De notre correspondant à Pékin une petite surprise attendait les journalistes en train de s’installer dans le centre de presse olympique ultramoderne de Pékin, hier. Sur les batteries d’ordinateurs mis à leur disposition, de très nombreux sites « sensibles » restaient bloqués - comme partout ailleurs en Chine -, et les connexions étaient ralenties par le filtrage. Impossible donc de se connecter aux sites des dissidents de toutes sortes, comme Boxun.com ou Faluninfo.net, mais aussi ceux de Radio Free Asia, la BBC en chinois, Amnesty International ou Reporters sans frontières.
Exemple de crispation : il y a quelques jours à Pékin, un journaliste occidental et son assistant chinois ont été malmenés par la police, et leur caméra brisée. Ils filmaient l’achat de billets pour les épreuves olympiques, un sujet a priori anodin. La file d’attente était devenue chaotique, mais le journaliste rapporte que « les policiers essayaient d’empêcher les télévisions de filmer, plutôt que de réguler la foule ». Cet incident résume l’hypersensibilité des autorités chinoises envers les médias étrangers à l’approche des JO. Près de 30 000 journalistes du monde entier sont attendus et Pékin sait qu’ils ne vont pas parler que de sport. Face à cet afflux dérangeant, la « liberté totale » promise par le Comité olympique chinois a été mise sous le tapis rouge.
Autre anecdote, il y a quelques jours, un présentateur de la chaîne allemande ZDF venait de débuter, en direct de la Grande Muraille, une émission regardée par plusieurs millions de personnes, lorsque le personnel de sécurité est apparu à l’écran et a fait arrêter les caméras. Le programme, qui avait coûté des millions, avait pourtant été préparé depuis des mois et tout le contenu soumis au préalable à la censure. Selon un membre de l’équipe, « ce qui est permis sur le papier et ce qui se passe en réalité peut-être très différent ».
Ces accrocs sont la partie visible d’un immense effort de contrôle de toutes les informations jugées nuisibles à l’image du pays. Depuis des mois, les mises en résidence surveillée, arrestations, détentions, et avertissements d’intellectuels, avocats, plaignants sans terre ou activistes, se sont multipliés.
L’espoir était pourtant permis avec un nouveau règlement garantissant, depuis le 1er janvier 2007 et jusqu’en octobre 2008, la possibilité de se déplacer dans le pays et de faire des interviews sans autorisation préalable. Mais depuis l’entrée en vigueur de ce règlement, le Club des correspondants étrangers en Chine (FCCC) a recensé plus de 230 cas d’« interférences », comme la détention arbitraire de journalistes et de leurs assistants, le harcèlement et parfois l’arrestation de leurs sources, l’empêchement par la force de se rendre dans des lieux d’actualité. Le FCCC vient d’adresser une lettre ouverte au gouvernement chinois lui demandant de respecter ses engagements. Pour Jonathan Watts, président du club et correspondant du quotidien anglais The Guardian, « le contrôle sur les journalistes étrangers a l’un des impacts les plus négatifs sur l’image du pays à l’international ».
Les autorités, de leur côté, ont lancé une intense campagne de dénigrement des médias occidentaux qui « critiquent la Chine ». Un site anti-CNN, officiellement indépendant mais jouissant du soutien du gouvernement, s’acharne depuis quelques mois sur certains médias occidentaux (dont Libération). Un journaliste américain en poste à Pékin résume : « L’opinion chinoise est modelée pour douter des médias occidentaux. Si quelque chose dérape durant les Jeux, les gens vont croire que c’est une invention des étrangers. »
Beijing 2008, censure en Chine
ARTICLE : Abel Segretin
Lu sur le site écrans