INTERVIEW – C’était à la fin de l’été, Sens rencontrait Orléans, le garage bourguignon s’exportait en plein air en région Centre : Johnny Mafia était de passage à la dernière édition du festival Hop Pop Hop (Pour retrouver un résumé des festivités, c’est par ici). L’occasion pour nous de poser quelques questions aux plus chauvins des rockeurs icaunais. Après quelques minutes d’attente au point presse du festival, c’est finalement Enzo qui perd à la courte paille pour nous retrouver. Bière à la main, tatouage Eagles of Death Metal sur le bras, c’est parti pour une mise au point. Entrevue.
Lords of Rock : Alors déjà désolé, mais vous étiez ultra bookés et on a finalement pu avoir un peu de temps avec vous, on va passer pour les relous de service ce soir.
Enzo : Pas du tout, j’ai fait une seule interview aujourd’hui et j’ai très peu parlé. D’ailleurs c’est la première fois dans l’histoire de Johnny Mafia que le batteur fait une interview en solo !
Et c’est un peu ton jour de gloire alors !? Là tu vas enfin être considéré !
C’est agréable, je vais pouvoir me lâcher. En plus je ne suis même pas sûr que les autres lisent cette interview.
Bon pour commencer, entre nous, leur délire avec Sens c’est n’importe quoi n’est-ce pas ? C’est pas ouf quoi…
Alors moi je suis le seul de Sens, je suis né là-bas, mais je n’y ai pas grandi donc je m’en tape. En fait il y a 10/12 ans il y avait une putain de scène punk/rock qui a émergé, tous les jeunes du coin formaient des groupes et jouaient ensemble. C’est pour ça qu’ils disent « Sens, capitale du Monde », c’était assez dingue musicalement.
Comment tu t’es retrouvé dans le groupe ? Tu connaissais déjà les gars ?
Je suis arrivé entre deux albums, en décembre 2018, et en février 2019 on enregistrait « Princes de l’amour ». J’ai connu William par l’intermédiaire de mon père, c’était son prof de basse quand il était gamin. Pour Fabio j’avais déjà fait quelques trucs avec lui, notamment une version reggae de « La reine des neiges » pour le service jeunesse de Villeneuve sur Yonne, c’était pour un spectacle de fin d’année, on s’était déguisés avec les robes comme dans le dessin animé, la totale.
La reine des neiges ? Tu sors des dossiers là. Tu te rends compte que les gars vont te lyncher.
Eh fallait être là, je leur ai dit de ne pas me laisser venir seul…
Ce que vous dégagez c’est un peu ça, une bande de potes qui fait sa musique à la cool, sans se prendre la tête.
Oui c’est ça, à la base c’est un groupe de copain qui voulait faire de la musique, des concerts, avancer comme ça. On n’imaginait pas jouer devant autant de monde. Si on peut jouer sur une grosse scène tant mieux, si c’est dans un bar de 10m2 c’est bien aussi.
Cette année on voit que vous avez pris de la bouteille et que le nom Johnny Mafia parle aux gens, vous n’êtes plus ce petit groupe qui ouvre les journées de festival à 15h pour jouer 35 minutes. Les gens viennent pour vous.
L’année dernière on aurait déjà dû jouer ici, on avait tout installé avant de devoir annuler à cause de la pluie, donc merci à Hop Pop Hop de nous avoir rappelés d’ailleurs.
Vous qui aimez les tournées et la scène par dessus tout, cette période de confinements a dû être horrible pour vous ?
En vrai, c’était bien par moments. Ça fait du bien de se poser quelques fois après avoir joué toutes les semaines sur des longues durées.
Vous avez pu composer, travailler l’avenir ?
Pendant le premier confinement on n’a rien fait, on ne s’est pas vus, c’était chacun chez soi. Ensuite il a fallu qu’on enregistre l’album, Théo avait fait quasiment toutes les compos, donc on a fait en sorte que tout tienne en deux mois. Je remercie d’ailleurs la maman et le beau père de Fabio qui nous ont prêté un local pour répéter pendant cette période là.
Ce nouvel album donne l’impression que vous l’avez fignolé, que vous avez soigné les contours. Je ne sais pas si c’est une évolution naturelle, mais les premiers disques sonnaient plus brut, plus garage alors que là c’est très mélodique. C’est quelque chose que vous recherchez ?
Il y a peut être une évolution, mais ce n’est pas forcément voulu de faire quelque chose plus chiadé. On nous demande souvent mais en fait on ne se pose pas trop la question, Théo ramène les compos, on les joue et on garde si ça nous plaît. On ne calcule pas vraiment, on met assez facilement des morceaux à la poubelle sans trop tergiverser. Ça me faisait chier au début mais finalement avec le temps tu te rends compte que tu ne peux rien tirer de certaines compos. Pour cet album on a mis tout ce qu’on voulait, on a juste évincer une chanson.
Maintenant que « Sentimental » est sorti depuis quelques mois, vous arrivez à voir s’il marche ? Je tiens à préciser que je suis certainement votre auditeur Deezer principal. J’ai bassiné ma copine à écouter 4/5 chansons en boucle depuis le mois de mai, au final elle est convertie aussi.
L’album plaît aux gens oui. Je le trouve plus accessible, moins garage et un peu plus rock. Il est moins cinglé et peut être plus agréable à écouter. Un peu plus Weezer et Pixies.
Ce soir ça s’est vu, j’ai vu beaucoup de types aux cheveux grisonnants dans le public, et les commentaires étaient très positifs.
J’aime voir des gens de profils différents, ça montre qu’on touche un peu tout le monde, toutes les générations, et c’est très cool.
Certains groupes privilégient un ou deux EP par an de façon à être exposé quasiment en permanence et rester dans les mémoires collectives, vous ce n’est clairement pas votre ligne de conduite ?
On pourrait faire ça, mais je pense qu’on a un peu la flemme de composer tous les ans. En plus on a chacun nos boulots, donc niveau gestion du temps ça serait plus compliqué à suivre. On fait quelques split, c’est déjà plus facile à faire. Et puis on aime trop la scène pour couper tous les 6 mois, composer un album et ensuite partir en tournée un peu partout on préfère.
D’ailleurs pendant 2 ans vous avez été privé de votre drogue, j’imagine que là vous avez booké pendant 10 ans ?
On vient de passer chez 3C Tour, ce sont des tourneurs de Bordeaux qui bossent très bien, c’est assez incroyable. Ils nous ont trouvé 11 dates en octobre, en période de Covid c’est plutôt rare. On a fait la Suisse, l’Autriche, Orléans ce soir… On va partout. Avec la reprise les gens avaient soif de concert. Là pour 2022 on a pas mal de dates déjà, notamment en Allemagne.
Justement l’Allemagne c’est un petit El Dorado pour les groupes français, le rock étant un peu plus considéré.
Les gars avaient déjà fait quelques dates là-bas avant que j’arrive, moi j’en ai fait deux, le public nous a applaudi à la fin des balances… On s’est tous demandés si ils se foutaient de nous mais non non, les gens t’écoutent vraiment du début à la fin et sont à fond dedans. On a même fait un concert dans un bar à Munich où le public était assis et l’ambiance était quand même pas mal.
Ce soir un type est monté sur scène fracasser tes cymbales, vous aviez l’air de le connaître ?
Alors lui c’est un gars qui faisait de la raclette aux Eurockéennes de Belfort qui a adoré notre musique, les gars ont sympathisé avec lui et depuis il nous suit sur plein de dates. Là il est venu mais on ne savait pas qu’il allait monter, je pensais qu’il allait se faire défoncer par la sécurité. Les vigiles ont été très cool avec lui quand on leur a dit qu’on le connaissait.
Ecoute, c’est bon pour nous, il nous reste une seule question qui t’était personnellement destinée : est-ce que les gars s’occupent bien de toi ? Est-ce qu’ils te traitent bien vu que tu es le plus jeune ?
Alors oui, d’ailleurs ils m’ont envoyé ce soir et ça me fait un bien fou.
On te sent libéré en effet.
Disons que je ne parle jamais d’habitude, ils passent très bien en interview, ils déconnent et souvent je suis en retrait. Du coup je profite de faire une interview tout seul pour m’ouvrir. Je vais voir avec Fred, notre manager, pour lui dire de m’envoyer plus souvent seul en interview.
Merci Enzo, bravo à Johnny Mafia, on aime vraiment énormément ce que vous faites.
La fin de la conversation dérive sur différents sujets hors du domaine de Lords of Rock : pinard sans intrants, vraie recette du tiramisu et bonnes tables bourguignonnes. A bientôt Enzo.
Damien Rodrigues
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