Les Sea Girls à l' Espace culturel Le Grand Pré, Langueux, le 5 février 2022
michel
C'était le 4 février 2017, elles étaient quatre à l'époque, déjà addict aux paillettes, strass, mascara et pompes scintillantes, les Sea Girls avaient ensorcelé le Grand Pré à Langueux.
Cinq ans plus tard, une des femmes de mer ( matelote, même pour les "iel" n'est pas reconnu, sauf pour une blanquette de poisson) a quitté le chalutier, il en reste trois, plus deux moussaillons, pas maladroits, c'est bien assez pour galvaniser le bon peuple sevré depuis trop longtemps.
Donc, les Sea Girls après avoir débarqué à Paris et avoir médusé le Café de la Danse, ont mis le cap sur la Bretagne pour présenter leur dernière revue ( la cinquième, déjà) , baptisée ' Anthologie ...ou presque', un show qui reprend le meilleur d'un répertoire peaufiné depuis une vingtaine d'années.
Les artistes, au féminin: Judith Rémy, Prunella Rivière et Delphine Simon ( elles chantent, dansent , illusionnent, polémiquent, miment, se moquent et jasent) / au masculin: Dani Bouillard ( guitare, mandoline) et Vincent Martin ( batterie, cajon, flûte, melodica...).
Avertissement: tu ne filmes pas, tu oublies les photos, tu ne tousses pas, tu ne ronfles pas, tu ne reluques pas le décolleté plongeant d'une voisine occasionnelle dont le conjoint fait du bringue à une gamine de 17 ans, assise à sa gauche.
Bref, tu ne te comportes pas comme un marin lâché dans la nature après quatre mois passés en mer.
Le décor: très sobre, à l'arrière, punis, les musiciens, à l'avant, les nanas de blanc vêtues, it's Saturday Night Fever, kids, coiffures afro improbables (Angela Davis, assise au premier rang , est fan), eyeliner et rouge à lèvres d'une sobriété exotique.
On peut commencer!
Une voix off, donnant la définition d'anthologie précède une première tirade librement inspirée d'Aristophane, 'Les Sea Girls au pouvoir' , mais ce n'est pas à Athènes que nous emmènent les allumées, mais bien du côté de Broadway ou, peut-être, Chez Régine, au choix.
Déjà, la salle se tord de rire, l'humour décalé, un brin insolent, fait mouche.
Langueux n'existe pas, ici c'est Las Vegas.
Vont se succéder: ' Petits fours et Boudins' sur accompagnement jazzy qui évoque Les Frères Jacques , 'Tout le monde pleurait' une composition de Jean-Max Rivière, le paternel de la grande Prunella, dont les textes ont été chantés par Juliette Gréco, Serge Reggiani ou Brigitte Bardot, e a . , et l'ineffable ' Little Bobby' , interprété par Judith, transformée en lilliputienne irascible.
Le plus petit cowboy des Etats- Unis possède un cheval, non, pas Jolly Jumper, mais Mimie Mathy. Tu vois le style, humour professeur Choron au féminin, sur fond musical country et western à la sauce Joe Dassin ou Annie Cordy.
La suite de chansons est interrompue par des interludes rock'n'roll ou des sketches, pendant lesquels le public, aussi ébahi que les spectateurs visser devant le petit écran aux côtés d' Henri Salvador, qui zappe de chaîne en chaîne et tombe à chaque coup sur Zorro, apprend que le titre 'Anthologie' ne faisait pas l'unanimité.
Delphine, légèrement dyslexique, voulait opter pour ' florilège' et Prunella, intellectuelle, préférait 'chrestomathie' .
Après un tour de magie barré, le trio enchaîne sur "Oups j'ai encore oublié le gaz en sortant", une image de la vieillesse, vaudevillesque, n'épargnant personne, ni Sardou, ni Drucker, tout ça en mode Jacques Demy/Michel Legrand.
Hilarant, acerbe et subtil à la fois.
On se méfie, elles avancent ' J'ai un plan', puis entament un pas de danse avec mouvements pelviens à faire rougir Elvis.
Plus glamour que Marine, plus pécheresses que Pécresse et plus vertes que Jadot, elles nous en font voir de toutes les couleurs.
Judith s'empare d'un ukulele pour massacrer ' Jeux Interdits' , une copine se transforme en baleine sénile, ça délire ferme, ' Gourmande' , ' Rater l''amour', ' Partons en chasse' défilent, on a droit à une séquence British avant une parodie savoureuse des Andrews Sisters.
Prunella nous la joue diva, pas celle de Beineix, plutôt en mode Céline Dion, aïe, ...un de ces jours je vais crever comme tout le monde... la voilà transformée en Edith Piaf, heureusement le second degré refait surface.
Direction la Sologne, ' Partons en chasse' , carré blanc, un coït est simulé, une fois les carabines remisées , elles attaquent le charmant ' Bisous' puis décident de nous emmener du côté de Cuba pour un cha-cha-cha tendance nymphomane ' Avec mon chat', le minou qui doit les consoler de tous ces mâles bourrés de défauts.
Elles sont imprévisibles, après une séquence tribale où elles endossent le rôle de King Kong vient le caustique cantique de 'Noël', politiquement incorrect et truffé de vérités qu'il vaut mieux dissimuler.
L'horreur suit avec " Le petit lapin' transformé en terrine, pour digérer le pâté en croûte, elles entament une danse celtique à rendre jaloux la troupe de Riverdance.
Il manquait du Patricia Kaas, voici ' J'aime les Hommes' interprété a capella puis vient le titre qui fait passer Kenji Girac pour un plouc , ' L'Andalouse'.
Imagine Dalida détriplée entamant un flamenco délirant sur fond de remake de La Cage Aux Folles, trop drôle!
' La fin du monde' , à Rio c'est moins triste et si tu penses à Sacha Distel pour le fond sonore, c'est normal.
Faux outro, avant un final Liza Minnelli: ' Pipi sur le gazon'.
Une voix derrière toi: chéri, c'est pas sur la pelouse que je me suis soulagée, c'est dans ma culotte, de rire!