Il n’y a qu’un critère pour moi, la justesse de jeu. Et Guillaume de Tonquédec est irréprochable. Times square est d’ailleurs une pièce plus intéressante que La garçonnière dont la misogynie m’avait agacée, et où il était dirigé par le même metteur en scène, José Paul.Ce comédien était parfait dans Le prénom mais il a ici « enfin » un grand rôle lui permettant d’exprimer de multiples nuances. Il campe Matt Donovan, un acteur qu’on dit périmé, alcoolique de surcroît, ceci expliquant peut-être cela à moins que ce ne soit l’inverse.
Ils sont trois à tenter de le remettre sur rail en utilisant des ficelles plus ou moins directes. Le texte, écrit par Clément Koch analyse bien entendu les freins et motivation à exercer le métier d’acteur. Il évoque les espérances, notamment à travers le personnage de Sara Bump (Camille Aguilar) qui est dans l’attente de décrocher le rôle de Juliette dans la tragédie de Shakespeare, comme le renoncement de Tyler (Axel Auriant) qui doit se satisfaire de jouer la peluche vivante en bas de l’immeuble s’il Veut pouvoir manger. Le public comprendra que ce métier ne conduit pas systématiquement au succès, et qu’une fois atteint celui-ci peut être éphémère.Mais ce n’est pas que cela. La pièce est surtout construite sur des rapports humains qui se déploient avec maladresse, sur fond de jalousie, de rivalité familiale, de différences sociales (Sara vient du Bronx, Matt et son frère vivent à Manhattan) et d’incompréhension.Si, accessoirement le texte interroge sur l’éventualité du transfert de compétences (être un bon acteur fait-il de vous un bon professeur ?) il pose surtout la question de l’essentialité du théâtre qui est, nous dit Matt, de faire décoller le cadre sup. La formule peut sembler anodine ou extravagante. C’est exactement ce dont on m’avait prévenue le premier soir où je me suis assise dans un théâtre national : fais gaffe à boucler ta ceinture, ça va décoller. Sur le moment, je n’avais pas compris. Deux heures plus tard, je savais.Le mérite de Times square est de faire entreprendre ce voyage essentiel en douceur, sans rien concéder car l’humour y est subtil et la cocasserie légère sans faire claquer les portes. La scénographie d’Edouard Laug est tout à fait à propos et les effets vidéo (signés naturellement de Léonard dont le nom nous est familier) sont exactement ceux qui conviennent pour achever de nous transporter à New-York.