Ce diaporama est le support d’un moment convivial d’échanges qui s’est déroulé avec un auditoire motivé et dynamique, au Créole café, en avril 2021 -il y a bientôt un an! – dans le cadre de l’exposition Expériences de femmes de l’association PABE. Sur le moment, partager texte et images ne m’avait pas paru indispensable car la plupart des problématiques et des démarches artistiques avaient déjà été présentées sur le blog. Mais les trois articles de Sophie D’Ingianni ré-activent l’intérêt. C’est un sujet inépuisable et toujours renouvelé que chacun peut aborder et illustrer différemment.
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Le combat des femmes artistes from AicascVous pouvez consulter ces quelques notes qui accompagnent les images
« Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grandes artistes femmes ? »
Cette question provocatrice, c’est le titre qu’a choisi Linda Nochlin, une historienne d’art américaine pour son essai publié en 1971.
Le succès est retentissant.
Pour Nochlin, la présence moindre des femmes dans l’histoire de l’art s’explique par le fait que celles-ci se sont simplement vues écartées de l’apprentissage et de la pratique de l’art pour des raisons historiques et culturelles
Exclues jusqu’u XIX siècle des ateliers de peinture et des classes de dessin où posaient des modèles nus, les femmes ont peu eu l’occasion de proposer des précédents pouvant servir de modèles aux nouvelles générations d’artistes.
Les pionnières
Artemisia Gentileschi (1593-1656)
C’est une des rares femmes à s’imposer et à obtenir sa place méritée dans l’histoire de la peinture.
La première femme membre de la Galerie de l’Académie de Florence.
Elle emprunte à son père, Orazio Gentileschi, peintre de renom, la rigueur de son dessin.
Egalement fortement influencée par le Caravage dans le réalisme et la tension dramatique, presque théâtrale, de ses œuvres (en s’appuyant bien sûr sur la technique du clair-obscur)
Son œuvre la plus célèbre Judith décapitant Holopherne (1620) impressionne par sa violence sanglante et brutale.
Vous connaissez cet épisode biblique : une jeune veuve, Judith, d’une extraordinaire beauté, pour sauver la ville de Bethulie assiégée par Holopherne, organise en son honneur un grand banquet où elle le séduit et l’enivre puis le décapite.
Cette œuvre est généralement interprétée comme un désir de vengeance pour les violences subies par l’artiste elle-même, violée par son professeur de peinture lorsqu’elle était très jeune.
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Berthe Morisot (1841- 1895)
Berthe Morisot, de famille aisée, devient copiste au Louvre. Elle rencontre Jean-Bapiste-Camille Corot, peintre paysagiste qui lui fait découvrir la peinture en plein air.
En 1864, à seulement 23 ans, elle retient l’attention du Salon parisien officiel qui présente deux de ses paysages. Quelques années plus tard, elle rencontre Édouard Manet. Elle est représentée 12 fois dans ses toiles.
Cette collaboration permet à Berthe Morisot de rejoindre le clan très fermé des Impressionnistes.
Elle s’impose comme une artiste à part entière en faisant fi des préjugés de genre.
Dans l’ouvrage Old Mistresses (Anciennes ou vieilles, maîtresses) Rozsika Parker et Griselda Pollock analysent les stéréotypes appliqués à l’art féminin, Elles montrent que tableaux de Berthe Morisot et Mary Cassatt, représentent les espaces dans lesquels elles ont été cantonnées : salles à manger, chambres, balcons, vérandas, jardins privés, à la place des bars, des cafés de la rue et des paysages, peints par les artistes masculins.
Camille Claudel (1864-1943)
Sœur de Paul Claudel. Elève, assistante, muse et amante de Rodin, elle a contribué aux pièces les plus connues de Rodin, notamment Les Portes de l’Enfer et Les Bourgeois de Calais mais elle a vu sa véritable importance éclipsée par celle de Rodin.
Elle s’est efforcée de s’affirmer en tant qu’artiste indépendante. Elle expose régulièrement au Salon des Artistes Français entre 1882 et 1889 ; Certains Musées français lui achète des œuvres dans les années 1890.
Pour affirmer sa propre créativité, elle explore des scènes plus intimes, des compositions plus audacieuses, de nouveaux sujets et des matériaux plus difficiles.
En 1911, sa famille la fait interner. Elle vit près de trente ans en asile psychiatrique jusqu’à sa mort le 19 octobre 1943, complètement isolée en dépit de lettres très touchantes suppliant de lui permettre de retrouver sa famille.
Les principales expositions consacrées aux femmes artistes
Quelques grandes expositions ont célébré la création des femmes
Cependant, en dépit d’actions artistiques choc, certaines femmes artistes patientent parfois des décennies avant de connaître enfin une reconnaissance très tardive.
Carmen Herrera
L’artiste cubaine Carmen Herrera a connu consécration très tardive. Elle a dû attendre son centième anniversaire pour être enfin reconnue à travers une rétrospective, Lines of sight, au Whitney Muséum en fin 2016.
Elle a vendu son premier tableau à quatre- vingt- neuf ans alors qu’aujourd’hui, ses enchères s’envolent à plus d’un million de dollars chez Philipps.
Carmen Herrera est une adepte de l’abstraction géométrique pure.
Son abstraction architecturale annonçait le minimalisme des Carl André, des Donald Judd. Carmen Herrera joue
sur la simplicité formelle,
des plans monochromes aux couleurs saturées,
la symétrie,
l’asymétrie,
le rythme
et épure ses formes pour ne retenir que l’essentiel. Carmen HERRERA, aujourd’hui à ses 105 ans, en train de revoir les plans de sa future fresque ′′ Verde que te quiero verde′′ à réaliser en 2022 au Blanton Museum du Texas.
Luchita Hortado
La peintre vénézuélienne Luchita Hurtado est née en 1920 à Maiquetía. Son premier mari, le journaliste chilien Daniel del Solar, lui présente les artistes Isamu Noguchi, Rufino Tamayo et Roberto Matta. Elle est proche de Frida Kahlo.
Pendant des années, elle a travaillé à l’ombre de ses maris artistes et de ses pairs plus célèbres peignant la nuit lorsque les enfants dormaient. Pourtant, son art a rarement été exposée. Elle avait elle ait 90 ans lorsqu’elle a été « découverte »
Les filles du Bauhaus (Ecole d’architecture et d’arts appliqués, fondée en 1919 à Weimar, Allemagne, par Walter Gropius.)
Parfois, l’histoire de l’art efface simplement les femmes. Par exemple, il y avait 400 femmes au Bauhaus, enseignantes, élèves, artistes Elles représentaient plus d’un tiers des élèves mais elles ont été tenues à l’écart des ateliers les plus prestigieux. Craignant pour la renommée de l’Ecole, Gropius a décidé de les isoler dans une classe spécifique qui fusionne bientôt avec l’atelier de tissage. Ce sera rapidement l’atelier le plus productif et le plus rentable. Un récent ouvrage leur rend enfin hommage.
Le féminisme artistique
Ce que l’on a appelé le Féminisme artistique se développe en trois phases :
La première vague (1960-1970)
La première vague du féminisme correspond donc à une prise de conscience par les femmes de la misogynie ambiante, dans un climat de revendications et d’émeutes : aux Etats-Unis, revendications antimilitaristes contre la guerre du Viêt-Nam, mouvement des droits civiques des Afro-Américains, revendications et manifestations étudiantes et ouvrières en France et en Europe ( Mais 68), lutte des femmes pour leur libération ( Women’s liberation et MLF)
Tout ceci se passe dans un climat artistique très effervescent, avec l’émergence de nouvelles formes artistiques auxquelles les femmes participent activement. Avec l’art de la performance, un rapport et un dialogue nouveaux s’établissent entre l’artiste et les spectateurs et spectatrices
Parmi les artistes femmes, quelques-unes d’entre elles, déjà présentes sur la scène artistique, sont considérées, parfois malgré elles, comme des pionnières du féminisme artistique : C’est le cas de Georgia O’Keeffe, Georgia O’ Keeffe
Black Iris , parfois appelé Black Iris III , est une peinture à l’huile de 1926 par Georgia O’Keeffe . L’historienne d’art Linda Nochlin a interprété l’iris noir comme une métaphore morphologique des organes génitaux féminins. O’Keeffe a rejeté de telles interprétations Elle a tenté de supprimer les lectures sexualisées de son travail en ajoutant beaucoup de détails.
Plus tard, au début des années 60, Niki de Saint Phalle , avec Les Tirs (1961) apparaît aujourd’hui comme une incarnation de la femme artiste, engagée et militante. Les cibles visées par ces Tirs mêlent étroitement les préoccupations personnelles ou intimes de l’artiste à des problématiques sociales, politiques, esthétiques. Toutes renvoient cependant de manière directe ou indirecte à l’idée sous-jacente d’une domination masculine, à abattre, mais aussi à un désir d’affranchissement et de liberté.
« … j’ai tiré sur : papa, tous les hommes, les petits, les grands, les importants, les gros, les hommes, mon frère, la société, l’Église, le couvent, l’École, ma famille, ma mère, tous les hommes, Papa, moi-même…la haine meurtrière s’est transformée en énergie créatrice. »
La seconde phase (fin des années 70 début des années 80)
The Dinner Party (1974-1979) est une installation de l’artiste féministe américaine Judy Chicago, réalisée dans le but de « mettre fin au cycle continuel d’omissions par lequel les femmes sont absentes des archives de l’Histoire ».
The Dinner Party :
une table triangulaire d’environ 15 m de côté.
Chaque place de la table comporte un chemin de table brodé du nom d’une femme célèbre ainsi que des images ou des symboles qui lui sont liées, une serviette, des ustensiles de cuisine, un verre ou un gobelet et une assiette.
Beaucoup d’entre elles portent un relief en forme de papillon, ou de fleur, symbolisant une vulve.
Les noms de 999 femmes mythiques et historiques sont associés aux couverts des 39 convives
Cette œuvre a été par la suite extrêmement controversée parce que n’honorant que des femmes blanches,
Elle n’en reste pas moins exemplaire d’une certaine orientation des luttes et volontés d’émancipations artistiques des années 70.
Malgré tous ces revers, avec le nouveau souffle donné au féminisme par le mouvement #metoo, Judy Chicago est aujourd’hui plus sollicitée que jamais. Mais rien n’est acquis, avertit-elle : « Le changement, ce n’est pas se débarrasser de quelques individus comme Weinstein, mais changer le système. » Avant d’ajouter : « Je suis connue, je vends, mais mes œuvres coûtent toujours moins cher que celles des hommes. »
Le féminisme des années 70 essuie de plus en plus de critiques
L’oeuvre Dinner party de Judy Chicago est taxée de raciste (montre 38 femmes blanches sur 39 femmes à la table).
De nombreuses artistes féministes afro-américaines s’engagent dans cette lutte. Carrie Mae Weems, “Mirror Mirror,” 1987-88 Miroir, miroir, qui est la plus belle de toutes ? Blanche-Neige, toi, tu n’es qu’une chienne noire, ne l’oublie pas !
D’autres artistes vont privilégier le langage et la dialectique image texte.
Les Guerrilla Girls
C’est un groupe d’artistes féministes, fondé à New York en 1985, connu pour créer et diffuser des affiches afin de promouvoir la place des femmes et des personnes de couleur dans les arts.
Leur première performance consiste à poser dans les rues de leur ville d’origine des affiches décriant le manque de représentation de ces groupes sociaux dans les galeries et les musées.
C’est une riposte contre une exposition An International Survey of Painting and Sculpture (« Un aperçu international sur la peinture et la sculpture ») organisée du Metropolitan Museum of Art de New York en 1984, où moins de 3% des artistes exposés étaient des femmes, mais où 83% des ouvres représentaient des nus féminins exposés
Outre leurs engagements, leur particularité vient du fait qu’elles veulent toutes garder l’anonymat (on ne connaît d’ailleurs pas leur nombre) et c’est donc pour rester incognito qu’elles prennent des pseudonymes. L’anonymat leur permet aussi de concentrer l’attention du public sur leurs messages et non sur leurs identités tout en les protégeant d’hypothétiques représailles sur leurs carrières Cependant, les Guerrilla Girls utilisent des pseudonymes comme Frida Kahlo ou Hannah Höch, pour rappeler à la mémoire de tous, les grands noms féminins de l’art trop négligés par l’histoire de l’Art.
Troisième temps ( années 90)
Dans les années 90, intervient une troisième vague aux contours flous jusqu’à aujourd’hui, on revient sur le caractère binaire de la différence sexuelle ; des questions politiques, on passe aux questions éthiques. On cherche à déconstruire les rôles genrés avec les naissances des mouvements QUEER (QUIEUR) puis LGBT(QI) – Lesbian, Gay, Bisexual and Transgendered people (Queer and Intersex people).
L’œuvre d’art n’est pas un jeu gratuit de l’esprit ni un passe-temps luxueux.
Au XXI ème siècle, elle n’est plus réductible uniquement à sa matérialité.
Elle revendique de nouveaux critères de distinction
En suscitant interrogation et réflexion des spectateurs, l’artiste contribue à l’évolution de la société dans laquelle il vit.
Elles femmes artistes manifestent
contre la suprématie masculine
contre une vision erronée et stéréotypée de la femme
contre une vision stéréotypée de la femme noire
contre les violences de l’esclavage
contre les contraintes esthétiques imposées aux femmes
elles exhibent leur féminité pour la revendiquer
elles protestent et dénoncent
Voici quelques plasticiennes caribéennes, africaines, américaines, européennes qui font passer leurs convictions dans leurs œuvres.
Contre la suprématie masculine
Barbara Kruger
Valie Export réalise à la fois des performances, des vidéos et des photographies conceptuelles. Elle est une pionnière de l’art médiatique. Doggedness (1968) est une performance où elle promène un homme en laisse dans la rue.
Dans les années 1960-1970, renonçant aux musées et aux galeries, trop conservateurs pour ses propositions expérimentales, Valie Export a choisi l’espace public, les rues pour ses performances. Ainsi lors d’Aktionhose : Genital Panik ( 1969), elle entre dans un cinéma pornographique et circule entre les spectateurs, le sexe découvert par un jean très échancré et une mitraillette à la main. D’objet elle devient sujet, s’inscrivant contre les représentations traditionnellement avilissantes du regard masculin désirant.
Contre une vision stéréotypée de la femme
En Martinique, les premiers corps contemporains sont peut – être apparus en 1990 avec les Nus couchés endormis de Jacqueline Fabien exposés une seule fois au Théâtre municipal de Fort – de – France, non sans quelques réactions scandalisées du public ?
Ce sont des corps nus, d’hommes et de femmes où touches, lignes et couleurs disent la peau, la chair, le volume. Le modèle est toujours le même homme alors que plusieurs femmes ont posé.
‘La plasticienne enfreint donc la règle académique de représentation du corps masculin, héroïque, érigé, glorieux. Qui plus est, le modèle de Jacqueline Fabien a, dans l’abandon du sommeil, une part de douceur et de rondeur féminines alors que les femmes semblent plus musculeuses et androgynes. ‘ Le corps figuré, répond- il vraiment à la définition que son sexe laisse supposer ? ‘Personnellement en moi, mentalement, physiquement, je reconnaissais la part des deux sexes tels qu’on les décrit traditionnellement jusque dans mon prénom à moitié masculin/ à moitié féminin: Jacque(s)-Line.’
L’artiste cherche donc à déconstruire les stéréotypes qui accordent la primauté de la représentation aux seules douces courbes féminines qui cantonnent les femmes dans le domaine de la beauté, l’excluant de l’intelligence et de la puissance réputées plutôt masculines.
On retrouve dans série One de R. Païewonsky, cette problématique de la confusion du genre, très en vogue à partir les années quatre – vingt dix.
Raquel Païewonsky (République Dominicaine) et Susan Dayal (Trinidad) s’insurgent contre les clichés attachés à la représentation de la femme. Le jeu de mot du titre de Bitch Ball(2010) s’inscrit en faux contre la classification de la femme dans la catégorie des garces. De même Susan Dayal exige le respect de la femme quelle que soit son apparence.
Lorsqu’elle pose en Beauty Queen as a pin- up pour Noritoshi Hirakawa pendant le workshop de Big River à Trinidad en 1999, Suzan Dayal milite pour exiger le respect dû à toute femme quelle que soit son apparence : « It does not matter how I look, I deserve your respect- Say no to objectification – Is this what feminists fought for ? »
C’est le respect dû à la femme qui est mis en avant.
Monique Mirabel défie le tabou de la représentation de la nudité féminine mature. Elle associe photographie, pastels, dessin pour défendre le droit à la différence, le droit de ne pas correspondre aux canons contraignants de la mode et du jeunisme
Hélène Raffestin questionne depuis longtemps déjà dans ses œuvres la condition féminine. Elle déconstruit les stéréotypes attachés à la figure de la Vierge, chaste et pure, que la tradition prive du rapport à son corps. Dans des photomontages numériques et des collages, elle associe des citations de peintures de la Renaissance italienne et des images de magazines féminins, dotant ses madones du XVIème siècle de tous les attributs de la mode contemporaine : talons hauts, pantalons ou shorts. Elles n’en demeurent pas moins enchâssées d’or, lourdement encadrées dans la plus pure tradition de l’icône orthodoxe, même si, à y regarder de plus près, elles bousculent le langage des signes de l’iconographie religieuse.
Les œuvres fonctionnent sur un jeu d’opposition : dans des icônes, objet de vénération l’artiste désacralise l’image de la vierge
Orlan, avec son audacieuse performance, Le baiser de l’artiste (1977) critique une société qui considère de manière tacite la femme comme un simple objet ou un vecteur de plaisir tout en évoquant la relation de l’artiste au commerce. Assise derrière l’image d’un buste nu et installée sur une scène, Orlan invente le distributeur automatique de baisers et vend ses baisers à la foule de la FIAC. En échange d’une pièce de 5 francs, à glisser dans une fente aménagée entre les seins et qui tombe au fond d’un « pubis-tiroir » transparent, l’artiste « donne » un baiser.
Valie Export a réalisé une performance similaire, Tapp und Tastkino (1968), documentée par des vidéos et des photographies, dans les rues de dix villes d’Europe. Le buste dissimulé par une boîte en bois fermée sur le devant par un rideau, elle invite le public à introduire ses mains sous le rideau et à palper ses seins. Elle questionne ainsi, de manière provocatrice et subversive, le rôle de la femme dans le cinéma tout en choisissant de solliciter le toucher du spectateur.
Dans les années 1960-1970, renonçant aux musées et aux galeries, trop conservateurs pour ses propositions expérimentales, Valie Export a choisi l’espace public, les rues pour ses performances. Ainsi lors d’Aktionhose : Genital Panik ( 1969) , elle entre dans un cinéma pornographique et circule entre les spectateurs, le sexe découvert par un jean très échancré et une mitraillette à la main. D’objet elle devient sujet, s’inscrivant contre les représentations traditionnellement avilissantes du regard masculin désirant.
Suzan Dayal (Trinidad 1968) réalise des autoportraits avec un déclencheur automatique dans l’intimité de son atelier. Ses performances ne sont pas publiques, juste destinées à être captées par un appareil photo. Elle conçoit, confectionne et porte des costumes ancrés dans la tradition du carnaval Trinidadien, des structures en fil de fer. Elle interprète ainsi différents rôles toujours en relation avec les problématiques du corps, de la séduction, de la féminité, de la sexualité, de la liberté de la femme.
Fabienne Cabord critique aussi une vision trop stéréotypée de la femme :
Les installations de Fabienne Cabord sont complexes et seul un décryptage attentif permet d’en dégager toutes la saveur. Elles conjuguent graphisme, écriture, figures, couleurs et objets du quotidien dans une mise en page éclatée. Elles dénoncent la suprématie masculine et une société exagérément « genrée »où le conditionnement des petites filles est programmé bien avant qu’elles ne deviennent adultes. Chaque détail compte et il faut les associer, les relier pour découvrir le message essentiel. Ces œuvres invitent avec subtilité le regardeur à conduire sa propre réflexion et tirer sa propre conclusion, par le biais de jeux de mots, d’expressions contradictoires ou d’indices.
Cette installation est composée de cinq modules de format identique, quatre peintures et une bibliothèque. La composition qui abolit parfois la notion de haut et de bas. Le noir et blanc dominent dans un fort contraste avec un rose flashy. Foisonnantes d’une multiplicité de messages fondés sur les jeux de mots et des expressions contrastées ou humoristiques, elles dénoncent une société exagérément genrée (tu seras mère ou maire). Par exemple, que viennent faire là le nom des communes de Ducos, Morne –Rouge, Basse-Pointe, Saint – Denis ? Pourquoi la leçon de Piano se retrouve à côté du Pianiste, d’Aviator, Gladiator, Robin des bois, Le catcheur ?
Le rose est une couleur souvent associée aux petites filles souvent exploitée par les marques de vêtements, de jouets etc. La poupée Barbie, les histoires de princesses, entretiennent l’image de la fille « girly », obsédée par son apparence et qui n‘a qu’un rêve : trouver le prince charmant.
Les personnages totémiques et androgynes indiquent le souhait d’une personnalité choisie plutôt qu’imposée et semblent à l’étroit dans le cadre.
Contre une vision stéréotypée de la femme noire
Betye Sar
Deux œuvres, l’une de Betye Saar, l’autre de Renée Cox portent le même titre, La libération d’Aunt Jemima. En 1972, Betye Saar, une des artistes pionnières de la côte Ouest, interrogeant les stéréotypes négatifs liés à la représentation des Noirs « libère » Aunt Jemima (personnage choisi pour la publicité d’une marque de pate à crèpes)dans une œuvre culte, dont Renée Cox a donné depuis une version renouvelée.
Dans cette œuvre de 1972, Betye Saar détourne dans un assemblage un bibelot populaire et caricatural représentant Aunt Jemima mais la munit outre son balai d’un fusil dans l’autre main. Le stéréotype est subverti dans son support même.
Dans son remix de la Libération d’Aunt Jemima, Renée Cox, à travers la figure de Raje, avatar de l’artiste, transforme la figure servile et maternelle en super héroïne sexy. L’une détourne un bibelot populaire, l’autre utilise un support photographique mais toutes deux veulent en finir avec l’image de la femme noire, naïve et soumise, en faire une guerrière moderne et libre
La série DeLuxe d’Ellen Gallagher comprend soixante gravures individuellement encadrées sur cinq rangées de douze, disposées dans un ordre fixé par l’artiste. Les matières premières du travail sont des annonces tirées de magazines datant des années 1930 aux années 1970, destinées aux consommateurs afro – américains : produits pour les cheveux, pour l’amincissement, pour la peau, tels que des crèmes de blanchiment. Gallagher a employé une variété de techniques pour transformer les annonces, combinant les procédés d’impression traditionnels de gravure et de lithographie avec les développements récents dans la technologie numérique. Après le processus de gravure, Gallagher a ajouté une gamme d’éléments décoratifs sur les surfaces de nombreuses images, y compris les paillettes, feuilles d’or et huile de coco.
Sonia Boyce est une artiste britannique de renommée internationale, dont la pratique de l’installation, de la photographie et de la vidéo s’inscrit dans un tournant de l’art contemporain britannique et international post-1989. Elle questionne l’histoire coloniale et la représentation des femmes noires en Grande-Bretagne, plus particulièrement la relation entre la construction de l’image de soi au contact de celle véhiculée par les médias de la société blanche. Avec From Tarzan to Rambo, elle stigmatise la diffusion des stéréotypes du cinéma Hollywoodien.
Valérie Oka (Senégal) : Le travail de Oka mélange divers médiums et disciplines artistiques. Ses performances, installations, dessins, peintures et sculptures explorent les principes fondamentaux des relations humaines : intimité sexuelle et affective, désirs, violences.
On retrouve ce dispositif de la table dressée dans l’installation – performance de Valérie Oka, En sa présence (2015). Mais le dîner est terminé et ce sont les reliefs d’un moment de dialogue qui subsistent sur la table. L’artiste investit en effet l’espace d’exposition comme un lieu d’échange et invite le public à s’asseoir autour de la table pour discuter et participer à la déconstruction des stéréotypes sur la femme noire. Sur la nappe, parmi des tasses de café, des assiettes, quelques phrases manuscrites, le croquis d’un corps féminin où la vulve est représentée par une tâche rouge.
contre les violences de l’esclavage
Kara Walker est une plasticienne afro-américaine, née en Californie en 1969. Actuellement, elle vit à New York où elle enseigne les arts visuels à l’université Columbia.
En 2007, Time Magazine l’a classée parmi les 100 personnes les plus influentes du monde. Elle aborde l’histoire de l’esclavage et de son héritage, les questions touchant à la discrimination raciale, aux relations entre les Noirs et les Blancs, aux rapports maîtres-esclaves, à la ségrégation.
Sa démarche plastique particulière : sa marque de fabrique -privilégie de grandes silhouettes noires en papier découpé, aux allures pré-victoriennes, proches de la caricature et du rendu de l’ombre chinoise sur un fond blanc et lisse.
L’utilisation du papier découpé est à la fois un rejet de la peinture et le choix d’une technique modeste, populaire qui n’est pas communément considérée comme une démarche artistique.
Le papier noir possède en outre une double vertu: il met en relief des traits caricaturaux tout en atténuant des scènes crues et
Ces silhouettes sont insérées dans une narration. Kara Walker met en scènes les violences, les tortures, les pendaisons, les abus sexuels du temps de l’esclavage. Sur le plan plastique, c’est aussi une critique de la représentation et de la violence de la représentation.
Une artiste de la Caraïbe, Joscelyn Gardner, fonde ses créations artistiques sur l’histoire de l’esclavage. Issue d’une famille de colons installée à Barbade depuis le XVIII siècle, Joscelyn Gardner prend cette histoire à Bras le corps pour explorer son identité de blanche créole.
Elle exhume, étudie méticuleusement, analyse des documents historiques anciens pour mieux comprendre les relations entre femmes noires et femmes blanches dans la société patriarcale, esclavagiste puis colonialiste..
C’est le journal authentique de Thomas Twistlewood, propriétaire de la plantation Egypt Estate à la Jamaïque au XVIII siècle qui a inspiré l’installation Plantation Poker : The Merkin story (2004). Cette fois les gravures associent des triangles pubiens artistiquement tressés, des instruments de tortures et des phrases extraites du journal où le maître narre avec complaisance les abus sexuels et les violences qu’il a perpétrés.
Jeannette Elhers est une artiste d’origine trinidadienne élevée et installée au Danemark. Sa démarche artistique est centrée sue la photographie et la vidéo mais sa performance, la première qu’elle a réalisée, Whip it Good: Spinning From History’s Filthy Mind a été particulièrement remarquée.
Elle joue davantage sur le registre de l’émotion immédiate que sur l’analyse documentaire et la mise à distance critique.
Elle transforme le fouet, symbole de violence et de pouvoir, en outil plastique. Le fouet est enduit de charbon et ce sont les coups de fouet donnés sur la toile au cours de la performance publique qui configurent une peinture abstraite. Pour l’artiste, c’est un acte symbolique de riposte, c’est de l’esthétique décoloniale.
Elle invite le public à participer à la performance.
White Shoes de Nona Faustine est une série d’autoportraits photographiques saisis sur des lieux de pouvoir, des sites historiques liés à l’esclavage de la ville de New York. Nona Faustine a posé complètement nue dans certains lieux emblématiques de New York liés à l’histoire de l’esclavage. (Cour suprême )
Outre les chaussures blanches, les seuls autres accessoires sont les fers, les chaînes, par lesquels les esclaves étaient contraints.
Nona Faustine n’a posé que dans des lieux liés à cette histoire. Autant de lieux dont elle prend possession avec son corps imposant et dénudé, questionnant à la fois la question du corps féminin noir et le racisme structurel en vigueur aux Etats – Unis.
contre les contraintes esthétiques imposées aux femmes
Annette Messager (France), Janine Antoni(Bahamas), Susana Pilar Delahante ( Cuba) dénoncent les tortures esthétiques que bien souvent les femmes s’imposent elles – mêmes sous la pression sociale
La série Les Tortures Volontaires (1972) d’Annette Messager comprend environ quarte – vingt images qui reprennent des publicités de magazines où figurent les pratiques et manœuvres que s’imposent les femmes pour se rendre plus attractives.
C’est une performance que propose Janine Antoni, Loving care, (1992) . Janine Antoni utilise son corps comme outil et plonge ses cheveux dans un seau de teinture pour cheveux puis peint le sol entier de la galerie en le balayant de sa chevelure. Loving care est le nom de la teinture. Cette performance situe le double asservissement de la femme : aux impératifs de la mode et au travail domestique.
Plus récemment El tanque (2015) de Susana Pilar Delahante, promeut la mode Nappy. La vidéo documente une performance conçue pour protester contre les souffrances du défrisage à chaud que s’infligent les femmes pour correspondre à un modèle imposé, se transformer et répondre à des canons de beauté imposés par la société.
Orlan mène le même combat contre la tyrannie de la beauté stéréotypée pour le respect de la différence. Elle envisage son corps comme matériau artistique, le met en scène ou le transforme, parfois grâce à des opérations de chirurgie plastique.
elles exhibent leur féminité pour la revendiquer
La pisseuse
Le remix est une forme d’expression intrinsèquement combinatoire, devenue fréquente dès la fin du XX siècle. C’est la reprise et ré-exploitation d’une oeuvre originale. C’est la réactivation d’une œuvre originale du passé, puis sa réinstallation, sa reconfiguration dans le présent.
Picasso a multiplié entre 1954 et 1955 les reprises des Femmes d’Alger (1834) d’Eugène Delacroix ou des Ménines ( 1656) de Diego Velasquez, tout comme Roy Lichtenstein a réinterprété à son tour Picasso
Dans cette exposition du PABE Expériences de femmes, Michèle Arretche propose un remix de Rembrandt mais on note les différences de la position de la tête, de la direction du regard. Moi, pisseuse avec son regard direct marque une évolution des mentalités féminines.
Le tabou des menstruations
Quelques artistes femmes radicales s’attaquent au tabou des menstruations Susan Dayal, Kiki Smith, Jen Lewis, Marianne Rosenstiehl, Poppy Jackson et les évoquent à travers la peinture comme Susan Dayal ( Trinidad – 2002 ) ou au moyen de sculptures-installations comme The Train de Kiki Smith (1996) , de la photographie et de la performance comme Poppy Jackson. Elles veulent se réapproprier ce thème tabou, absent de l’art.
Joana Vasconcelos (Portugal) aborde indirectement ce sujet avec The Bride ( 2001-2005) , un lustre gigantesque en tampons hygiéniques. Elle s’approprie et décontextualise les objets du quotidien pour offrir une vision critique de la société contemporaine, particulièrement sur la question du statut de la femme.
La maternité
Cox a été la première femme à être enceinte pendant le programme d’étude indépendant de Whitney ce qui l’a motivée à créer le personnage et la série de photographies de Yo Mama. (1992-1994) est née. J’ai décidé de montrer ma grossesse, de ne pas mettre sa carrière entre parenthèses pdt sa grossesse. « Vous faites quelqu’un en quarante semaines; c’est assez phénoménal. C’est le pouvoir d’une femme ».
La maternité est également présente dans d’autres œuvres contemporaines. Notamment dans une œuvre de jeunesse de Raquel Païewonsky (République dominicaine) et des photo-performances plus récentes de Kelly Sinnapah Mary ( Hotmilk 2016)
D’autres artistes femmes se réapproprient le motif de la vulve, le remettant parfois en perspective dans l’histoire de l’art comme Deborah de Robertis en 2014. L’artiste luxembourgeoise Deborah de Robertis a présenté une performance, intitulée Miroir de l’origine. La plasticienne, dans une robe dorée, s’est assise au sol, dos à la célèbre toile de Courbet accrochée au Musée d’Orsay, avant de dévoiler entièrement son sexe. La direction du musée a appelé la police. Deborah De Robertis a été placée en garde à vue mais le procureur de la République a classé l’affaire sans suite et a ordonné un simple rappel à la loi.
Carolee Schneemann, plasticienne américaine a beaucoup travaillé avec le corps, autour de la sexualité et du genre. En août 1975, Schneemann réalise la performance Interior Scroll dans le cadre de l’exposition Women Here and Now. Elle se met en scène juchée sur une table, totalement nue, et propose une lecture de son propre ouvrage, Cézanne, She Was A Great Painter. Le point culminant de la performance la voit dérouler un rouleau de papier logé dans son vagin, lisant le texte qui y est inscrit.
elles protestent et dénoncent
Kelly Sinnapah Mary vit et travaille en Guadeloupe. Ses installations, ses mises en scène photographiques, ses vidéos, ses dessins, ses collages témoignent de son regard critique sur l’oppression des minorités et tout particulièrement sur l’assujettissement des femmes. A travers les œuvres réunies sous le titre Vagina, elle dénonce les violences dont les femmes sont victimes, et parmi celles – ci, elle stigmatise un fait – divers, le viol collectif et le meurtre d’une jeune indienne dans un bus. Le 16 décembre 2012, dans un autobus de New Delhi, six hommes ont violé et violenté Jyoti Singh Pandeh.
Dans Cahier d’un non- retour au pays natal, elle dénonce la difficulté d’intégration des travailleurs indiens dans la société caribéenne. Engagés pour le travail du sucre après l’abolition de l’esclavage, ils ont été longtemps marginalisés.
Ebony G. Patterson présente deux installations
–Out of 72
– 9 of 219
exposées en vis-à-vis ensemble pour la première fois au SACD Museum of art de Georgie (USA) en 2016/2017.
La performance 9 of 209 a été produite
pour la première fois à Alice Yard, Port of Spain, Trinidad, en 2011 puis à la Monique Meloche Gallery à Chicago.
La procession des neuf cercueils décorés d’une profusion de dentelles, de papier peint fleuri, de fleurs artificielles évoquait la tradition jamaïcaine des bling funerals
Cette action performative stigmatisait surtout le taux élevé de criminalité de Trinidad et la facilité avec laquelle on oublie ces morts.
Out of 72, mise en scène pour une unique soirée à University Close, témoignait du massacre de 73 civils perpétré au cours de la traque d’un gangster en Mai 2010. Soixante – treize civils, soixante – douze hommes et une femme avaient été tués. Des années plus tard, leurs noms n’ont pas encore été révélés. Qui étaient – ils ? Les soixante treize fanions, chacun portant au centre la photographie d’un visage dissimulé par un bandana et agrémenté à la manière de l’artiste, de plumes, de perles, de napperons de dentelles, de sequins, de couleurs clinquantes, suspendus sur une corde à linge témoignent de la tuerie de Tivoli.
A l’occasion du dixième anniversaire de la Sam Fox School of Design and Visual arts et du Mildred Lane Kemper Art Museum Ebony a en effet proposé au public de partager un énorme gâteau.
A y regarder de plus près, cette séduisante pièce montée dissimulait un secret macabre. En effet, les fleurs en sucre étaient modelées sur des espèces vénéneuses et ensevelies sous des boisseaux de fusils – jouets.
Plus encore, cette pâtisserie de taille humaine une fois découpée révélait un intérieur rouge sang. Cet étrange mélange de beauté et de danger, d’innocence et de violence, volontairement provocant, voulait attirer l’attention, au cœur d’un moment convivial et festif, sur la perversité de la tradition des armes dans la culture américaine et de la violence qu’elle engendre.
Sayuri Guzman est une jeune performeuse extrêmement active de République dominicaine. Pour dénoncer le racisme qui sévit en République Dominicaine, les cheveux de huit dominicains et de huit haïtiens ont été tressés. C‘est une réflexion sur la réalité de deux pays réunis sur une seule île. Dans son travail, Sayuri Guzman questionne la société et laisse chacun répondre de manière personnelle.
Plasticienne, performeuse et vidéaste, Tania Bruguera naît en 1968 à Cuba. Son œuvre hétéroclite ausculte les rapports entre pouvoir et domination. Elle utilise le corps comme support et véhicule de son discours artistique et politique.
Tania Bruguera cherche à mettre en place un « art utile, c’est-à-dire non pas une représentation de la réalité, mais un processus générateur de réalité, un système opérateur ayant un impact direct sur la vie des gens ». Arte de Conducta
« Cela ne m’intéresse pas de seulement créer, ce qui m’intéresse, c’est une expérience. Lorsque quelqu’un ne voit pas, il a plus de potentiel, j’ai envie de diminuer l’impact du visuel, pour augmenter les autres aspects qui ne sont pas seulement sensoriels »
Ces quelques exemples démontrent que le corps est le support privilégié de la création, le vecteur du message : Corps représenté, Corps exhibé, Corps mis en scène, Corps malmené. Souvent le corps de l’artiste
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Conférence l’Art au féminin :
Visite de l’exposition Peintres Femmes au Musée du Luxembourg