Illusion que ce monde,
disent ils
non sans dédain
or
l’illusion n’est pas ce monde
mais la conviction
qu’il gravite autour de moi
le moi n’est qu’un rêve,
clament ils
non sans morgue
or
le rêve n’est pas le moi
mais sa prétention d’exister
souverain
par lui même
et à jamais
séparé
alors qu'il n'est que distinct
vaines, ces entreprises,
prétendent ils
non sans condescendance
or
nos entreprises
non seulement ne sont pas vaines
mais chacune
chacune
importe
pourvu qu’elle participe
au déploiement
du vivant
vaine
par contre
la conviction
que le monde devrait
se conformer à notre gré
fiction que la personne
pointent ils
non sans affectation
or
la personne
n’est pas plus fiction
que la vague
jaillie de l’océan
fiction par contre
que sa propension
à s’imaginer
autonome
et éternelle
chimère que le libre arbitre
dénoncent ils
non sans désespoir
or
est ce chimère que
le vertige
du possible choix
dans le précipice de l’instant
mais chimère,
que de se croire
libre
tant qu’on ne l’est pas
chimère
de s’attribuer
la moindre liberté
comprenne qui pourra
aveuglement que l’amour
ricanent ils
non sans cynisme
or
aimer
aimer de la manière
la plus ordinaire
la plus banale
qui soit
ses enfants
son conjoint
sa maison
son chien
aimer
n’est pas s’aveugler
s’aveugler
c’est confondre
chaque objet d’amour
avec l’amour lui même
investir d’éternité
l’éphémère
et ainsi refuser
la perte
l’éloignement
le changement
égarement que le désir
avertissent ils
non sans morbidité
or
le désir
n’est pas plus aveugle
que la vie
dont il procède
n’est aveugle
que la pulsion
vouée
à son seul assouvissement
surface, surface
pointent ils
non sans superficialité
or
la surface
n’est superficielle
que tant qu'elle est appréhendée
hors de la profondeur
dont elle procède
et qui l'irrigue
La surface est la profondeur
La profondeur est la surface
oh
qu’il me soit donné
de me savoir
vague
dérisoire
cruciale
vague
naissant
vivant
mourant
en l’inconnaissable océan
me savoir
pleinement
joyeusement
glorieusement
vague
.........Gilles Farcet
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