Interview avec Freshavelli, rappeur de Grigny

Aujourd'hui c'est une interview Hier Soir à Paris x Orange Pulp que je vous présente. Vous connaissez déjà le premier nom, puisque vous lisez cet article, le deuxième, c'est l'association audiovisuelle et musicale dont je fait partie depuis bientôt un an qui entre autres choses, tourne des clips. Freshavelli, rappeur de Grigny qui est à l'honneur cette fois-ci à recours à nos services depuis plusieurs mois. Nous collaborons encore en mettant en avant sa musique dans cet échange. Bonne lecture.

Authenticité et ADN musical

Deux ans de vie aux Etats-Unis. Un anglais courant qui lui donne accès aux textes d'outre Atlantique. Le rap il sait ce que c'est parce qu'il l'a saigné, parce qu'il en fait mais aussi parce qu'il en connaît les racines. Parce qu'il aime la musique. Parce qu'il a conscience que le rap français, c'est l'héritage de la culture hip-hop née aux USA. Savoir d'où l'on vient c'est bien, savoir d'où ça vient c'est tout aussi important.

" Le rap et la culture hip-hop pour moi c'est universel. Tu peux venir de Londres, du Canada ou de la Suisse et être un monstre aussi. Les USA m'inspirent énormément puisque de toute façon le hip-hop c'est une culture américaine. Je les regarde eux, pour être le plus à la page possible. C'est une culture spéciale, il y a des codes à prendre, à respecter. Par exemple après qu'ils aient fait de la trap aux Etats-Unis, Kaaris en a fait en France, et Niska, Gradur, Bosh, MHD avec l'afro trap, mais la base est toujours là-bas. Ce sont des cultures à respecter malgré qu'on les reproduise ici. De mon point de vue, il y a des codes qu'il faut garder d'eux. C'est un domaine complexe et tu ne peux pas faire n'importe quoi avec. "

Pourtant tous les grands acteurs du rap français d'aujourd'hui n'ont pas forcément ces références américaines ou pas aussi ouvertement que toi. De plus on peut se permettre de dire qu'on a nos propres bases rap en France, avec des têtes, des rappeurs qui ont inscrit le rap dans le temps. Qu'en est-t-il de ce socle français selon toi ?

" Je les suis tous. Je les écoute tous, ce sont aussi des références pour moi. Oxmo Puccino, Booba, Arsenic, Rohff, Mac Tyer ... Mais, sans vouloir faire le mec relou, on ne l'a pas inventé cette culture. Le king du rap français, c'est Booba. Il s'est largement inspiré des Etats-Unis et c'est le boss en France. Il a fait un album qui s'appelle " Futur ", parce qu'il disait qu'il était dans le futur par rapport à nous. Parce qu'il était là-bas, à la source, et qu'il pouvait nous sortir des trucs qu'on avait jamais vu. Je vois ça comme ça. J'aime énormément le rap français, mais comme toute culture et toute discipline ça commence quelque part. "

Tu rappes en français. Comment fais-tu la passerelle entre tes inspirations françaises et anglophones ?

" Je parle anglais couramment. Je peux autant m'inspirer du rap US que du rap français. Tout ce que je raconte, tout ce que je dis est en rapport avec la France. Que ce soit clair, je supporte le PSG, je suis né à Courcouronnes, ma ville c'est Grigny. J'ai vécu deux ans aux states, ça m'a beaucoup aidé. Je ne suis pas le seul artiste à combiner les deux. Je pense qu'il y a Zola, Damso, une artiste comme Angèle ... On utilise la langue française mais on n'est pas obligés de suivre des codes. C'est universel la musique. Je suis d'origine Congolaise et Angolaise, où ils ont inventé le Kuduro, et le Congo la Rumba congolaise, donc je suis ce que je suis et je m'inspire de tout ça. Je prends tout, je suis ouvert d'esprit. "

Il ajoute " C'est dommage que je ne puisse pas toucher à tous les styles, mais s'il y a des featurings à faire avec des gens qui sont dans d'autres cultures, d'autres disciplines, je veux les faire, parce que j'aime la musique en général. Et je trouve que le rap n'est pas la musique la plus riche, loin de là. "

Cette logique s'applique aussi dans l'autre sens. Freshavelli peut écouter et s'inspirer de tout, mais il peut également explorer son flow, varier les styles, élargir sa palette musicale, proposer quelque chose de différent, tout en restant dans l'univers rap, en lui étant fidèle et en étant fidèle à lui-même et ses convictions, artistiques, musicales. Tant qu'il gravit les échelons dans l'ordre, convenablement, stratégiquement, il ne s'interdit rien. Ce qui compte c'est de ne pas brûler les étapes. Ne pas se précipiter, ne pas forcer, garder la tête froide, pleine, et viser juste. Ne pas faire pour faire. Se donner, investir, se battre s'il le faut, bien s'entourer et laisser faire ce qui est hors de portée, ce qui ne dépend pas de lui. Quitte à devoir sacrifier.

Lorsque Freshavelli s'est mis au rap, il avait déjà les deux pieds dedans depuis longtemps. Ça ne l'avais jamais intéressé personnellement, jusqu'à un certain point.

" Au départ j'écoutais de la musique mais j'étais plus dans le sport. J'ai toujours écouté du rap, été autour d'énormément de rappeurs, tous mes copains le sont. A force de les côtoyer et d'aller en studio tout le temps, de les conseiller, je me suis dit " Je vais m'y mettre, il faut que je tente mon propre truc ! " Je donnais mon avis à tout le monde " Ça je l'aurais fait comme ça, ça je l'aurais clippé comme ça ... " et je l'ai fait pendant trop longtemps. "

Puis, le déclic :

" Il y a un moment j'ai écouté une mixtape. Je l'ai tellement kiffé que j'ai écrit un texte et l'ai envoyé à Gizo Evoracci, un grand de mon quartier qui m'a fortement encouragé et qui m'épaule encore aujourd'hui. " Références

Vous savez maintenant mieux ce qui motive Fresh, ce qui le guide, mais concrètement, musicalement, et même, visuellement, qu'est-ce qu'il retient ? Sur quoi s'arrête-t-il dans cette culture hip-hop qui ne cesse de grandir, d'évoluer ? Pour en avoir une idée, voici quatre clips de sa sélection.

" C'est un clip qui a été réalisé par Hype Williams, qui pour moi est le plus grand clippeur de tous les temps. DMX, Busta Rhymes, Jay-Z, Ja Rule ... Tout ce qu'on a vu à l'ancienne, c'était lui. D'ailleurs Chris Macari un des meilleurs clippeurs français s'est beaucoup inspiré de lui. Si j'ai choisi ce clip c'est aussi parce qu'il en a tourné à une époque où c'était dur d'en faire. Et quand tu les regardes aujourd'hui tu te dis que c'est une dinguerie. " Hate Me Now " c'est un clip qui aurait pu sortir aujourd'hui. Ca date mais c'est toujours d'actualité. " " C'est le côté artistique qui m'a fait choisir ce clip. Encore une fois pour moi le rap est universel. Dans ce cadre là, PNL rivalise largement avec tous les clips américains. " Au DD " particulièrement. La tour Eiffel la nuit, les scènes de l'ascenseur, celles des clients floutés ... C'est grandiose. Et je pense que si le clip n'avait pas été aussi lourd, le son n'aurait pas eu autant de succès. On a déjà vu des clips avec des mecs en bas de la tour, dedans, mais pas dessus, et comment c'est filmé, c'était la première fois que je voyais ça. En plus de ça ils ont de la gueule, une dégaine. Je suis pas scotché à leur musique, mais chaque fois qu'ils sortent quelque chose, je vais quand même checker. Ils sont une source d'inspiration pour moi. " " Yungeen Ace c'est un jeune rappeur qui vient de Jacksonville en Floride. Il vit plus ou moins en guerre. Le message - du clip - a été envoyé à ses ennemis. " Step Harder " ça veut dire " venez d'une manière plus féroce ". Le côté cinématographique de ce clip est incroyable. Encore une fois, c'est artistique. Ca peut parler à tout le monde. Ca m'inspire énormément, il nous prend à contre-pied, nous surprend : le son est hyper gang, il parle à ses ennemis que tout le monde connaît, mais dans le clip ils sont joués par d'autres personnes. J'aime bien ce contraste et j'aime beaucoup ce clip. " " Ce que j'aime ici c'est l'énergie. Le fight club, les voitures qui font des courses poursuites comme dans " Fast & Furious Tokyo Drift " ... Tout ça mélangé à l'emplacement où Rick Ross fait son playback, les kalashnikovs derrière, l'or, les meufs en blancs ... C'est Colin Tilley qui a réalisé le clip, il fait toujours du boulot hyper qualitatif avec les bonnes lumières, le bleu, les néons sur les rappeurs au bon moment ... Tu sens que c'est vivant ! " Parcours récent et projets à venir

Ça fait cinq ans que Freshavelli rappe, dont un an qu'il s'y est mis complètement. Il a eu pendant ces années l'occasion de sortir plusieurs projets, qu'il n'a par la force des choses finalement pas pu concrétiser. Dans ces cinq ans il a du faire une très longue pause, c'est-à-dire un arrêt de sorties officielles. Même lorsque des idées ou des publications étaient en suspend, il n'a jamais cessé d'écrire, d'aller au studio, de rapper, il a toujours maintenu sa productivité, il ne s'est jamais tu. C'est d'ailleurs en préparant son retour, en cherchant activement un clippeur, qu'il a rencontré Matéo Beauché, réalisateur de tous ses clips les plus récents, et membre du collectif Orange Pulp. Il n'a pas chômé puisqu'il a également monté avec son manager Roms OG, , son propre label indépendant, qui est aussi une marque. Ces années de travail lui permettent de sortir sa nettape " Blue Magic ", déjà disponible. Vous pouvez en découvrir un premier extrait ci-dessous.

Vous l'avez compris, vous faites face à un connaisseur et à un passionné, qui offre à ses auditeurs un style direct et propre à lui. Ce qui n'est pas si courant qu'on pourrait croire. Pour avoir un aperçu de l'imagerie de Freshavelli, clique ici

Instagram Freshavelli Instagram Louise OH