Des ventes de Rafale en rafales!

Publié le 11 février 2022 par Toulouseweb

14 Février 2022 – On a tout dit sur le Rafale, pour le dénigrer. Depuis la première ébauche du biréacteur français, oui, français ! En passant par le soi-disant refus de Monsieur Dassault de coopérer avec la Grande-Bretagne et ses 3 partenaires européens du programme Typhoon (ex Eurofighter). Dès la fin des années 1970, France et Grande Bretagne, mais aussi République Fédérale d’Allemagne, Italie et Espagne songent à préparer le remplacement de leurs avions de combat en service. Les appareils nouveaux se doivent d’être de plus en plus sophistiqués, donc de plus en plus lourds et donc de plus en plus chers, avec des équipements et armements de plus en plus complexes mais efficaces.

Il n’est plus question pour certains pays d’acheter américain sur étagères. Pas même « étranger ». On ne parle pas encore beaucoup d’européen … Il faut donc « coopérer » pour participer à la production et en retirer les avantages technologiques, financiers et sociaux qui s’imposent. Coopérer ! Pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne qui n’ont pas une véritable autonomie industrielle en matière d’avions de combat, c’est plus qu’envisageable, c’est incontournable.

Pour la France et le Royaume Uni, c’est un casse tête. Chacun des deux pays possède les savoirs faire et les entreprises pour produire les cellules, les moteurs, les radars, les systèmes d’armes et les armements. Faut-il donc accepter de s’amputer d’un pan de son industrie ?

Les spécifications des Etats-Majors vont trancher la question : La France veut au départ un appareil d’environ 7,5 tonnes à vide, multirôle et capable d’une version navalisée pour ses portes avions de la classe Foch et Clémenceau, plus tard, Charles de Gaulle, et apte aux missions complexes de la dissuasion nucléaire. Les britanniques veulent, ainsi que les 3 autres partenaires européens, très teintés de la stratégie de l’OTAN, un avion de supériorité aérienne, d’abord chasseur donc, classique, plus lourd, sans version navale (puisque la Grande Bretagne ne possède plus que des porte-aéronefs pour appareils à décollage /atterrissage vertical (Sea-Harrier)). Un avion de la classe des 12 tonnes à vide.

Le poids, dans cet univers, c’est le prix ! Moins c’est lourd, moins c’est cher. Et les industriels d’outre-manche, comme les français ne veulent pas renoncer à leurs radars (Thomson), leurs moteurs (SNECMA Vs Rolls-Royce), leurs systèmes d’armes et leurs missiles, etc. Les discussions ont été engagées en 1983. En 1985, il y a finalement constat de désaccord. Le Rafale ne sera que français. L’Eurofighter, devenu Typhoon sera le fruit de la coopération entre les anglais, les allemands, les italiens et les espagnols. Chacun aura sa ligne d’assemblage chez lui, quelques travaux seront partagés selon compétences, le gros du travail reviendra aux britanniques. Le démonstrateur EAP effectue son premier vol le 8 aout 1986.

Evidemment, d’un coté, on coopère. De l’autre on fait bande à part. et les pythies d’annoncer que le Rafale sera un gouffre financier. Et que c’est « la faute à Dassault » qui ne veut pas partager. Déjà, c’est faux. Le Rafale, dont un démonstrateur, le Rafale A, a volé dès le 4 juillet 1986, peu après la mort de Marcel Dassault, répond clairement aux spécifications de l’Armée de l’Air française et à celles de la Marine Nationale, (même si quelques amiraux anciens pilotes de Crusader américains, auraient préféré l’avion US Mc Donnell Douglas F18 Hornet dans sa version navale, disponible immédiatement et éprouvé depuis 1983).

Le gouvernement français, par la voix de Charles Hernu a tranché. Sa cible est de 400 avions. Plus les besoins à venir, plus les ventes à l’export, comme ce fut le cas pour les Mirage III, les Mirage F1 et les Mirage 2000. Qui ont eu un large succès.

Quarante années ont passé. Pour des raisons essentiellement budgétaires les programmes lancés mi-80 pour entrer en service courant 90 ont accumulé les retards. Sans cesse. Cela a donné du temps aux industriels, mais leur a coûté beaucoup d’argent. Refacturé aux gouvernements bien évidemment. Et fait rater des marchés. Surtout que l’export, en tout cas en France, n’est jamais autorisé avant que les armements ou avions aient été au préalable mis en service dans les forces. Donc impossible de contourner les soucis budgétaires de l’Etat.

Les glissements, de part et d’autre d’ailleurs, ont à coup sûr doublé les prix de revient ! Mais il y a un juge de paix : ce qui fait la différence à l’arrivée, c’est la qualité de l’avion et de son système d’armes, et son prix de revient unitaire final, y compris l’export, qui a un fort effet d’atténuation pour les budgets des armées. Le Rafale a débuté son service sur le porte-avions Charles de Gaulle en 2002. Succédant enfin aux Vought F-8 Crusader ferraillés, et aux Étendards et Super Étendards à bout de souffle. Il avait fait ses essais marine avec le Foch*. Je me souviens de Guy Mitaux-Maurouard, (premier vol du Rafale A), Yves Kerhervé, Eric Gérard, et de l’ingénieur Jean-Claude Hironde, et les autres des essais en vol du CEV et de Dassault. Puis Le Rafale est entré en service dans l’Armée de l’Air (et de l’Espace aujourd’hui) en 2006. De son coté l’Eurofighter devenu Typhoon a été mis en service à compter de 2004, mais dans une version aux capacités très réduites, et c’est alors que ses commanditaires ont mesuré le coût astronomique de l’organisation industrielle sur quatre lignes d’assemblage différentes et éloignées, et surtout ont compris la nécessité de posséder dès le départ un avion polyvalent. La tache pour lui apporter maintenant de telles capacité est coûteuse et longue. Et pas achevée à ce jour. Tandis que les britanniques, revenus au concept de porte-avions, dont il ont construit deux exemplaires, ont été obligés pour l’équiper de se fournir aux USA en avions navalisés où ils ont acheté 50 F35 à prix d’or. Le Rafale M a été envisagé. Mais ils participent industriellement au programme F35.

L’avion « dit européen » est finalement revenu beaucoup plus cher que son concurrent français : la Cour des Comptes française parlait déjà du double il y a 10 ans ! Et pourtant l’appareil à ses débuts semblait pouvoir s’exporter, contrairement au Rafale qui n’a été proposé à l’étranger qu’après 2006. Le Typhoon avait déjà et d’office quatre clients, les membres du consortium : Grande Bretagne, Italie, Allemagne et Espagne. 443 appareils à ce jour sur 700, si l’on inclut les appareils vendus à l’export dans 7 pays. Le Rafale de son coté a été quelque peu abandonné par ses commanditaires : La cible française de 400 appareils pour la Marine et l’Armée de l’Air et de l’Espace a été progressivement réduite à 225 pour …. 2030 ! Mais depuis quelques années le Rafale séduit à l’export. Inde, Egypte, Croatie, Grèce, Qatar, Emirats Arabes Unis. Avec le contrat Indonésien de février 2022 l’export s’élève à 284 exemplaires. Avec des espoirs supplémentaires en Inde, dont peut-être des versions marine, et en Malaisie. Total, France incluse, 509. Ainsi, si le Rafale ne s’est pas encore vendu autant que son concurrent, il s’en approche, en particulier ces derniers temps.

Les versions successives des deux avions leurs permettent d’être sans cesse au plus près des dernières capacités qu’offre la technologie. Mais le Rafale, conçu dès le départ comme polyvalent, est une plateforme qui possède un très fort potentiel d’évolution. Et côté prix, même la Cour des comptes britannique le confirme : il revient beaucoup moins cher à l’unité que le Typhoon (tout inclus y compris l’achat de 50 appareils F35). Quasiment moitié prix ! Et cet avantage ne cesse de s’accroitre avec les ventes à l’export qui se succèdent. On est loin de l’affreux rapport parlementaire de 1988, et des commentaires de la presse déchaînée. ** Cela étant dit n’oublions pas que 46 % du Typhoon, en matière d’actionnariat industriel appartiennent à la firme
[caption id="attachment_5233" align="alignnone" width="300"] @Airbus[/caption]

A leading presence in aerospace and defence markets, Airbus Group constantly strives for improvement by driving technological innovation, forging new partnerships and strengthening its localised presence around the globe. Reinforcing our aerospace leadership

Airbus Group is already a leader in each domain in which it operates: it has achieved parity with Boeing in the commercial aircraft segment, is the No. 1 helicopter company in the world, the European leader in space business and second in Europe in the defence sector. Moreover, since the Group’s foundation in 2000, it has increased its revenues by 145% and its annual order intake by 346%.
https://www.airbusgroup.com/int/en.html" href="https://aeromorning.com/annuaire/airbus-group-2/" class="glossaryLink ">Airbus au travers de sa filiale
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https://www.airbusgroup.com/int/en.html" href="https://aeromorning.com/annuaire/airbus-group-2/" class="glossaryLink ">Airbus DS (Defense & Space) c’est à dire pour une part aux actionnaires … français. Impossible à mesurer au travers du capital d’
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https://www.airbusgroup.com/int/en.html" href="https://aeromorning.com/annuaire/airbus-group-2/" class="glossaryLink ">Airbus Group. Mais ils en retirent des dividendes.

Marcel et Serge Dassault, et tous ceux qui les ont entourés, doivent se réjouir du haut des cieux en regardant voler le Rafale ! Marcel qui voulait que la France ait les armes de sa liberté et cela grâce à l’export à un prix raisonnable ! Serge qui le disait le « meilleur avion du monde » ! Et déjà l’on regarde vers l’après Rafale, vers 2040, avec le NFG….. Mais c’est une autre histoire. Michel Polacco pour AeroMorning. 14/02/2022.

Liens

* Juste avant sa vente au Brésil où il est devenu le Sao Paulo avant de prendre sa retraite il y a peu en 2017.

**En 1988, après le rapport de l’Assemblée nationale française, violentes critiques de la presse sur « le gouffre à milliards » ou le « Mirage du Rafale » puis la déclaration maladroite du Premier ministre Michel Rocard sur le  «sinistre industriel». Bientôt corrigée.