"wall-e"

Par Jb
Note : 9/10
Je ne pense pas qu’aujourd’hui encore, certains croient qu’un film d’animation est forcément réservé aux "enfants". Mais bon, dans le doute je me permets de signaler que ce n’est pas le cas de WALL-E.
Bien sûr, il y a une histoire dans WALL-E : fondée sur la peur très contemporaine de la catastrophe écologique, l’intrigue met en scène un petit robot "compacteur de déchets" chargé de nettoyer la surface de la Terre de toute la pollution qui s’est accumulée. En attendant que cette mission soit accomplie, les humains ont déserté la planète depuis 700 ans et vivent sur un immense vaisseau au fin fond de l’espace. Fatalement, ils ressemblent plus à des poulpes (ou plutôt à des américains moyens ;-) qu’à des apollons.
Le robot poursuit donc sa routine depuis des centaines d’années lorsque soudain, "une" robot baptisée EVE débarque dans l’espoir de trouver une forme de vie sur Terre. WALL-E lui ayant procuré une pousse verte, EVE regagne sa navette et repart sur le vaisseau amiral. Mais c’est sans compter sur l’obstination de WALL-E qui est tombé amoureux d’elle et qui la suit.
Toutefois, malgré l’existence de ce scénario, il faut reconnaître que l’essentiel est ailleurs. Mais où exactement ? Difficile à dire…
Peut-être dans la capacité du réalisateur Andrew Stanton et de son équipe d’animateurs à laisser se dérouler des séquences très poétiques, parfois joyeuses, mais plus souvent flippantes et saisissantes, durant lesquelles le sentiment de solitude, de spleen et de nostalgie est sans cesse présent. Peu importe, en l’occurrence, que l’histoire avance ou pas : nous sommes transportés dans un univers très singulier où la dimension temporelle semble comme abolie. En outre, l'absence quasi totale de dialogues ajoute à cette sensation.
Peut-être aussi dans l’aisance avec laquelle l’équipe du film s’est réappropriée les grands mythes de l’histoire humaine : de la Grèce classique on retiendra le mythe de Sisyphe, incarné par WALL-E et sa quête impossible de débarrasser la planète bleue des ordures qui la recouvrent. De la Bible on retiendra d’une part bien sûr le prénom de EVE, le robot dont notre héros tombe amoureux, mais surtout l’espèce d’entrepôt que s’est constitué WALL-E, empli d’objets humains d’un autre temps (la palme à la cassette vidéo contenant une vieille comédie musicale que WALL-E se passe en boucle), et qu’il est difficile de ne pas comparer à une arche de Noé non plus constituée d’espèces vivantes, mais d’objets symbolisant l’humanité au tournant du 21e siècle.
Peut-être enfin, et surtout, dans la réussite absolument intégrale des graphismes et de l’animation en 3D. On aura beau chercher, on aura du mal à déceler le moindre défaut dans ce film d’une heure trente qui se déroule impeccablement, nous plongeant dans une expérience très particulière où tout semble à la fois complètement réel et irréel.
La synthèse de WALL-E est donc parfaitement réussie, proposant une œuvre tout en contraste : une première partie qui se déroule sur une Terre pourrie, suffocante, couleur charbon et cuivre, et qui n’est pas loin de m’évoquer la Salem du manga Gunnm (ici aussi, les humains les plus nantis s’étaient retirés en hauteur, laissant les autres vivre dans la glaise et les poubelles). Une deuxième partie dans l’espace, sur le vaisseau des humains, où l’on est amusé par les clins d’œil aux grandes œuvres du cinéma, notamment 2001 : l’odyssée de l’espace.
Le point commun de ces deux parties, encore une fois, réside dans l’aptitude vraiment admirable du réalisateur à offrir des plages contemplatives et gratuites, qui à proprement parler n’apportent rien à l’avancée narrative, mais qui en revanche font de WALL-E un objet filmique à part, profond et mélancolique, comme rarement le cinéma d’animation américain en avait proposé.