Dans la deuxième partie du livre, Byung-Chul Han commence par dire à quel point les choses peuvent nous être hostiles (je pense à un exemple qu’il ne cite pas : celui du râteau qui nous cogne quand nous marchons sur ses dents). Il cite des films de Walt Disney, des livres (Ernst Bloch, Robert Musil, Jean-Paul Sartre, Franz Kafka…). Mais aujourd’hui, « nous consommons des informations en permanence » ; elles réduisent les contacts. Il faut, au contraire, être attentif à l’autre pour qu’il y ait relation, en être d’abord affecté. Il en est ainsi de la photographie comme l’interprète Roland Barthes, du poème que Robert Walser considérait comme un corps. Pour Francis Ponge, les mots ne font pas que désigner les choses, ils sont eux-mêmes choses. Même la voix n’est pas seulement articulée, elle est incarnée. L’art cependant, aujourd’hui, se fait récupérer par la communication : « il veut instruire plutôt que séduire ».
L’auteur consacre un chapitre à « la main de Heidegger ». Celui-ci, en effet, associe la main à la pensée, la main qui saisit. Dans ce même chapitre, il dit que le pied de Heidegger « incarne la constance du lien avec le sol ». Les doigts comptent, c’est l’ordre digital. La main, comme le pied, renvoie au lieu de la pensée. Humain vient de humus. « L’homme sans mains est aussi sans pieds. Il quitte la terre ferme pour entrer dans le cloud numérique ».
Une autre image va être reprise par Byung-Chul Han : la photographie prise, en 1838, par Daguerre du Boulevard du Temple à Paris. On n’y voit rien de ce qui bouge pendant le temps d’exposition. Seule une silhouette révèle la présence d’un homme qui se fait cirer les souliers. Cette silhouette n’est visible que parce que l’homme est arrêté. « Tout ce qui se hâte, écrit-il, est condamné à disparaître » et « c’est le silence qui sauve ».