant qu'au soir, je dors à la belle au Wadi Bani Khalid, toujours à quelques dizaines de bornes de là. Incapable de trouver une nouvelle piste, je prends la route. Sur place, c'est bien moins fréquenté que la veille, mais suffisamment pour que je remonte le wadi autant que possible comme autant d'aventures offertes tant par la marche que par les nombreux bassins érodés qui s'enchaînent autant qu'ils invitent aux ploufs. Le chemin traverse le cours d'eau une paire de fois. Plaisir d'un décrassage de jambes autant et de passages du soleil à l'ombre. Au bout, une grotte puis un canyon où on me recommande de ne pas m'aventurer, ce que je fais quand même, les hautes parois au dessus de la tête, sans qu'il n'arrive rien d'épique si ce n'est être bloqué par les rochers de la taille de maisons au point de devoir faire demi-tour. Retour au bassin principal, également hôte d'un bar/resto, à 15h. Et toujours un peu de monde. Un shawarma plus loin, il est 17h, heure de fermeture du bar sur bassin. Le soleil est déjà planqué derrière les montagnes alentours. Il ne reste plus que quelques rares voitures sur le parking. Je m'y équipe de mon trousseau pour la nuit d'autant plus impressionnant que j'ai mon matelas de sultan portable à bout de bras. Quittant la voiture, je croise et salue les derniers qui rentrent. Me concernant, j'y distingue des enthousiastes et des interrogatifs. Et à 18h, je suis seul dans cet endroit digne des premiers jours du monde. La nuit arrive en même temps que la pleine lune se lève. Des chauves-souris tournoient. Les chants de centaines de grenouilles qui n'hésitent pas à s'enfiler devant la tente finissent de remplir l'espace. Certaines autres n'hésitent pas non plus à se lover sous la tente posée à un mètre de l'eau, à tel point que j'ai dû la déplacer pour être sûr de n'écraser personne. Bain de minuit à 22h. Le plus beau terrain de jeu du pays devient tour à tour jardin. salon, salle de jeux, salle à manger, salle de bain, chambre. Je rêve éveillé jusqu'au coucher alors que des chats se frittent au loin.

Jour 11 : Le réveil au Wadi Bani Khalid est tout à la quiétude. Les oiseaux viennent boire, suivis par les chèvres. Quant aux humains, je suis toujours l'unique specimen. Le site, dont le Lonely Planet indique qu'il vaut à lui tout seul un voyage à Oman, est toujours tout mien. Ca s'arrose par une nouvelle baignade toujours tellement matinale que j'ai déjà remballé à l'arrivée des nettoyeurs. Je ne sais pas encore quoi faire de la journée mais, comme la veille, j'ai au moins un terminus : le Wadi Shab, supposément une autre vallée au bout de laquelle une nouvelle farandole de bassins s'offrira à mon usage exclusif si tant est que je puisses y dormir. Le Lonely Planet indiquant d'ailleurs sur une de ces pages que ça y est interdit. En attendant, je cherche d'abord en vain une piste de montagne ou de brousse, sinueuse comme je les aime, sauf que sans succès. C'est par l'autoroute que j'arrive au Wadi Tiwi. D'une longueur de plusieurs kilomètres, il est longé par une route à bosses, à lacets, à précipices qui passe tantôt au bord de l'eau, tantôt par des villages où le temps semble s'être arrêté si on excepte les 4x4 conduits par tous, tantôt par le bord du gouffre.Parfois, sur des centaines de mètres, il n'y a de la place que pour une voiture. Heureusement, je n'y croise personne. Sauf Hassan, 17 ans. Il est avec ses potes au bout du chemin et il attend le voyageur, je suis servi. Ni une, ni deux, il m'invite à le suivre jusqu'à une cascade. Le chemin passe par les jardins des habitants que je salue au passage, suivant parfois les branches d'un réseau d'irrigation efficace autant que photogénique. C'est inégal dans les pas et ça descends dru, 300m et plus entre le village et le fond de la vallée où coule le Wadi. Il faut parfois se mettre à quatre pattes, parfois escalader. Jamais je n'aurais pu trouver le chemin tout seul. Ou ne pourrait le retrouver au retour. En bas, les bassins émeraude s'enchainent et la partie prend de plus en plus des airs de canyoning jusqu'à la cascade, majestueuse au possible.Hassan retourne, sur sa proposition, chercher mes affaires dont l'appareil photo qui m'accompagne partout (cf : le lendemain) mais qu'il n'eut pas été prudent de prendre dans des bassins glissants ou profonds, c'est selon. Hassan revient, me raccompagne au village et à la voiture au bout d'une belle ascension, et négocie comme un chef sa rétribution en augmentant tour à tour sa proposition initiale. Ca commence à 10 Rials, puis 20, puis 50. Ca sera 20, Un autre enfant d'environ 8 ans s'approche et tente sa chance : " parking, parking!".Il repartira clairement déçu même si les mains pleines de victuailles. Sortie du Wadi par la même route qu'à l'aller avec la même réussite de n'y croiser personne aux moments critiques. Je fond ensuite sur le premier resto venu, commande deux shawarmas à emporter. C'est qu'il est 16h, il est temps d'aller au lit, au Wadi Shab, dont l'accès n'est qu'à quelques kilomètres de là. Et l'accès, c'est d'abord de lâcher la voiture pour prendre une barque après qu'on m'ait finalement le droit d'y poser une tente. " Et pourquoi n'aurait-on pas le droit ?" me dis même un préposé. J'ai mon invitation, mon trousseau, mon matelas, mes sharwarmas. Après cinq minutes de traversée et alors que le la lumière décroit déjà, le clou du spectacle et mon lieu de bivouac sont encore à 45 minutes de marche pendant lesquelles, comme la veille, je croise ceux qui rentrent. Personne d'autre ne va dans mon sens. Je m'arrête dégoulinant après avoir longé un nouveau réseau d'irrigation ancestral, après avoir croisés deux vieux bergers qui seront les derniers passants, et me pose dans la proximité du clapot de l'eau au milieu des roseaux sur la seule parcelle assez large et plate pour pouvoir y installer la tente. C'est que comparé au Wali Bani Khalid, le Wadi Shab est brut de pomme et le risque de chute omniprésent lorsqu'on s'y déplace à pieds et à flanc de montagne. La nuit tombant rapidement, j'ai tout juste le temps d'un bain à quelques mètres. Je suis couché à 18h30 ce soir là, à me ravir du retour du chant des grenouilles et à désespérer de la présence d'une famille de sortes de cigales dont le chant est continu, monocorde et puissant comme un moteur de fusée. Le lever de lune est masqué par la pente qui me domine, il fait nuit noire. Je mange bien un shawarma mais c'est tout. Me promettant que ce n'est qu'une sieste, espérant rouvrir un œil quand la lune sera sortie, elle m'aveugle finalement alors que m'émerge à 1h. La basse cour s'est tue, je replonge jusqu'au petit matin.

Jour 12 : Le tour du cadran plus tard, j'ai toujours le Wadi Shab pour mon usage et plaisir exclusif. J'en profite pour un petit réveil musculaire sous la forme d'une promenade à flanc de falaises surplombant le Wadi, malgré le panneau qui indique aux touristes que l'itinéraire est dangereux donc prohibé et à contre sens de là où étaient arrivés les deux bergers. Les bergers avaient des cannes et dans les 75 ans. Je progresse finalement jusqu'à ne plus pouvoir, jusqu'à ce que le maigre sentier semble exclusivement pouvoir servir à des chèvres acrobates. C'est le demi tour pour un petit déj' à la tente. Je cherche mon deuxième shawarma. Il est là, c'est sûr, j'ai mangé son cousin à cet endroit exact quelques heures plus tôt. Sauf que j'ai beau chercher partout une fois, deux fois, trois fois. Je pense devenir dingue jusqu'à tomber sur un indice. Sur le tissus de ma serviette posée sur un large rocher, on peut distinctement voir des pattes de félins trop petites pour être celles de lions, parfaites pour être celles de chats. De chats chapardeurs qui plus est, une espèce endémique prête à tout pour un sandwich de la veille. Résultat, donc : le petit déjeuner est moins frugal qu'escompté et la montagne probablement souillée du papier alu d'emballage que le chat a aussi pris soin d'emporter avec lui... Puis c'est la découverte du Wadi Shab par le fond alors que la lumière du soleil est encore bloqué derrière la montagne, comme la lune avant lui. Le but est de remonter par l'eau où on n'a pas souvent pied et où, quand c'est le cas, c'est de toute façon trop glissant pour tenir debout. Je suis donc là, tout seul, à nager entre les falaises, seulement équiper d'un sac étanche oublié jusque là dans lequel j'ai pris soin d'emporter entre autre serviette, snack et boisson, l'appareil photo vieux de 10 ans. Quand il flotte, le sac ressemble à une grosse bulle de couleur, le cul seulement lesté par son contenu. Quand il ne flotte pas, il pend, c'est un sac. Je progresse donc sans crainte malgré le danger évident d'une crampe qui peut toujours rendre visite ou d'un caillou/rocher qui tomberait d'au dessus. L'eau, bien que profonde, est plus chaude que l'air, le lieu et le moment sont hors du temps. Toujours immergé, ça progresse jusqu'à un renfoncement pénétrant dans la falaise. Les pieds sont toujours à nager la brasse, pendant que seule la tête a la place d'émerger au milieu d'un étroit couloir apparemment sans fond mais d'où parvient ce qui ressemble au chant d'une nouvelle cascade. Et en effet, toujours sans pouvoir envisager poser les pieds sur quoi que ce soit, je quitte le corridor et pénètre dans une grotte semi-imergée dans laquelle l'eau de surface est seulement déranger par une cascade d'une petite dizaine de mètres du plus bel effet, elle même dégoulinant d'une ouverture dans le toit de la grotte. Il y a même une échelle qui permette d'y monter. Sauf que non. Trop tape cul, trop glissant, trop tout seul, je me fais apôtre de prudence autant que de demi-tour Jusqu'à tomber à la sortie de la grotte et de son couloir immergé sur mes poursuivants : les deuxièmes touristes du jour et les premiers à ne pas avoir dormi là. Avec eux, c'est un couple, on retente. Le type, très/trop agile, essaye et réussi. A force de contorsion et flexion de biceps, il se hisse le long de la cascade qui semble rugir, le son renvoyé de concert par le toit de la grotte. Sa chérie propose de garder le sac contenant l'appareil photo au niveau du bassin pendant que je tente. Je refuse me laissant, si j'y arrive, la possibilité de faire des clichés au sec une fois là haut. Le sac est donc calé sur mon épaule quand il ne glisse pas jusqu'au coude. Arrivé à la corde, il faut très vite trouver une place pour placer ses pieds sans glisser, et tirer sur les bras pendant que le flot de la cascade me martèle des pieds à la tête. Ce faisant, le sac commence à développer une vie propre face à la gravité, bringuebale et vient racler un tantinet la montagne. Je finis de me hisser et profite d'une sortie vers l'air libre en amont de la grotte et sa cascade. Je suis dehors et debout. Sur de la terre ferme pour la première fois depuis la tente. Il y a là aussi le touriste qui m'avait ouvert le chemin. Lui dégote de son côté un passage contournant la cascade et permettant de revenir jusqu'au bassin souterrain au prix exquis d'un saut de plusieurs mètres de haut dans l'eau. Alors qu'il s'apprête à sauter, je l'interromps. Le moment mérite l'immortalité, je sors l'appareil photo. Dans le sac, Ô bonheur, tout est resté au sec. Sauf que l'appareil photo ne veut plus rien savoir. Qu'il soit en position allumée ou éteinte, il est allumé. L'écran d'info affiche des infos qui n'en sont pas. Le bouton de déclenchement n'est plus que décoratif. Bref, on a perdu le soldat Canon. Tension extrême. D'autant plus qu'avec mon sac, ce saut m'est interdit et je suis obligé de redescendre par où je suis venu : le long de la corde, dans la cascade. Cette fois, c'est moi qui bringuebale mais ça passe encore. De retour dans le bassin, je rejoins tout de suite la sortie. De nouveaux touristes arrivent émerveillés. Ils sont les mains vides, c'est mieux pour le rester. Retour au bivouac. Je remballe aussi sec mes affaires, aussi sèches. En redescendant vers la barque et la voiture, le flux inverse s'intensifie. Perso, je suis toujours seul dans la direction prise. En dernier hier soir, en premier ce matin. Autre chose qui ne change pas, la surprise des gens croisés lorsque j'arrive flanqué de mon 80L et de mon tapis, plus impressionnant encore, même plié. De retour à la voiture, une évidence, l'apôtre de la prudence a bon dos. L'appareil photo est quasi mort, du moins inutilisable. Tuile majeure. Reste le téléphone qui lui a une coque de protection, ce crâneur. Je m'en félicite au déjeuner quand, sur la nappe en plastique de ma table, il est écrit : " Happiness is to enjoy what you have ", le bonheur est dans l'appréciation de ce qu'on a. Sur ce, je décide de quitter les wadis comme j'avais décidé de quitter le sable il y a quelques jours. Je pars en montagne. Retour à l'autoroute dont j'ai oublié de préciser qu'il y a quelques jours encore, j'en ai pris une à l'envers, trompé par des panneaux temporaires contradictoires. Heureusement, après quelques centaines de mètres, la première voiture croisée, tous appels de phares dehors, m'aura fait comprendre que dans ce cas là, on peut faire demi-tour en plein sur la 2 x 3 voies à la faveur qu'il n'y a personne d'autre. Retour au présent, l'autoroute me fait passer par les faubourgs de Mascate, quitté 10 jours plus tôt. C'est comme si j'avais déjà bouclé la boucle avec 8 jours d'avance. Je reprends la direction de Salalah mais sors en direction des pics qui s'additionnent dans la lumière du soleil qui n'en finit pas de m'aveugler. Vers 16h30, traversant un petit village, Imti, j'aperçois l'échoppe d'un barbier qui patiente en attendant le prochain client. Ayant là l'occasion de me débarrasser de quelques poils poissards, je valide l'idée d'un rasage comme d'un nouveau départ symbolique. Avant 18h et au bout de la route, je cherche et tombe sur une tête de sentier. Il y a même un panneau qui indique 6 heures de marche, programme parfait pour le lendemain au réveil. Nuit sous les arbres, partagée avec de nombreux insectes dont une mante-religieuse s'agrippant à la moustiquaire. A l'intérieur, je partage la couche avec de minuscules et très nombreuses bestioles blanches tellement fines qu'elle arrive à passer à travers ses mailles. Peut-être des puces, des tiques ou des morpions, j'en tues le maximum et croise les doigts à l'heure de fermer les yeux. Il est 19h34, la lune n'est toujours pas levée.

Jour 13 : Réveil avec le soleil... Et les chèvres. 20 minutes plus tard, toujours en pyjama dont j'enroule les jambes jusqu'à mi cuisse parce que je juge la voiture trop loin pour passer un short, j'ai 1,5L d'eau et des snacks. Pendant 3 heures 30, ça ne fait que monter, il m'en coûte quasiment toute ma bouteille. Pendant 2 heures, que descendre et finir la bouteille. Je transpire à grosses gouttes même si une bonne partie du parcours est à l'ombre et mon sac allégé de l'appareil photo avec ses objectifs. Je ne croise personne sauf les chèvres qui m'ont rejoint en haut, quelques ânes, une petite vipère fuyante et de nombreux papillons. C'est pourquoi je jure de ne pas m'autocongratuler avant d'arriver à la voiture, un soucis est vite arrivé. Retour à la tente, toujours pas d'autocongratulation même si je profite du moment pour me détendre, manger, boire de re-chef et plier les gaules en bonne santé. J'en profite aussi pour redérouler mon pantalon de pyjama le long de mes jambes. Le détail est important car, alors que j'ai enfin tout mon barda sur les épaules et sous les bras, qu'il ne me reste qu'une pierre à enjamber et poser le pied sur la suivante et dernière de la journée parce que je suis à 10 pauvres mètres de la voiture, mon pied gauche se retrouve entraver par le tissus de la jambe droite qui flotte au vent. Impossible de dérouler la jambe, c'est le genou qui impacte la roche de tout mon poids tombant comme une tour qu'on dynamite. Instantanément, le douleur irradie tout mon corps et je suis plié en deux sous le regard de la Kia. Le barbier n'y aura rien fait, après six heures d'escapade, la poisse refrappe à 10 mètres de la ligne. Tant bien que mal, je charge le matériel et reprends la route jusqu'à ce que je parviennes à nouveau à me connecter à internet. N'ayant pas envie de passer la prochaine nuit dehors dans ses conditions, je me dégotte une chambre d'hôtel avec resto à immédiate proximité. J'y passe une bonne partie de l'après-midi et ce, jusqu'au soir, à maugréer et à boiter bas quand je me lève. A la télé, il y a des chaînes comme la Jesus Army Channel.

Jour 14 : Au réveil, je pose le pied par terre. Rien n'a changé. A chaque fois qu'autre chose que de l'air touche un tant soit peu mon genou, j'en ai presque des larmes. C'en est trop. Toujours au lit, j'empoigne mon téléphone et réserve un ultime billet d'avion pour le lendemain soir, de Mascate à Paris. Il faut abréger et sauver ce qui peut encore l'être et je fais vite la paix avec cette idée.

J'arrive à Mascate dans l'après-midi, galère pour monter au 3ème étage de la chambre et me préserve jusqu'au lendemain où je me prévoies quand même la visite de la plus impressionnante mosquée du pays, ratée le 1er jour alors que j'ai dû patienter 7 heures à l'aéroport. Je fais quand même déjà mon paquetage en concentrant mes efforts sur le fait de ne pas laisser mon matelas derrière. Pour celui-ci qui est plus haut et plus large que mon sac, déjà bien souvent jugé hors-gabarit, j'achète du scotch industriel et saucissonne le tout avec le sac de telle sorte que ça finisse par ressembler à une grosse paupiette.

Jour 15 : Ne pensant plus y retourner, j'abandonne ma chambre d'hotel avec toutes mes affaires dans le coffre à 8h, l'ouverture de la mosquée est à 8h30. Dans la voiture, j'essaye comme de nombreuses fois de trois jours de faire fonctionner l'appareil photo et cet enfoiré se réveille. Il m'accompagne. Impressionné par la visite, je retombe alors nez-à-nez avec Nicolete et Arjan, mon couple du désert. On papote de nos derniers jours, on s'étonne du fait qu'on est dans le même avion, et on évoque la Covid, mes deux interlocuteurs sortants à peine de la prise d'un test Covid, nécessaire pour rentrer aux Pays-Bas. Pour ma part, je crois bien avoir lu que je n'ai besoin que d'un schéma vaccinale complet et de ne pas avoir de température. Je finis par les déposer à leur hotel dans lequel ils ont prévu de passer toute la journée jusqu'au soir, l'avion devant décoller dans la nuit à 4h30. En chemin, je heurte une paire de fois mon genou contre un banc ou ma portière, ça me fait toujours bondir et je réfléchis à faire comme mes nouveaux amis. Pas question de continuer à galoper jusqu'au soir. Passage quand même par le souk. Un resto et le nettoyage de la voiture pendant près d'une heure par des professionnels plus tard, il est 16h et je suis de retour à l'hotel où j'envisage une sieste des familles. Sauf que que nenni. Je reçois un message de Nicolete qui me confirme que moi aussi j'ai besoin d'un test Covid pour rentrer. C'est le branle-bas de combat. Après 10 minutes dans la chambre, je voilà reparti définitivement pour l'aéroport où on peut se faire tester en voiture. Les résultats devraient être dispos dans les 24h. Impossible de faire plus vite en l'état. Sauf que c'est trop tard pour le décollage mais bon pour l'atterrissage si c'est là qu'on le demande. On verra bien. En attendant, il faut rendre la voiture. Je cherche sur la zone aéroportuaire le parking dévoué aux voitures de location. Il me faut faire quatre fois le tour pour trouver. Puis j'arrive face à une barrière. Elle se lèverai si j'avais le pass qu'elle me demande, sauf que de pass je n'ai point. J'appuie sur le bouton d'assistance. Une dame m'enjoins d'appeler le loueur. Sauf que je n'ai plus de forfait. Elle m'enjoins de mettre mon pass. Sauf que... Bref, on tourne en rond et des voitures patientent derrière pendant que je perds patience au point de finir par faire une marche arrière pour laisser l'accès libre et d'abandonner là la voiture, à cheval sur une ligne pointillée. 15 minutes de recherche plus tard, je tombe sur un employé Europcar qui m'accompagne alors dans la marche à suivre, un pass dans sa poche c'est facile. Lui et moi dans la voiture, je redémarre celle-ci pour la dernière fois et c'est tant mieux. Pour la première fois, elle vient de se découvrir un bruit de grincement qui s'amplifie à faible allure et dont l'écho résonne dans tout le parking. La barrière est passée, je rends les clés et ne demande pas mon reste. C'est le retour à l'aéroport où j'ai déjà largement mes habitudes. Je passe par le comptoir Europcar où l'employée ne comprend pas comment j'ai pu me retrouver à casser ma vitre extérieure deux semaines plus tôt. Le soleil est maintenant couché, j'enchaine les siestes et les clopes jusqu'à un message de Nicolete qui m'invite à ne pas les attendre pour l'avion. Leur résultat de test est tombé, la guigne est contagieuse, ils sont tous les deux positifs et partis pour dix jours de confinement dans leur chambre d'hôtel sans possibilité d'en sortir. Personnellement, à l'enregistrement des bagages, on ne me demande rien d'autre que mon passeport et c'est tant mieux. On me confirme aussi que mon sac ira bien jusqu'à Paris... Une fois que j'aurais bien voulu refaire empaqueter mon sac par les autorités compétentes, mon tetris n'étant pas homologué. J'embarque finalement à l'heure.

Jour 16 : Escale à Istanbul. Je suis surpris de tous ces hommes qui ont l'air tout droit sortis d'une expérience douloureuse où leur crâne ressort brûlé en divers et larges endroits. Tout bien réfléchis, Le tourisme de chirurgie esthétique inonde l'aérogare. Et je prie qu'une de ces victimes ne soit pas assis, sa tête dépassant du siège juste devant moi pour le dernier vol. Ca pourrait me couper l'appétit, le sommeil et tout le reste. Le dernier vol justement, alors que les autres passagers font patiemment la queue debout pour embarquer, je suis encore assis par terre, la musique dans les oreilles, quand les derniers finissent par rejoindre l'espèce de bus qui attend pour emmener tout le monde à l'avion. C'est mon tour. Carte d'embarquement ? Parfait. Et maintenant, test Covid monsieur ? Le monde s'arrête. Je commence à me lancer dans des explications en anglais, sans succès. Test Covid monsieur ? Attendez, c'est dans mon téléphone sauf que je n'ai pas de crédit. L'employé de l'aéroport me propose donc son code wifi pour regarder, je dois disposer d'environ 30 secondes avant que tout le monde ne se barre et me ferme la porte au nez. D'extrême limite, je parviens à me connecter au portail omanais des test Covid et découvre en direct sa négativité. Il était moins une. Décollage. Atterrissage à Paris à 15h et avec 5 jours d'avance.

Les jours suivants : Rendez-vous est pris pour une radio du genou qui ne donnera rien. Rendez-vous est aussi pris pour ma 3ème dose de vaccin. Ce n'est qu'une semaine après celle-ci que je suis testé positif.

Toujours positif.

Bonne année !