Une enquête conduite par Policygenius, une place de marché d'assurance en ligne, révèle que les consommateurs (américains, en l'occurrence) n'ont guère confiance dans les automatismes que mettent en place leurs assureurs. Mais peut-être les conclusions à tirer de ces réticences ne sont-elles pas aussi évidentes qu'il y paraît…
Voilà une étude qui en suit bien d'autres sur le terrain de la défense de la relation humaine dans le secteur financier et ce n'est pas sa publication par un fournisseur en ligne qui doit tromper, car, si j'ai bien compris, sa stratégie s'adosse à un réseau d'agents. Quoi qu'il en soit, ses résultats sont édifiants et méritent sérieusement l'attention, tant ils semblent refléter un rejet absolu et définitif de tous les efforts que tentent de déployer les compagnies afin de maintenir leur performance dans un contexte difficile.
Qu'on en juge : 72% des personnes interrogées ne se sentent pas à l'aise avec l'idée de souscrire un contrat sans parler à un professionnel, 83% expriment le même sentiment d'inconfort vis-à-vis d'un traitement de déclaration de sinistre entièrement confié à une intelligence artificielle, 58% des conducteurs refuseraient une application d'analyse de leur comportement au volant y compris avec des économies à la clé, 55% des propriétaires affichent la même attitude face aux appareils intelligents installés dans l'habitation, à peine plus de 4 sur 10 accepteraient une évaluation de leur bien par drone…
Décidément, la technologie n'a pas la cote ! Une conséquence susceptible de rassurer immédiatement l'industrie est que l'hypothèse, souvent évoquée, d'une entrée des géants du web sur le marché ne provoque pas un énorme enthousiasme, bien que les statistiques paraissent alors légèrement moins tranchées et les opinions moins radicales, avec, par exemple, deux tiers d'individus s'affirmant peu enclins à prendre une garantie automobile ou habitation auprès d'Amazon et 40% qui y seraient résolument opposés.
En dépit de la consolation que génèrera ce constat, la défiance généralisée est une mauvaise nouvelle pour des métiers qui, dans une large mesure, n'ont pas d'autre choix que d'introduire toujours plus de logiciels et d'algorithmes dans leurs mécanismes internes, quand, entre autres, les véhicules deviennent autonomes ou les catastrophes naturelles dues au dérèglement climatique menacent fondamentalement le modèle opérationnel et économique de l'assurance tel qu'on le connaît depuis des siècles.
Toutes les compagnies, jusqu'à celles qui souhaitent conserver le principe de l'interaction face à face, devront donc faire changer les convictions de leur client, du moins en partie. Mais il leur faudra au préalable s'interroger sur les motivations profondes de leurs résistances. Certes, au premier abord, la faute sera rejetée sur la technologie elle-même. Mais l'inquiétude ne concernerait-elle pas plutôt la manière dont elle est utilisée par les assureurs (par exemple en matière de protection de la vie privée) ?
En d'autres termes, les consommateurs se méfient-ils des algorithmes ou des entreprises qui les conçoivent et les exploitent ? Je soupçonne que la réponse est plus dans la seconde proposition, qui ouvre une perspective radicalement différente sur la solution à apporter. L'objectif ne sera pas pour l'organisation de faire accepter ses outils mais, prioritairement, d'apporter la preuve qu'elle est digne de confiance, autant avec une application web ou mobile que les yeux dans les yeux avec un de ses représentants.