"Qui a dit que tout était perdu ?
(Solution en retournant le journal)", dit le gros titre
en se payant la tête de la ministre
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Soledad Acuña, la très droitière ministre de l’Éducation du gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, n’en est pas à son coup d’essai. Régulièrement, depuis qu’elle a pris ses fonctions, à l’approche de la rentrée scolaire ou à d’autres moments symboliques de l’année, elle balance des petites phrases provocatrices, lourdes de mépris social pour les pauvres, les salariés et les personnels de l’école publique.
Elle vient à nouveau d’en lancer une qui fait réagir tout l’éventail politique et journalistique, même si ni La Nación ni Clarín ne mettent l’affaire en avant. D’après elle, à Buenos Aires, l’école aurait récupéré 98 % des enfants qui ont décroché pendant les cours à distance, qui ont duré presque toute l’année scolaire 2020 et ont dû être remis en place à plusieurs moments l’année dernière.
Quant aux 2 % restant, dont
elle affirme qu’ils vivent dans des bidonvilles, elle les estime
irrémédiablement « perdus » pour l’enseignement.
Selon elle, ils s’adonneraient actuellement au trafic de drogue
dans « quelque réduit du bidonville » : « ils
ont [au minimum] dû se mettre à travailler », ose-t-elle
justifier. Elle ne bougera donc pas le petit doigt : « il
est bien tard pour aller les chercher », déclare-t-elle (1).
Son administration abandonne donc ces gamins à leur triste sort.
Dans ces déclarations sur les ondes d’une radio, la ministre a
estimé que cette situation touchait une centaine d’enfants en âge
scolaire sur les 6 500 « décrocheurs » apparus à
Buenos Aires du fait des confinements successifs pendant deux ans.
Le journaliste : Vous avez parlé il y a peu des gamins du bidonville.
Acuña : Oui... Je connais bien les pauvres... En général, ce sont des gens
qui ont échoué en tant que riches"
Traduction © Denise Anne Clavilier
Paz et Rudy rappellent ici une autre provocation de la ministre :
l'année dernière, elle avait dit que les professeurs étaient des gens
qui s'étaient tournés vers l'enseignement,
après avoir échoué dans d'autres voies.
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Fureur à gauche, notamment chez les syndicalistes enseignants et les médiateurs scolaires des quartiers défavorisés (c’est fait pour), malaise à droite devant tant de mauvaise foi… L’école obligatoire, instituée en 1883 sur la pression du grand homme de droite que fut Domingo Sarmiento (1811-1888), est justement là pour corriger, entre autres, les injustices de la société et garantir à tous l’égalité des chances (au moins sur le papier).
Embarrassée, La Prensa, quotidien de l’ultra-droite catholique, met l’info en une, discrètement, mais avec photo de la ministre et ce titre, sinon déjà accusateur, du moins passablement ambigu : « Discrimination ? ».
Le gouvernement portègne tâche bien de voler au secours de la ministre mais les explications de texte qu’il donne ne font que souligner l’indignité de cette posture provocatrice puisque ces commentaires rejettent sur le gouvernement national (de gauche) la responsabilité d’un tel abandon. C’est le ministre national, paraît-il, qui aurait dû détecter ces gamins (2) et les réinsérer dans le système public, dont elle se lave les mains puisque son gouvernement soutient ouvertement l’école privée (et payante), et ce depuis des années à grands coups de subventions publiques, contre l’école publique (et gratuite), dont quelques bâtiments, et pas des moins prestigieux, menacent ruine.
Un État fédéral, c’est fait pour que le pouvoir central s’occupe de tout, c’est bien connu ! La ville de Buenos Aires a conquis en 1994 le statut d’entité fédérée mais il faut croire que ce gouvernement municipal n’est pas encore au courant, lui qui se comporte comme un simple conseil municipal (et encore, un conseil municipal d’un État jacobin).
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller plus loin :
(1)
Que ne l’a-t-elle fait avant, dans ce cas ? Elle ose en effet
argumenter : « Obviamente
hay que intentarlo pero es mucho más difícil que si se hubiera
conocido, sabido y tomado decisiones hace dos años »
(Bien entendu, il faut essayer [de les récupérer] mais c’est
beaucoup plus difficile que si on avait su, connu [les intéressés]
et pris les décisions il y a deux ans. TdA). Acuña fait mine
d’oublier qu’au début de la pandémie, elle était déjà à la
tête de ce ministère et que la majorité locale a rempilé après
les élections générales de 2019.