Dans l’expression « coming out », il y a surtout implicitement l’idée d’une destruction, d’une implosion sentimentale. C’était précisément ce que je vivais actuellement : à force de trop de coming out, je me désintégrais. Je brûlais. Chaque morceau de mon identité s’écartait des autres, chaque parcelle de mon « Je » suivait sa propre trajectoire. Divergente. Toutes divergentes. (…)
Non, le coming out n’est pas la solution, mais le problème. Il me fallait arrêter mon coming out, arrêter mon implosion. Tant qu’il en était encore temps. (…) Continuer mon coming out, ce serait l’échec assuré. Mon autodestruction. Au mieux, le rejet par tous ceux qui m’avaient connu autre : pourquoi accepteraient-ils de me découvrir différent ? Au pire, la rupture par fragmentation. Désintégration. (…)
J’avais besoin de l’inverse. D’un coming in.
Pour pouvoir décider ce que je voulais faire, et le décider pour moi ainsi que Marc me l’avait dit, il me fallait réparer ma fracture. De l’intérieur, et non pas de l’extérieur. In et non pas out. Prendre le temps de plonger en moi.
Pour comprendre comment et pourquoi j’étais passé à côté de moi-même. Comment et pourquoi j’avais élaboré une identité fictionnelle et artificielle. Comment et pourquoi celle-ci n’était pas seulement « fictionnelle et artificielle », mais représentative de qui j’étais. Comment et pourquoi mes deux parties – mon identité apparente et celui que j’avais pris l’habitude d’appeler « mon Alien » – étaient indissociables et constituaient ensemble mon identité réelle. Comment et pourquoi l’Alien n’en était pas un. Comment et pourquoi cet Alien était moi. Moi aussi. Comment et pourquoi sans lui je ne serais pas moi.
Bref comprendre qui j’étais.
(Extrait de mon livre "Coming in")