(Anthologie permanente) Valentin Degueurce, Mihubi

Les éditions Unes publient Mihubi de Valentin Degueurce.
Extrait de la section
I
descendu de mihubi sans dire rouge
retenu par les pas
le soleil chaud de biais désertique
le désert rouge de mihubi sans le dire
en disant le désert
   mais mihubi
était derrière moi et sur la pente
à chaque pas j'étais derrière moi
(... sur la pente
une butte de schiste / sentier friable au bord des gorges / baissé
sous un couvert épineux / trois rochers faisaient trois marches / une
jonchée d'aiguilles dans le demi-bois...)
         jamais présent, dans mon souvenir immédiat
suivi par ma descente
en réalité
(et celle de mihubi sans doute...)

///
je disais rouge coupable tout contre les parois
j'avais dit mihubi
grises, les montagnes, désertes
poursuivi
par une forme de souvenir (très fort à la base et sans ombres)
///
je descendais au fleuve
quel fleuve
///
j’avais croisé la nuit
la veille un iris
pourpre, nerveux, gras, central
au bord du lac, retrouvant pas, pieds, gué, nuit, jour
et puis les pierres dans l’eau
dos au lac pour voir entrer dans l'eau   iris
son volume
dos au lac pour te voir entrer dans l'eau
râper, le haut de l'eau râpait
entrait en avançant...
où j'attendais dos au lac te voir passer
de l'autre côté progressivement te voir entrer dans l'eau le ventre
les épaules
   les sépales
grands pétales, grand linceul, parapluie, encre abstraite
moteur pourpre au bord de l'eau et appesanti... le niveau montait
le torse haut
ta poitrine râpait l'eau
bouclé, bleu et nerveux
grattant le fond, poussant
tes volumes d'eau
du côté abstrait
(où j'attendais très facilement pourtant)
nous nous retrouvions
au fond le fond net et détaché de l'eau, le fond où
nos pieds touchaient
grand linceul, parapluie, hydrofuge, nyctalope, nerf de la nuit, pourpre
battant, reflet
l’iris sortait de terre comme un nerf
(...)
Valentin Degueurce, Mihubi, Editions Unes, 2021, 54 p., 15€, pp. 45-48
Valentin Degueurce est né à Besançon en 1990. Après des études de biochimie, de philosophie et d'épistémologie à la Sorbonne, il quitte l'université en 2014. Il multiplie les périples dans les Alpes, sur la côte méditerranéenne française et italienne, et se lance dans l'écriture poétique. Il fonde à la même époque avec d'autres artistes "La Société de distribution du sensible", association visant à favoriser la création d'œuvres transdisciplinaires.
Il s'installe à Marseille et crée avec des photographes et vidéastes une résidence d'artistes dans une bâtisse abandonnée du village de Puget-Rostang dans les Alpes-Maritimes dont il se charge de la réhabilitation et où il réside une partie de son temps. Le site, en pleine nature, accueille régulièrement expérimentations et expositions artistiques de toutes natures. Il publie ses premiers textes dans la revue Triages en octobre 2020.
Mihubi est son premier livre.