L'anthologie permanente d'aujourd'hui est consacrée à Michelle Grangaud qui vient de disparaître (voir cet article de Poezibao).
1562
Eau marine Ambre blanc Planète supérieure
Zone tempérée
Lieux communs Zone froide Serpent aveugle*
Idées funèbres
Merle blanc Jumens hermaphrodites Ambre blanc
Ambre gris
Pierre de touche*
de métempsychose
au dieu Terminus*
il ne manque rien
lui qui devenu
terme nous donne
le mot et la fin
Osier vitellin Or blanc Pôle septentrional
Tête humaine*
(15)
1874
Or anglais Valeurs modales Formes modales
Pupille optique
Naphte minéral Soude naturelle Médaille muette
Or gris
Travaux souterrains Organe olfactif Pupille optique
Le metteur en scène
a pour objectif
les préhistoriens
d'où un transfert
chez les naufrageurs
un alpiniste un
pyrotchenicien
Esprit nouveau Or rouge Tons fondants
Médaille muette
(103)
Michelle Grangaud, Les Temps traversés, P.O.L., 2010. En savoir plus sur ce livre et en feuilleter quelques pages.
1562
* Serpent aveugle : c'était le nom, en 1562, du serpent que nous nommons aujourd'hui l'orvet.
* L'expression pierre de touche, dans le dictionnaire d'Alain Rey, est donnée à pierre comme étant de 1579, mais à touche elle apparaît datée de 1562. Dans un cas de ce genre, qui n'est certes pas le plus fréquent mais qui n'est pas rare non plus, je m'accorde le droit de choisir celle des deux dates où l'expression en question sera le mieux utilisée. En revanche, je ne me permets pas de l'employer une deuxième fois, car le règlement chronologique l'interdit, du moins pour ce qui concerne ces morales, certes élémentaires, mais qui n'en constituent pas moins, à elles toutes, une suite chronologique.
* Le dieu Terminus, chez les Romains, était un dieu-tronc, sans bras ni jambes : étant lui-même l'extrémité et toutes les extrémités, il n'a pas d'extrémités. C'est que les verbes être et avoir sont ici, comme le plus souvent dans la vie, incompatibles. Toutefois ce pauvre dieu, tout en être et si cruellement dépourvu d'avoir, a laissé après lui, dans la langue française, le mot : terme, tiré de son nom et qui désigne, précisément, après la fin, un mot. Ce dernier point apparaît comme étant d'une ampleur, métaphysique et poétique, tout à fait délicieuse.
* Tête humaine : se trouve, en 1562, dans le titre : Méthode curative des playes et fractures de la teste humaine. La délectable orthographe du XVIe siècle ferait presque aimer les « playes et fractures ». (p. 150)
Assis à leur table de travail, on voit qu'ils sont dits, qu'ils sont divisés en deux groupes, les étudiants et les non-étudiants. Lésés, lésés, les étudiants sont jeunes, ils ont le teint frais et travaillent avec nom avec nonchalance, tandis que le lourd passé des non-étudiants leur a donné des rides, des cheveux blancs, parfois un gros ventre, mais en compensation un formidable happé happé appétit pour la lecture et tout ce qu'on peut en faire. Dans l'opéra si lent si lent silencieux que forment les salles de lecture quand elles sont pleines, les étudiants font les aigus et les non-étudiants les graves.
Chacun est un monde à soi seul, un monde clos dans ses murs mais sue sue sue sujet à de brusques saillies hors du dos du domaine privé paré par échange de regards et parfois de paroles chuchotées, de têtes tournées toutes en même temps vers un nain un incident qui coagule un nain un instant l'attention ; l'édit l'édit les différences individuelles sous sous soudain s'additionnent et on voit dans ces mots ces moments que les lecteurs ressemblent à l’énumération que fait Bernard Heidsieck de tous les peuples de la terre.
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Michelle Grangaud, Le bébégaiement du beau Beaubourg, Editions de l’Attente, 2002 et 2011