il faut faire l’appel des choses,
vérifier une fois de plus leur présence.
Il faut savoir
si les arbres sont encore là,
si les oiseaux et les fleurs
poursuivent leur invraisemblable tournoi,
si les clartés cachées
continuent de pourvoir la racine de la lumière,
si les voisins de l’homme
se souviennent encore de l’homme,
si dieu a cédé
son espace à un remplacement,
si ton nom est ton nom
ou déjà le mien,
si l’homme a terminé son apprentissage
de se voir de l’extérieur.
Et en faisant l’appel
il s’agit de ne pas se tromper :
aucune chose ne peut en nommer une autre.
Rien ne doit remplacer ce qui est absent.
*
Periódicamente,
es necesario pasar lista a las cosas,
comprobar otra vez su presencia.
Hay que saber
si todavía están allí los árboles,
si los pájaros y las flores
continúan su torneo inverosímil,
si las claridades escondidas
siguen suministrando la raíz de la luz,
si los vecinos del hombre
se acuerdan aún del hombre,
si dios ha cedido
su espacio a un reemplazante,
si tu nombre es tu nombre
o es ya el mío,
si el hombre completó su aprendizaje
de verse desde afuera.
Y al pasar lista
es preciso evitar un engaño:
ninguna cosa puede nombrar a otra.
Nada debe reemplazar a lo ausente.
***
Roberto Juarroz (1925-1995) – Duodécima poesía vertical (1991) – Douzième poésie verticale (Orphée/La Différence, 1993) – Traduit de l’espagnol par Fernand Verhesen.