Auteur : Gustave Flaubert
Titre original : Madame Bovary, Moeurs de province
1ère édition : 1857
Ma note :
Résumé :
Ce roman de près de 400 pages se résume vite : Emma est une jeune femme dévorée d’idéaux et de rêves, mariée à un homme commun, vivant dans un bourg normand. Et elle crève d’ennui.
Mon avis :
C’est s’attaquer à un monument que de parler de Madame Bovary de Gustave Flaubert. Au final, Flaubert fait un roman sur l’ennui, sur la médiocrité, sur le banal quotidien qui se traîne inexorablement, sans mouvement ni sursaut. C’est le cas de le dire : le thème n’a rien de bien palpitant ; pourtant, l’œuvre tient bon, grâce à sa composition sans faille, élaborée méticuleusement ; à la richesse des personnages, nombreux et tous dotés d’une intériorité ; enfin grâce à cette écriture tant travaillée, résultat d’un véritable travail d’orfèvre. En lisant Flaubert, le lecteur peut se pencher sans remords sur le texte : il sait qu’on n’a rien laissé au hasard, que chaque phrase est finement polie et ciselée. Il peut aussi se laisser porter par la grande fluidité de style, et suivre le destin d’Emma Rouault devenue Madame Bovary, dans sa médiocrité et son tragique.
Cette jeune femme, d’un bout à l’autre du roman, se morfond. En quête d’absolu, nourrie de lectures romanesques et de gravures romantiques, prête à tout pour fuir le réel, elle se perd dans ses illusions. Jeune fille, elle songe avec délices à l’amour qu’elle connaitra et aux joies du mariage. Mariée à un officier de santé assez balourd, elle regrette sa jeunesse insouciante au couvent, un amour perdu ou pas encore trouvé. Accoudée à sa fenêtre, elle guette désespérément le bonheur, l’amour et l’aventure. Cependant, ses attentes et ses espoirs se heurtent violemment à la réalité de la société du XIXème siècle, plus généralement à la réalité morne du quotidien. Emma n’est d’ailleurs pas la seule à suivre de telles chimères : beaucoup de personnages sont au final des “Madame Bovary“, chacun à leur façon. Il y a surtout Léon, l’un des amants, perclu lui aussi de rêveries romanesques. Leur première conversation, à l’arrivée à Yonville des Bovary, véhicule les derniers clichés du romantisme, entre les couchers de soleil sur la plage et le sublime des paysages de montagne “qui vous élève l’âme“. Difficile d’évoquer toute la galerie de personnages que convoque Flaubert : tous, jusqu’au petit figurant, ont leur petite particularité qui les rend potentiellement intéressants. Pensons à Rodolphe, à Bournisien ou encore Homais, ce pharmacien dévoré d’ambition, héraut d’un langage révolutionnaire et philosophique dénaturé, mal compris, repris par les bourgeois en mal de pouvoir, rejetant la religion en bloc par angoisse de la mort pour se tourner vers le scientisme, envahissant, omniprésent … On ne sait plus trop où donner de la tête !
Dans cet ouvrage où l’on peut se laisser porter sans presque y porter attention, le lecteur se doit d’être un peu vigilant. En effet, il doit souvent se débrouiller par lui-même, le narrateur demeurant curieusement absent au fil de l’histoire. Il s’agit d’un roman à construire pour chacun d’entre nous, l’auteur-narrateur rechignant à nous prendre par la main pour nous guider au sein de son histoire.
De plus, Madame Bovary est un roman beaucoup lu, beaucoup cité, que ce soit dans le cadre scolaire, dans la blogosphère littéraire, … Et le livre en souffre parfois. Peut-on vraiment s’identifier au personnage d’Emma et en tirer plaisir ? Quelles étiquettes coller sur la couverture du roman sans trop la dégrader ? Une chose est certaine, cependant : pas de réel romantisme chez Madame Bovary. L’ouvrage, qui se construit justement en opposition à cette littérature, en dénonce l’image pervertie et stéréotypée qui circule à l’époque. Réaliste, alors ? Il ne faut pas oublier que Flaubert a toujours refusé cette qualification. Il y a une part de réalisme dans cette œuvre (par l’importance de la documentation rassemblée par l’auteur, par certaines descriptions notamment des lieux, par le soin apporté à la représentation d’une couche sociale et de son quotidien) mais les descriptions, fort nombreuses et parfois longues, ne servent pas uniquement à rendre compte d’une réalité qu’il s’agirait de décrire le plus fidèlement possible, elles permettent aussi de faire passer de précieuses informations sur les personnages.
Œuvre noire et pessimiste, contant le destin tragique d’une femme dans la société du XIXème siècle, elle n’est pas dépourvue d’humour.Magistralement écrit et d’une richesse incroyable, il peut nous amener vers une réflexion sur nous-même et sur le monde qui nous entoure, même aujourd’hui.
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