Le froid est en moi, vous qui criez près de moi
Je quitte la maison aux mille gammes
Dans mes nerfs sans graisse
le chariot de vos bruits fonce méchamment
Défaite, défaite, étrange affaire
En pleine journée, je m’étends, arbre abattu
Le tigre ne vit pas plus vieux que le cerf
mais le tigre arrive toujours à temps pour tuer le cerf
Par erreur le couteau d’un irrité
est entré dans la poitrine mienne
mais c’est toujours une ombre
qui chasse une ombre, pour rejoindre les ombres
Ne t’agite pas, mon être, ne te lamente pas, ne me brise pas
Souvenons-nous de nous retenir
Dans l’amitié du silence
enfonçons seuls dans la nuit immense.
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Henri Michaux (1899-1984) – Cahiers Le Point (Souilhac, Mulhouse), no 48 (1954) – À distance (Mercure de France, 1997)