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Une ombre plane sur les nuits à Crans-Montana

Publié le 05 août 2008 par Danielle
L’humeur des professionnels de la nuit à Crans-Montana est plutôt sombre. Jonglant entre plaintes pour bruit et horaires réduits, ils regrettent de ne pas pouvoir offrir des nuits à la hauteur de la réputation de la station. C'est ce que vous pouvez lire en une du journal du mois d'août. Notre collègue Nathalie Getz a parcouru les lieux de vie nocturne et fait le point de la situation. Ci-dessous, vous avez également accès à l'entier du journal en ligne.

A quoi ressemblent les nuits de la station? «L’ambiance est vraiment sympa: les gens viennent pour faire la fête. Comme ils sont en vacances et se lâchent complètement, cela crée une ambiance assez exceptionnelle». Alain, 30 ans, vit à Crans. Fêtard, il apprécie particulièrement la vie nocturne en station, même s’il a un peu levé le pied depuis quelque temps. «L’hiver, c’est vraiment super, il y a plein de monde», confirme de son côté Stéphanie, 23 ans, une autre grande adepte de sorties qui habite aussi dans la station. «Entre saisons, c’est plus calme, mais tu trouves toujours un endroit pour faire la fête».

Philippe Nicolle, patron du Monk’is, a pas mal bourlingué dans les grandes villes: «On n’a vraiment pas à rougir de nos ambiances! De l’ouvrier en bleu de travail à la bourgeoise BCBG de Paris, tout le monde cohabite autour de cet esprit vacances. Et c’est ce que je trouve magique ici». L’humeur est pourtant loin d’être à la fête lorsqu’on se tourne du côté des professionnels de la nuit. «Lamentables», «pitoyables», les qualificatifs qu’ils utilisent pour décrire les nuits de Crans-Montana sont fort sombres. Mais qu’est-ce qui cause cette morosité?

Une épée de Damoclès

«Le problème, c’est que nous manquons d’une ligne stratégique claire sur ce que l’on veut offrir la nuit à Crans-Montana», explique l’impétueux patron du Monk’is. «Est-ce que l’on veut une station tranquille où il n’y a plus de bruit après minuit? Ou voulons-nous proposer une vraie vie nocturne, ce qui implique d’en assumer les conséquences? C’est une réflexion que doivent mener ensemble tous les acteurs concernés».

Pour rappel, ce sont les communes qui fixent les horaires des établissements. Elles ont décidé de prolonger l’ouverture des bars à deux heures du matin alors qu’il y a deux ans, elles ont décidé de faire fermer les discothèques à quatre heures, au lieu de cinq. La décision est tombée peu avant le début de la saison d’hiver. «Comment voulez-vous que nous nous organisions?», s’exclame Philippe Nicolle qui regrette que les acteurs de la nuit ne soient pas davantage pris au sérieux par les politiciens. «Nous sommes des petites entreprises: pour pouvoir fonctionner, nous avons besoin de voir à moyen et long terme. Aujourd’hui, je n’ai aucune certitude quant à ce qui m’attend l’hiver prochain. Ce n’est pas normal que nous devions vivre avec une telle épée de Damoclès au-dessus de notre tête».

Deux heures pour faire du chiffre

Du côté du Barocke, Mike Thomann ne cache pas que le plaisir et l’enthousiasme d’autrefois ont fait place au découragement. «Depuis ce changement d’horaires, il n’y a aucune égalité entre les bars et les discothèques. La clientèle que nous accueillons arrive le plus souvent après la fermeture des bars, vers 2 h 15 du matin. C’est dans ces conditions que nous avons vu notre chiffre d’affaires baisser.» A ce moment-là de la nuit de nombreuses personnes ont déjà bien arrosé leur soirée… Ce qui implique, notamment, des frais de sécurité qui viennent s’ajouter aux charges fixes déjà élevées pour faire tourner un club. Associé du Xellent Club, Jean-Grégoire d’Amman déclare payer 10’000 francs par mois rien que pour ses locaux.

Est-ce à dire qu’il faut être un peu kamikaze pour avoir envie de faire tourner une boîte de nuit à Crans-Montana? «On peut s’en sortir, d’autant plus que nous n’avons pratiquement pas de concurrence», relativise Jean-Grégoire d’Amman qui ne cache toutefois pas avoir fait faillite avec sa précédente société, «à cause du bar que je tenais à côté», précise-t-il.

Du bruit qui gêne

Pour lui, le problème vient d’ailleurs. Depuis vingt ans, les exploitants du club se heurtent aux plaintes réitérées d’une propriétaire d’un appartement situé dans l’immeuble. Plaintes qui ont mené à plusieurs reprises à la fermeture de l’établissement, comme c’était le cas fin mars. Le club a rouvert mi-juillet, sous l’enseigne d’une nouvelle société. Mais pour combien de temps? L’affaire embarrasse le président de Chermignon: «Chaque fois qu’il y a un changement d’exploitant, ça recommence. Nous aimerions bien que l’établissement reste ouvert, mais en même temps, nous comprenons que cela cause un problème aux propriétaires… Nous devons ménager la chèvre et le chou».

Mike Thomann pose un regard un peu plus radical sur la situation: «Je pense qu’on ne veut plus de boîtes de nuit. Et cela à cause de la pression des propriétaires qui paient leur appartement au centre une fortune et qui se plaignent du bruit». Un sombre constat que partage en partie Sylvain Belleville, directeur d’exploitation du New Haven: «L’offre actuelle est pitoyable par rapport à la demande et c’est un problème. Je pense que Crans-Montana est à un tournant. Il est nécessaire que tout le monde s’asseye à la même table. Les communes doivent aussi se mettre d’accord: veut-on une station familiale ou miser sur la promotion d’appartements à plusieurs millions de francs?»

L’enjeu est délicat et implique bien des intérêts. Mais le dialogue est essentiel si on veut éviter que Crans-Montana ne se transforme en Belle au bois-dormant à peine la nuit tombée.

Un article de Nathalie Getz

Accès au journal en ligne: ici (pdf)



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