Je sais bien que l’essentiel a déjà été dit sur les quelques réactions proprement incroyables de nombreux dirigeants politiques nationaux et supra nationaux européens après le non Irlandais au référendum sur le « traité simplifié de Lisbonne », en fait simple version allégée du TCE que les Français rejetèrent il y a 3 ans, appellant à faire revoter ce peuple libre (Sarkosy, Jouyet, Barroso, etc.).
Métaphore très juste du menhir gaulois sur le match de coupe qu’il faut rejouer jusqu’à ce que le résultat soit bien celui escompté…
Il y a plusieurs choses significatives la dedans :
- d’abord le mépris extraordinaire de cette « nouvelle classe » (comme dit Alain de Benoist) à l’égard des peuples européens, théoriquement souverains ; c’est bien au nom de la démocratie -qu’en réalité ils abhorrent- que ces petits clercs enterrent l’expression de la volonté populaire. On croit rêver…
Et tout y passe : la complexité des textes présentés (la faute à qui ?) –sous entendu l’ignorance et la bêtise crasse des simples citoyens, la « pollution » du scrutin par des questions annexes, secondaires, la dé légitimation de tout vote populaire au nom du « populisme » supposé de tout référendum populaire –et il faut entendre par populisme Boulanger, Poujade, Pétain, Hitler à Nuremberg ou Mussolini à Rome ! On sent bien –en définitive- que à l’instar des bourgeois ennoblis, constituants ou conventionnels acquis aux philosophes des Lumières, qui disaient représenter le peuple mais qui le méprisaient souverainement et pétaient de trouille devant quelques radicaux du couvent des Jacobins, cette nouvelle élite éclairée ne tolère l’irruption d’une manifestation populaire que lorsque celle-ci est conforme à ses aspirations : le peuple oui, mais s’il ferme sa gueule.
-la fracture de plus en plus évidente entre cette élite technocratique politicienne et mondialisée (je généralise un peu) et les peuples eux-mêmes : en France comme en Irlande, la représentation nationale était acquise à cet avenir radieux européen alors que les peuples votèrent contre. Comment mieux illustrer le fait que ces messieurs, par ailleurs individuellement souvent respectables et cohérents, ne représentent plus en rien les peuples européens ?
Une sorte d’impasse, d’avatar démocratique. Ou d’hyper démocratie, comme dit Renaud Camus.
-la veulerie de ces hommes et de ces femmes qui n’ont que « démocratie », « république », « citoyen », « ordre juste », « volonté populaire », etc., à la bouche à chacune de toutes leurs interventions médiatiques ineptes pour s’asseoir ensuite dessus avec une tartuferie stratosphérique. Un cauchemar…
Qui m’en rappela un autre, le cauchemar climatisé qu’écrivit Henry Miller au lendemain de la seconde guerre mondiale, et dans lequel il dépeignait au vitriol la dérive technocratique et anomique de l’Amérique qu’il aimait. A noter ce point commun avec Orwell, que fut une plongée prolongée dans la misère industrielle de Paris et Londres.
Je crois bien que pour un nombre croissant d’européens, l’Europe, cette belle idée, cette référence identitaire, civilisationnelle fondamentale, est en train de devenir ce cauchemar climatisé que vomissait Miller.