Portée par l'ambition de maintenir, voire renforcer, sa position à long terme, la première banque américaine allouera désormais 12 milliards de dollars à ses dépenses technologiques, annuellement. L'essentiel de cette somme sera (heureusement !) consacré aux projets de transformation, le fonctionnement des systèmes existants en représentant encore toutefois environ la moitié. Pourtant, les analystes expriment des réserves sur le plan de Jamie Dimon, lui reprochant le flou de ses objectifs.
En lui-même, le contenu du programme de rénovation est irréprochable. Il reprend point par point toutes les exigences d'une institution à l'état de l'art pour les années à venir : une remise à niveau complète de l'architecture, profondément adaptée à l'infonuagique, avec une transition vers un agencement flexible en services, un appui étendu sur les données, un modèle opérationnel agile et centré sur le client, favorisant les collaborations avec les métiers, le tout soutenu par une politique de sécurité sans concession.
Naturellement, une telle présentation, bien qu'accompagnée d'exemples concrets tels que le développement d'une offre Chase 100% « digitale », peine à séduire des investisseurs plus habitués à évaluer des projections chiffrées qu'à entendre parler, par le directeur financier, de réduction de la dette technique. Ils perçoivent dans ce genre de description une approche purement défensive, sans réaliser qu'elle est aussi extrêmement agressive et représente un préalable essentiel afin d'aborder l'avenir avec sérénité.
En revanche, les observateurs pourraient légitimement reprocher son arrogance à l'emblématique dirigeant de JPMorgan lorsqu'il évite de fournir des précisions quant à la faisabilité de la transformation et à ses chances de succès. En effet, il ne suffira jamais d'injecter des fortunes dans les technologies pour matérialiser ses rêves pour demain. La promesse de mettre en place de nouvelles approches de recrutement et de rétention des talents dans un contexte tendu peut, par exemple, susciter de sérieux doutes.
Décidément, l'exercice stratégique s'avère bien compliqué à orchestrer dans les grands groupes. Quand, pour une fois, une banque parvient à concevoir et articuler une vision cohérente, elle ne réussit pas pour autant à exposer, et encore moins à démontrer, sa capacité réelle à la mettre en œuvre. Sachant que – si l'histoire nous apprend quelque chose – le budget dédié à ses efforts risque d'être remis en cause au premier retournement de conjoncture, l'accumulation d'aléas justifie largement l'inquiétude…