Lorsque j’aurai ouvert toutes mes forces
À battant écumeux
Quelqu’un passera
Dans la rue verte et pauvre
La rue dont les cils sont des cris.
Place au froid de l’été !
Des bûches éclatantes
Parfument
Les rayons fuyants de la nuit
Jusqu’au silence.
La main étroite et forte
Passe sous les fenêtres
Passe sans saluer.
La tige du sommeil
Transperce les visages
Les grands visages bleuis par la course
Et que l’on reconnaît soudain
Dans les puits solitaires.
Craquez, crachez
Longs feux de dédain !
Une parole sera dite
Où l’on reconnaîtra
L’homme incertain et triomphant
Comme une banderole,
Comme un printemps dur
À la salive bleue,
À la couronne sale et crépitante
De dangers.
Un homme descendra la rue glissante et noire,
À ciel ouvert.
Un homme écoutera passer
La tendresse
Dans ses poings fermés.
1948
***
Gérald Neveu (1921-1960) – Une solitude essentielle (Guy Chambelland, 1973)