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Pour un Premier ministre, le discours de politique général est sensé être son instant de gloire, avant que l’usure du pouvoir et son rôle de fusible du président de la République ne prennent irrémédiablement le dessus pour le laisser exsangue et souvent détesté de l’opinion publique le jour de son départ (pas toujours volontaire, loin de là) de Matignon.
Mais pour François Fillon, qui depuis sa nomination vit dans l’ombre de Nicolas Sarkozy en assurant lui-même être prêt à n’être qu’un "super directeur de cabinet" du chef de l’Etat, même le discours de politique générale est parti pour n’être qu’un exercice de style totalement géré par l’Elysée. La preuve, la veille de ce discours, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, vient dans une interview accordée à La Tribune (qui anticipe peut être son éventuel rachat par Vincent Bolloré), rappeler fort opportunément qu’ "il y a un numéro 1 et un numéro 2, un président et un premier ministre. C'est exactement le même rapport que celui qui existait entre le général de Gaulle et son premier ministre Georges Pompidou". Mieux, il dresse les grandes lignes de la politique que le gouvernement Fillon devra mener. C’est à se demander si cela vaut vraiment la peine que le Premier ministre peaufine encore son discours, alors qu’il suffit de relire devant les députés l’interview de Claude Guéant. C’est d’ailleurs peu ou prou ce qu’attend Jean-François Copé, le président du groupe UMP qui met le Premier ministre sous pression et surtout sous surveillance : "les députés vont l’écouter avec une petite feuille dans laquelle ils vont cocher les cases et sur la feuille, il y aura la liste de tous les engagements sur lesquels nous avons été élus par les Français". Gare à lui s’il ose oublier ou dénaturer une promesse du candidat Sarkozy.
De toute façon, le porte-parole de l'Elysée, David Martinon, minimise au possible le rôle personnel du Premier ministre en affirmant : "Nicolas Sarkozy et François Fillon ont préparé ensemble le projet présidentiel. Il n'aura pas à faire preuve de beaucoup d'imagination pour son discours". Une idée reprise par le porte-parole du gouvernement, Laurent Wauquiez pour qui François Fillon n’est là que pour "mettre en musique partitions" de Nicolas Sarkozy, le "maestro compositeur qui sera tous les jours à la baguette".
Face à une telle bordée d’humiliations venue de son propre camp (à côté les futures attaques de l’opposition risquent passer pour des compliments), même Jean-Pierre Raffarin conseille au Premier ministre de ne surtout pas faire "trop long".
Heureusement, François Fillon avoue "je n'ai pas d'amour-propre mal placé" et ajoute que son rôle est de "mettre en œuvre" le projet présidentiel et faire "l'interface avec le Parlement". C’est beau l’abnégation et le don de soi, mais il ne faudrait pas non plus tomber dans le masochisme…