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Corinne Lepage: "On ouvre la porte à toutes les dérives possibles"

Publié le 05 août 2008 par Dominique Lemoine @lemoinedo
Corinne Lepage par cap21photo

Crédit photo: cap21photo / flickr

Corinne Lepage, présidente du parti écologiste CAP 21, qui est également avocate, vient de déposer un recours devant le Conseil d'État pour obtenir l'annulation du décret Edvige.

Alors que de nombreuses associations ont ou vont déposer un recours devant cette haute juridiction, pourquoi avez-vous également entamé cette procédure ?
Si beaucoup d'associations de défense des droits et de lutte contre les discriminations se sont émues à juste titre, notamment pour le recensement des mineurs de plus de 13 ans, on peut être étonné du silence des politiques, pourtant visé par Edvige, dès le 1 er article qui fiche tous les élus de France. Ce qui me parait extrêmement grave et menaçant pour la démocratie. D'autant qu'il n'y a aucune précision sur les conditions d'utilisation de ce fichier. On ouvre la porte à toutes les dérives possibles. Ainsi, on n'est pas à l'abri d'opération de chantage au moment des élections.


Mais le fichage des hommes politiques existe déjà...
Malgré des critiques multiples, le décret du 14 octobre 1991 autorise effectivement les Renseignements généraux à récolter et à détenir des informations sur des personnes majeures impliquées dans le débat public. Mais là, nous allons vers une utilisation industrielle puisque c'est un fichage informatisé et complètement systématisé. N'oubliez pas qu'Edvige étend considérablement le champ des données collectables, comme les motifs justifiant le fichage.


Comment expliquez-vous cette évolution ?
Elle s'inscrit dans une certaine logique, que je trouve très préoccupante. Elle rejoint en effet un certain nombre d'évolutions qu'on a vues et qu'on voit sur le contrôle des médias, sur le pouvoir judiciaire... Nous sommes à l'extrême limite de ce qu'un système démocratique peut tolérer.

N'êtes-vous pas un peu excessive ?
Qu'une démocratie se défende contre des menaces terroristes ou contre toute une série de choses dangereuses, on peut tout à fait l'admettre. Mais là, nous ne sommes pas du tout dans ce domaine. Les élus ou les responsables syndicaux ou associatifs ne sont pas des gens qui menacent les institutions. Bien au contraire, ils y participent.

Dans notre société moderne, le développement de ce type de fichiers n'est il pas inévitable ?Certainement pas. On n'est pas obligé de vivre avec Big Brother. Je trouve d'ailleurs que la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés N.D.L.R.), qui a protesté contre Edvige, l'a fait de manière extrêmement molle.


Pensez-vous qu'on puisse réellement s'opposer à ce type de fichier ? Le principe même de ce fichier est, à mes yeux, tout à fait inacceptable. D'où mon recours devant le Conseil d'État. Et s'il faut aller à la Cour européenne des droits de l'homme, j'irai. Ce fichier est une grave atteinte aux libertés individuelles Ce n'est pas au ministère de l'Intérieur de faire sa bouillabaisse tout seul dans son coin.

Recueilli par Zoé Cadiot
Source: L'indépendant


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