Parce que pour nous ce n'était pas Martin Achard.
C'était "cherd" depuis toujours.
Il y avait Breton, et sa famille, au coeur de la rue, vers le sud. Cherd, sa petite soeur Marie, leur famille, près du croissant de la rue. Val, sa soeur, son frère, sa mère, dans le coin du croissant. Kluzak, son frère, son père, sa belle-mère, dans le nord du croissant, même côté de la rue que Val et sa famille. Carpenter et sa mère, deux portes à la droite de chez les Kluzak.
Dans ce croissant, on y jouait au hockey dans la rue. Entre 1980 et 1992. Cherd se joignait à nous. Moi, j'habitais à Sillery. Beaucoup plus loin. Goyette, qui habitait plus haut, venait nous joindre. Il était primordial, en gardien. Nous étions tous primordiaux les uns pour les autres. Si les autres l'ont connu beaucoup plus jeune que moi, moi je me suis joins à eux vers 1987-1988. Cherd était brillant. Donc plus près de Kluzak ou Goyette, les plus brillants d'entre nous. C'est quand même Breton qui est aujourd'hui docteur en neuropsychologie. Alors pour la brillance...humblement...elle était saupoudrée partout dans notre groupe de mousquetaire. Mais Cherd pouvait intimider par tout ce qu'il savait. Il avait un an de scolarité de plus que nous. Ce qui le plaçait déjà au dessus de la mêlée. Et plus rare dans nos matchs de hockey de rue, c'était toujours un plaisir, voir, un honneur de le voir se joindre à nous.
Cherd était passionné de boxe depuis son enfance. Et bien que docteur en philosophie ancienne de l'Université Laval, même poète à ses heures, il était excessivement généreux de ses très nombreuses contributions à l'univers de la boxe. Par écrit, mais aussi verbalement, entre passionnés de ce sport. Brillant était-il dans un univers pas toujours correctement allumé. Il était lumière dans ce milieu.
Quand je travaillais pour la station télé Indigo, beaucoup plus jeune, nos chemins étaient ailleurs. Lui à Ottawa, moi à Montréal. J'avais constamment des billets gratuits pour assister aux galas que nous vendions sur les ondes de la télévision payante et j'y allais seul. C'est con, je n'avais jamais pensé à lui pour peut-être m'accompagner dans ces galas. Il y était peut-être chaque fois de toute manière.
2014 ou à peu près. Ma fille entre au secondaire. Une de ses meilleurs amies, encore de nos jours, sera une jeune fille ayant le même nom qu'elle: Punkee. Et qui, par le plus grand des hasards, a pour maman, Marie! la petite soeur de Cherd. Que nous ne remarquions par plus jeune par pur snobisme. Elle a quelques années de différences plus jeune que nous, et pour cette simple raison, les adolescents que nous étions ne pouvaient techniquement pas frayer avec elle. Val avait bien un an de plus jeunes que nous, nous avons même été amoureux pendant un certain temps, et Cherd avait un an de plus, mais au-delà d'un an, nous ne frayions pas ensemble. La soeur de Val, qui a deux ans de plus que la cuvée 1972, n'était pas incluses dans nos soirées ados non plus. Le frère de Val, trois ou quatre ans de plus que nous, hors de question. On se saluait respectueusement, on se jasait pas longtemps, mais quand venait le temps mettre le fun à "on", seule Val était intégrée. Mais encore.
Cherd était souvent autour. Kluzak avait été en couple avec la soeur d'un autre voisin dont on voit les deux faces, enfants, sur l'affiche d'un restaurant connu de Québec, à Place Laurier (et anciennement sur Grande-Allée). C'est d'ailleurs dans ce resto que Marie, qui y travaillait, avait fait la rencontre du père de leur fille, qui y travaillait aussi, jadis naguère. La blonde de Kluzak a aussi un an de plus que nous. De l'année de Cherd. C'était un lien Kluzak-elle-Cherd.
On a eu des discussions interminables sur la musique. C'était un terrain de discussion qui pouvait durer des nuits autour d'un feu. Cherd était des nôtres. Quand je me suis mis à forcément connaître davantage sa petite soeur, par ma fille, j'ai été plus-que-surpris, il y a trois ans (quatre?), de le voir apparaitre à ma porte, à Montréal, avec sa soeur et sa Punkee à elle. Ils venaient cueillir ma fille pour aller à La Ronde, toute une journée.
On s'était jasé un peu, mais pas assez longtemps. L'inconfort de trop d'années de séparation. Et peut-être encore ce petit côté intimidé de ma part, de mes 16 ans, qui me revenait passé 45. J'avais regretté qu'on ne se soit pas jasé plus. J'aurais voulu qu'il reste dans le salon un peu mais aurais-ce été intéressant pour Marie et sa fille? Enfin.
Mon dernier contact avec Cherd aura été un regret.
C'est avec encore plus de regrets, et un lourd pincement au coeur que Goyette m'apprenait, lundi dernier, par texto, l'apprenant de Kluzak, que Cherd s'était enlevé la vie, dimanche, le 9 janvier 2022. Le soleil du Honduras devenait brouillard.
Entre l'anniversaire de naissance de Bowie, et celle de son décès. Il aurait le genre à calculer la chose ainsi. Entouré du jour du caméleon.
J'ai mis plus d'une bonne semaine à le digérer. Imaginez les plus proches encore. Ça s'accepte? C'est ce qu'il voulait. Cessez de souffrir.
Il était atteint d'une maladie dégénérative auto-immune incurable. Il ne voulait plus continuer ainsi. On allait partager le même âge encore quelques mois à partir de début Février.
On ne sera pas tous les voix les plus fortes à saluer ton départ pour ailleurs. Mais Cherd vivra encore longtemps dans nos coeurs.
La station de télé sportive RDS, au Québec, pour laquelle il collaborait dans le milieu de la boxe, l'a aussi honoré et pleuré sur ses pages Web.
On essaie de notre côté de se rappeler les rires.
Repose en paix, grand frère.
Ne souffres plus. Ça nous appartiens ce bout-là, maintenant.