31 janvier 2022.
Les puissances spatiales sont devenues schizophrènes. D’un coté la multiplication des débris spatiaux affole tous les utilisateurs de l’espace, de l’autre, les lancements de mini et micro satellites se multiplient et s’ajoutent à ceux des satellites d’usage devenu courant. Plus de 3000 satellites « classiques » en service étaient en orbite il y a 10 ans. Plus de 7000 aujourd’hui. Tous sont en danger de collision. Le « New Space » avec ses constellations gigantesques, œuvre des GAFA promoteurs des mini-sats, par milliers, ou plus, propulsés ou inertes, multiplie de manière astronomique le nombre d’objets susceptibles de devenir des dangers pour les autres occupants voire pour eux-mêmes. Il y a des encombrements dans le cosmos. Et cela va en s’accroissant. Gravement. On comptabilise, notamment par statistiques, plus de 128 millions de débris dans le Cosmos. En orbite haute ou géostationnaire, 36.000 km, 520 satellites, dont de nombreux sont « morts » et pas toujours désorbités, (ce qui est désormais une règle).
Les orbites géostationnaires correspondent sur cette image aux orbites les plus éloignées de la Terre (source satellitetoday.com)Mais faut-il il s’y prendre à temps quand on possède suffisamment d’ergols à bord. Plus bas en orbite la règle est désormais la même, mais on s’y prend bien tard.
Et les satellites désactivés, les corps de lanceurs, les débris des opérations diverses, et bien sur ceux des collisions, constituent une masse de plus de 34 000 objets, de plus de 10 cm, les plus dangereux. Qui pour bon nombre rentrent doucement dans l’atmosphère et se détruisent. Mais cela peut prendre 30 ou 40 ans !
A ce jour on estime que 38% des objets ou débris lancés depuis 1957 sont retombés et on brulé. On estime que 2 satellites reviennent chaque semaine s’autodétruire naturellement. 88 en 2017. Le ménage se fait donc un peu naturellement. Mais cela ne vaut que pour les orbites les plus basses. Inférieures à 1000 km… Au mieux 2000 km si on compte en décennies multiples. Au dessus, (là ou se trouvent les constellations GPS, par exemple) soit vers 20.000 km, on roule pour l’éternité. Au moins vu de l’échelle humaine.
En cas de collision, moins de 1 millimètre, danger faible. De 1 cm à 10 cm, danger avéré. Mais il est possible de se protéger avec des blindages. Anticipés et coûteux. C’est le cas de l’ISS, la station orbitale. Moins de 10 cm, elle absorbe. Plus, on évacue vers les vaisseaux qui sont arrimés (25 fois par an) !
Les satellites français, civils et militaires sont également protégés, autant que possible. 13 manœuvres par an en moyenne.
Ces gros dangers, il y en a 34.000, détectés, surtout par les USA, un peu par les Européens. Le risque va de la destruction pure et simple, avec toutes les conséquences imaginables si le vaisseau est habité, à la détérioration des panneaux solaires, des hublots, la section de câbles ou de conduites, donc la panne, l’influence sur la trajectoire, le coût, etc.
La France avec GRAVES ne voit que son « ciel » et pas d’objets de moins d’un mètre, pour l’instant. En 2025 le nouveau Commandement Interarmées de l’Espace, créé en 2019 et basé à Toulouse, disposera des nouveaux moyens de détection français, mais également allemands et italiens. Visible, radar, IR.
Sans aller plus loin dans ce descriptif des dangers provoqués par les encombrements, et beaucoup les débris, y compris ceux causés par les manœuvres militaires de dissuasion menées par certains pays (Russie, USA, Chine, Inde), qui utilisent des missiles, depuis le sol ou des avions, pour détruire des satellites, deux observations se dégagent :
1. Il devient nécessaire et justifié d’avoir des capacités d’intervention dans l’espace.
2. L’espace de ce fait, devient un nouveau champs de bataille, dont il n’était jusqu’ici que le relais d’observation et de communication.
Et comme les avions de la guerre de 1914 ont commencé par l’observation, vite, il se sont affrontés pour avoir la suprématie du ciel, d’où est née la chasse… Le bombardement, et plus tard, toutes les nouvelles disciplines, transmissions, guerre électronique, bombardement stratégique, ravitaillement en vol, etc. Parallèle volontaire car l’évolution est similaire.
A titre civil on prépare des satellites manoeuvrants, capables de changer d’orbite, de rattraper des satellites, objets ou vaisseaux. Il pourront servir d’atelier pour les réparations que l’on ne peut plus faire dans l’espace depuis l’arrêt des navettes spatiales. Ravitailleurs en vol, avec des « nounous » en orbite terrestre où les ravitailleurs viendront eux-mêmes avitailler. Il sera donc possible de prolonger la vie des satellites en usage, voire de les upgrader. Belle économie. Ce faisant, des satellites nettoyeurs d’orbites munis de filets, de pinces, pourront devenir éboueurs de l’espace et nettoyer les orbites les plus utilisées. Qui sait si cela ne sera pas possible à terme pour les orbites hautes et même géostationnaires. En évacuant vers le soleil les objets garés sur des orbites d’attente !
Mais si tout cela devient possible, et pour la bonne cause, cela devient donc possible pour des usages moins pacifiques. Déjà les Russes ont montré leur capacité à s’approcher de nos satellites avec l’un des leurs. Simple visite. Menace. Dissuasion. Capacité d’espionnage, de brouillage, de leurre, de déception ou de destruction. Cela n’était pas prévu par les traités de l’espace. Mais cela n’entre pas dans le domaine des armes nucléaires en orbite et donc n’est pas « illégal ».
Il en va de même des capacités que se donnent certains pays de détruire depuis le sol ou des avions, des satellites d’intérêt stratégique avec des missiles classiques. Cela demande une parfaite connaissance de la situation tactique dans le cosmos, donc justification duale de la mise en place de moyens d’observation du ciel, de positionnement et de suivi de tous les satellites et objets. Et la mise en œuvre de radars au sol ou en orbite, de télescopes terrestres, voire spatiaux (pas le JWST heureusement !), et de tous moyens de détection et de positionnement du paysage des constellations de satellites civils et militaires.
Donc il devient possible de détecter, suivre, espionner, tromper, détruire, nos satellites militaires. Indispensables à nôtres capacités de défense et bien sûr à notre dissuasion nucléaire. Ainsi, entrée obligée dans le cycle : je dois pouvoir surveiller « l’autre » et je dois pouvoir m’en protéger. Qui sait, pouvoir le détruire si nécessaire ? Ainsi, lisez les derniers numéros des revues spécialisées, que ce soit le bulletin de la 3AF, celui de l’Académie de l’Air et de l’Espace, ou Air et Cosmos : ces sujets sont régulièrement à la une. La guerre des étoiles a commencé et elle est incontournable. Comme le disait notre Ministre des Armées Florence Parly lors de la 14ème Conférence spatiale de l’Union européenne, à Paris le 25 janvier 2022 : Nous devons être prêts sur le plan diplomatique, capacitaire et opérationnel…. En France, et en Europe.
Source : Michel Polacco
31/01/2022 – Les puissances spatiales sont devenues schizophrènes. D’un côté la multiplication des débris spatiaux affole tous les utilisateurs l’espace, de l’autre, les lancements de mini et micro satellites se multiplient et s’ajoutent à ceux des satellites d’usage devenu courant. Plus de 3000 satellites « classiques » en service étaient en orbite il y a 10 ans. Plus de 7000 aujourd’hui. Tous sont en danger de collision. Le « New Space » avec ses constellations gigantesques, œuvre des GAFA promoteurs des mini-sats, par milliers, ou plus, propulsés ou inertes, multiplie de manière astronomique le nombre d’objets susceptibles de devenir des dangers pour les autres occupants voire pour eux-mêmes.
Il y a des encombrements dans le cosmos. Et cela va en s’accroissant. Gravement. On comptabilise, notamment par statistiques, plus de 128 millions de débris dans le Cosmos. En orbite haute ou géostationnaire, 36.000 km, 520 satellites, dont de nombreux sont « morts » et pas toujours désorbités, (ce qui est désormais une règle). Mais faut-il s’y prendre à temps quand on possède suffisamment d’ergols à bord.
Plus bas en orbite la règle est désormais la même, mais on s’y prend bien tard. Et les satellites désactivés, les corps de lanceurs, les débris des opérations diverses, et bien sur ceux des collisions, constituent une masse de plus de 34 000 objets, de plus de 10 cm, les plus dangereux. Qui pour bon nombre rentrent doucement dans l’atmosphère et se détruisent. Mais cela peut prendre 30 ou 40 ans ! A ce jour on estime que 38% des objets ou débris lancés depuis 1957 sont retombés et ont brulé. On estime que 2 satellites reviennent chaque semaine s’autodétruire naturellement. 88 en 2017. Le ménage se fait donc un peu naturellement. Mais cela ne vaut que pour les orbites les plus basses. Inférieures à 1000 km… Au mieux 2000 km si on compte en décennies multiples. Au dessus, (là où se trouvent les constellations GPS, par exemple) soit vers 20.000 km, on roule pour l’éternité. Au moins vu de l’échelle humaine.
En cas de collision, moins de 1 millimètre, danger faible. De 1 cm à 10 cm, danger avéré. Mais il est possible de se protéger avec des blindages. Anticipés et coûteux. C’est le cas de l’ISS, la station orbitale. Moins de 10 cm, elle absorbe. Plus, on évacue vers les vaisseaux qui sont arrimés (25 fois par an) ! Les satellites français, civils et militaire sont également protégés, autant que possible. 13 manœuvres par an en moyenne. Ces gros dangers, il y en a 34.000, détectés, surtout par les USA, un peu par les Européens. Le risque va de la destruction pure et simple, avec toutes les conséquences imaginables si le vaisseau est habité, à la détérioration des panneaux solaires, des hublots, la section de câbles ou de conduites, donc la panne, l’influence sur la trajectoire, le coût, etc. La France avec GRAVES (Grand Réseau Adapté à la Veille Spatiale) ne voit que son « ciel » et pas d’objets de moins d’un mètre, pour l’instant. En 2025 le nouveau Commandement Interarmées de l’Espace, créé en 2019 et basé à Toulouse, disposera des nouveaux moyens de détection français, mais également allemands et italiens. Visible, radar, IR (Infra Rouge).
Sans aller plus loin dans ce descriptif des dangers provoqués par les encombrements, et beaucoup les débris, y compris ceux causés par les manœuvres militaires de dissuasion menées par certains pays (Russie, USA, Chine, Inde), qui utilisent des missiles, depuis le sol ou des avions, pour détruire des satellites, deux observations se dégagent :
- Il devient nécessaire et justifié d’avoir des capacités d’intervention dans l’espace.
- L’espace de ce fait, devient un nouveau champ de bataille, dont il n’était jusqu’ici que le relais d’observation et de communication.
Et comme les avions de la guerre de 1914 ont commencé par l’observation, vite, il se sont affrontés pour avoir la suprématie du ciel, d’où est née la chasse… Le bombardement, et plus tard, toutes les nouvelles disciplines, transmissions, guerre électronique, bombardement stratégique, ravitaillement en vol, etc. Parallèle volontaire car l’évolution est similaire.
A titre civil on prépare des satellites manoeuvrants, capables de changer d’orbite, de rattraper des satellites, objets ou vaisseaux. Ils pourront servir d’atelier pour les réparations que l’on ne peut plus faire dans l’espace depuis l’arrêt des navettes spatiales. Ravitailleurs en vol, avec des « nounous » en orbite terrestre où les ravitailleurs viendront eux-mêmes avitailler. Il sera donc possible de prolonger la vie des satellites en usage, voire de les upgrader. Belle économie. Ce faisant, des satellites nettoyeurs d’orbites munis de filets, de pinces, pourront devenir éboueurs de l’espace et nettoyer les orbites les plus utilisées. Qui sait si cela ne sera pas possible à terme pour les orbites hautes et même géostationnaires. En évacuant vers le soleil les objets garés sur des orbites d’attente !
Mais si tout cela devient possible, et pour la bonne cause, cela devient donc possible pour des usages moins pacifiques. Déjà les Russes ont montré leur capacité à s’approcher de nos satellites avec l’un des leurs. Simple visite. Menace. Dissuasion. Capacité d’espionnage, de brouillage, de leurre, de déception ou de destruction. Cela n’était pas prévu par les traités de l’espace. Mais cela n’entre pas dans le domaine des armes nucléaires en orbite et donc n’est pas « illégal ». Il en va de même des capacités que se donnent certains pays de détruire depuis le sol ou des avions, des satellites d’intérêt stratégique avec des missiles classiques. Cela demande une parfaite connaissance de la situation tactique dans le cosmos, donc justification duale de la mise en place de moyens d’observation du ciel, de positionnement et de suivi de tous les satellites et objets. Et la mise en œuvre de radars au sol ou en orbite, de télescopes terrestres, voire spatiaux (pas le JWST heureusement !), et de tous moyens de détection et de positionnement du paysage des constellations de satellites civils et militaires. Donc il devient possible de détecter, suivre, espionner, tromper, détruire, nos satellites militaires. Indispensables à notre capacités de défense et bien sûr à notre dissuasion nucléaire. Ainsi, entrée obligée dans le cycle : je dois pouvoir surveiller « l’autre » et je dois pouvoir m’en protéger. Qui sait, pouvoir le détruire si nécessaire ? Ainsi, lisez les derniers numéros des revues spécialisées, que ce soit le bulletin de la 3AF, celui de l’Académie de l’Air et de l’Espace, ou Air et Cosmos : ces sujets sont régulièrement à la une. La guerre des étoiles a commencé et elle est incontournable. Comme le disait notre Ministre des Armées Florence Parly lors de la 14ème Conférence spatiale de l’Union européenne, à Paris le 25 janvier 2022 : Nous devons être prêts sur le plan diplomatique, capacitaire et opérationnel…. En France, et en Europe. Michel Polacco pour AeroMorning le 31/01/2022.
Liens
- Space-track.org : accessible à tous ; Recence les objets en orbite et retombés.
- AAE : Perspectives spatiales, numéro 124. www.academieairespace.com
- 3AF : https://www.3af.fr/global/gene/link.php?doc_id=4367&fg=1
Source : Michel Polacco