Qui a trahi anne frank ?

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam

QUI A TRAHI ANNE FRANK ?

Le livre de Rosemary Sullivan une écrivaines canadiennes portant ce titre vient d’être publié. À coup sûr, comme c’est toujours le cas pour ce genre d’ouvrage, il connaîtra, non seulement un succès, mais rapportera à son l’auteur beaucoup d’argent. Mais de quel argent parle-t-on ?

De l’argent de la bassesse et de la perfidie. Il est vrai que de nos jours ceux qui aiment les histoires sordides deviennent de plus en plus nombreux. Et selon moi, elle est bien sordide cette histoire.

En effet, d’après cet auteur ou autrice, comment on voudrait, Anne Franck aurait été dénoncée par un juif notaire.

Certaines personnes de bonne foi sont tomber dans le panneau grossier de cette prétendue enquête et essayent de démonter sa validité. Mais il ne s’agit pas de cela, il s’agit d’autre choses, autrement plus graves.

En effet, dans ce livre, il y a au moins deux informations subliminales qui sont délivrées :

– Anne Franck fut dénoncée par un autre juif.

– Celui qui la dénonça est notaire.

Sous l’influence de plus en plus oppressante des intellectuels, les lecteurs deviennent, non seulement de plus en plus indigents, mais perdent tout esprit critique. Aussi, avec une publication pareille, il devient aisé de tirer les conclusions suivantes :

– Voyez-vous, les juifs se dénoncent entre eux, donc ils méritaient leur sort.

– Les juifs, en fin de compte, vivaient bien en Allemagne nazie puisque l’un d’eux était notaire.

Nous le savons, qui dit notaire, dit riche. Sous l’Allemagne nazie, un protestant notaire, quoi de plus normal. Un catholique notaire, là encore, quoi de plus normal. Un juif notaire, c’est douteux. Comment a-t-il eu son diplôme ?

C’est là, le seul message, et le vrai visage de ce genre d publication.

La shoah s’éloigne de plus en plus de nous, les gens porteurs de la mémoire des horreurs de l’occident s’en vont, les uns après les autres. Nous devons tous nous mobiliser contre l’antisémitisme rampant qui prend des allures de respectabilité.

De plus, je viens d’apprendre que l’éditeur hollandais vient de suspendre la distribution du livre. Ce qui voudrait dire : regardez, nous avons raison, ILS interdisent la liberté de la presse.

Par cet article, je voudrais attirer l’attention sur un fait : si l’antisémitisme grossier et direct est préoccupant, il prend malgré tout un chemin direct à visage découvert. Il devient aisé de le contrecarrer.

Mais, l’antisémitisme, quand il revêt l’aspect de la légalité, quand il se drape de la respectabilité, il devient impossible de le débusquer. Il est abject et insidieux.

Peu de personnes sont capables de le reconnaître, et même si c’est le cas, combien auront-ils le courage de le dénoncer ?

Même si je suis né après la guerre, même si par mes origines, mon pays a fait le contraire des nazis, parce qu’un jour j’ai lu ce journal de cette jeune fille, je ne puis m’empêcher de vomir tous ceux qui voudraient ternir sa mémoire.

Unie, d’une même voix, écrivons ensemble des poèmes à la mémoire d’Anne Franck en réponse à l’infamie. Voici déjà le mien.

POUR QU’UNE PETITE FILLE NE SOIT PLUS OBLIGÉE DE SE CACHER DANS UN PLACARD

La petite fille se pencha sur son journal,

Ami intime de chaque soir. Son seul ami.

Elle écrivît quelques mots.

Mais au-dehors, la fureur de la haine et du sordide brandissant son sabre noir, ensanglanté de millions d’âmes.

Le Léviathan sinistre approchait, assoiffé de mort.

Sanguinaire dans ce qui lui sert d’âme.

La petite fille, effrayée, se cacha dent un placard.

Les heures, les jours passèrent, mais le monstre était toujours là, à la recherche de sa proie.

Entourée milliers d’hommes et de femmes, au regard halluciné par la haine,

ayant vendu leurs cœurs au diable.

Cœurs de misérables, ayant créé l’enfer sur Terre.

Mais le monstre était toujours là, envoyant sa horde de sinistres barbares. Soldats de la mort.

Il s’empara de la petite fille.

Eut-il seulement eu pitié de sa jeunesse ?

Connut-il seulement un seul souvenir d’enfance ?

L’âme de la petite fille s’en alla au ciel.

Mon Dieu, pourquoi ?

Mon Dieu, au nom de quoi ?

Shalom sur ton âme, ma petite, ton petit corps meurtri,

a enfin trouvé la sérénité éternelle.

Le vent caressa de sa tendresse et feuilleta,

pour une dernière fois, le journal d’Anne Franck.

Poème paru le 13 septembre 1996 à la page Carrefour du journal marocain Al Bayane. ©Abdesselam bougedrawi

#AnneFrank #antisémitisme #extrême droite