Pour être hanté nul n’est besoin de chambre
Nul besoin de maison :
Les couloirs du cerveau l’emportent
Sur les lieux matériels.
Mieux vaut rencontrer à minuit
Un spectre visible
Que d’affronter, à l’intérieur,
cet hôte – plus froid.
Mieux vaut traverser une abbaye au galop,
Les pierres à ses trousses,
Que se rencontrer soi-même et sans armes
En un endroit désert.
Cet être caché par le Moi
Devrait bien plus nous effrayer :
Un assassin tapi chez nous
Serait une moindre horreur.
Le corps emprunte un revolver
S’enferme à double tour –
Mais oublie un Spectre plus ample –
Ou pire encore –
*
One need not be a Chamber — to be Haunted —
One need not be a House —
The Brain has Corridors — surpassing
Material Place —
Far safer, of a Midnight Meeting
External Ghost
Than its interior Confronting —
That Cooler Host.
Far safer, through an Abbey gallop,
The Stones a’chase —
Than Unarmed, one’s a’self encounter —
In lonesome Place —
Ourself behind ourself, concealed —
Should startle most —
Assassin hid in our Apartment
Be Horror’s least.
The Body — borrows a Revolver —
He bolts the Door —
O’erlooking a superior spectre —
Or More —
***
Emily Dickinson (1830–1886) – Poems / Poèmes (Aubier Flammarion, 1970) – Traduit de l’anglais (Etats Unis) par Guy Jean Forgue.