Depuis 2013, Numbrs tentait de concrétiser le concept (à la mode) de plate-forme de services financiers. Après une première transition vers un modèle payant à la fin 2020 et une forte réduction de voilure quelques mois plus tard, elle abandonne finalement sa vision et s’oriente vers une tout autre activité… dans la conservation de bitcoins.
La question fondamentale que soulève ce revers est celle de la viabilité de l’idée – populaire jusque dans les grandes institutions mais toujours théorique – qu’il est possible de remplacer les banques monolithiques telles qu’on les connaît depuis des siècles par cette promesse d’une plate-forme, agrégeant des services provenant de multiples fournisseurs et pilotée par une couche de conseil ultra-personnalisé qui permet à chacun de composer sa propre solution en fonction de sa situation, ses besoins, ses rêves…
Selon les dirigeants de la jeune pousse suisse, qui comptaient beaucoup sur la réglementation européenne en matière d’ouverture des données pour se développer (notamment en Allemagne, son premier marché), son échec est dû principalement aux barrières dressées sur sa route par les banques. Quand ils espéraient convaincre ces dernières de mettre leurs produits à la disposition de ses deux millions d’inscrits (au meilleur de sa forme), ils ont vu les obstacles et la mauvaise volonté se démultiplier.
Si je peux comprendre l’amertume sous-jacente, les arguments exposés tendraient à révéler une certaine naïveté de la part de Numbrs. Peut-on être réellement surpris que les établissements historiques aient quelques réticences a priori à étendre leur distribution auprès d’acteurs émergents, dans une approche qui ne leur est pas familière et qui les inquiète, dans une période où ils sont échaudés par les obligations de partage de la DSP2 ? Mais faut-il en conclure que le rêve de la plate-forme est une illusion ?
Au premier abord, il semblerait bien que l’impossibilité d’intégrer un vaste catalogue issu de l’industrie traditionnelle constitue un handicap rédhibitoire. Sauf à reconsidérer la proposition de valeur initiale : après tout est-ce la diversité de l’offre qui importe ou plutôt l’accompagnement du client ? Je penche pour la seconde option, même s’il peut être utile de conserver la première en ligne de mire. L’avantage est que, dans cette hypothèse, il redevient facile de constituer un socle suffisant pour exprimer une différenciation.
Dans une certaine mesure, c’est ce que parviennent à réaliser des startups telles que Lydia (pour les particuliers) ou Shine (pour les entrepreneurs individuels) avec leurs places de marché. Malheureusement, ces trublions ne prolongent pas leurs implémentations jusqu’à la dimension de conseil qui permettrait de valider formellement le principe de la plate-forme, de confirmer que celle-ci répond véritablement aux attentes des clients et de démontrer objectivement où se situe l’avenir de la banque.