Après moult rebondissements et pas mal d’opérette politicienne, ce qui était une théorie complotiste il y a un an a donc été voté en première lecture à l’Assemblée nationale le 6 janvier dernier : le projet de pass vaccinal est maintenant examiné par le Sénat qui, n’en doutons pas, va vaguement maugréer et le voter sans trop broncher. Les clowneries continuent donc.
Bien sûr, il y aura encore quelques étapes purement décoratives : ainsi, il y aura un deuxième vote à l’Assemblée lors du retour de la navette parlementaire, vote qu’on peut imaginer précédé de quelques débats et éclats de voix destinés à faire croire au peuple que la Chambre d’enregistrement sert à quelque chose ; il y aura bien sûr le détail juridique des remarques faites par le Conseil constitutionnel qui – pari osé – adoubera la mesure moyennant quelques remarques parfaitement dilatoires et aptes à illustrer le caractère complètement inutile de l’existence même de ce Conseil.
Il y aura quelques feuilles de choux qui s’interrogeront un peu sur les dangers de dérive d’une telle mesure, comme si la dérive n’était pas déjà là, depuis plus de six mois : l’un ou l’autre gratte-papier subventionné ira probablement se demander si, éventuellement, ce pass vaccinal ne va pas un chouilla trop loin, si tout ceci n’est pas un tantinet démesuré alors que la menace Omicron devient de plus en plus fantôme.
Dans le champ politique, certaines figures se lèveront pour expliquer – en étant raisonnablement dans le vrai – que tout ceci n’a pour but que d’enterrer tous les autres débats sur l’action gouvernementale et présidentielle à mesure que le « renouvellement » démocratique approche : depuis qu’on parle d’Omicron et de ce pass ségrégationniste, on ne parle plus du bilan absolument cataclysmique des finances publiques, du retour musclé de l’inflation, du déficit commercial abyssal du pays, de la violence en hausse ou de la gestion consternante et surtout, de pire en pire, du système de soin que le reste du monde se refuse toujours à nous copier. Au fait, la réforme des retrai… Ah pardon. Oublions.
Et à la fin de cette agitation, la poussière législative et politique retombera et le pass vaccinal sera d’application.
Malheureusement, si ce déroulement est assez prévisible, la suite l’est aussi et elle n’est pas très réjouissante.
En effet, il va bien falloir que ce pass soit correctement mis en place, appliqué et que son absence d’usage dans les lieux imposés soit dûment sanctionné.
Cela va nécessiter par exemple la bonne collaboration des forces de police et de gendarmerie dont on sait qu’elles pourraient choisir de ne faire aucun zèle, voire de regarder ailleurs lorsque se commettent des infractions à cette ségrégation inique.
Cela va imposer qu’un petit noyau de citoyens correctement conscientisés (ceux-là, on les retrouvera toujours à quelqu’époque que ce soit, toujours prêts à aider les administrations) soit mis sur le qui-vive pour bien encadrer et suivre leurs concitoyens qui pourraient commettre une bévue sanitaire, voire faire un faux-pas. Ces belles âmes ne manqueront pas d’alerter les autorités lorsque des dérives seront observées.
Tout ceci ne se mettra pas en place sans une petite préparation indispensable à bien faire prendre conscience à tout le monde des enjeux essentiels de la situation.
On rappellera très certainement que les cadavres s’empilent dans les hôpitaux, débordés qu’ils le sont par ces vagues d’enrhumés en phase terminale. Aucune désorganisation, aucune fermeture de lit, aucune mise à pied de personnel soignant ne pourra surmonter cet afflux inédit de mourants et de subclaquants d’âge canonique. La presse se fera donc fort de nous marteler que la situation, désespérée, ne permet aucune marge de manœuvre.
On insistera aussi sur le caractère à la fois gratuit et pas du tout payé par la collectivité de ces vaccins miraculeux qui empêchent les formes graves de la maladie mêmes chez ceux qui en meurent. On rappellera à quel point il est devenu facile de rentrer dans le rang des seuls bons citoyens qui possèdent le pass vaccinal, tant les gestes moralement (mais pas financièrement) désintéressés de nos fiers personnels soignants sont simples et accessibles, tant les centres de picouse industrielle sont proches et ouverts.Enfin, on va assister à un travail de fond, l’essence même du journalisme d’investigation lorsque toute la presse, toutes les télévisions et toutes les radios se feront fort de faire intervenir les plus grands experts de plateau, les plus fins diplômés de la parole gouvernementale pour se poser quelques questions absolument essentielles.
On commencera doucement par des questions sur le thème général « Est-il éthique d’emmerder les non-vaccinés ? » pour reprendre le vocable hardi de notre sémillant président. De plateaux en débats, moyennant l’intervention d’un philosophe adoubé par le pouvoir, d’un professeur d’éthique renommé et possiblement décoré d’une Légion ou autre, voire un ex-ministre ou mieux encore, un éditorialiste ou politologue éminent, on se rendra assez vite compte que oui, il est non seulement éthique d’emmerder les non-vaccinés, mais carrément indispensable à la survie de notre société et ce d’autant plus qu’il deviendra tout aussi incontournable de faire ramper, aboyer, sauter ou faire marcher à cloche-pied les vaccinés sous peine de révocation de leur laisse électronique.
Ensuite, on devra inévitablement se poser la question de savoir si ces non-vaccinés ne représentent pas finalement cet ennemi, jusqu’alors invisible, qui nous avait plongé dans cette guerre déclaré par notre Président en mars 2020. Et les ennemis, c’est bien simple, on sait comment les gérer. On sait comment s’en débarrasser d’autant qu’à ce moment-là, on est même en droit de se poser la question – qui arrivera elle aussi dans les ondes, sur les plateaux et dans les rédactions – si cet ennemi est encore bien humain à proprement parler.
Or, dans les prochaines semaines, les prochains mois, la situation promet d’être particulièrement intéressante sur ces plateaux et dans ces débats puisqu’à mesure que les discours et les admonestations se feront plus virulentes, la pandémie, elle, continuera à marquer sa décroissance.
Ceux qui, actuellement, prennent ouvertement le parti de l’Occupant intérieur, qui choisissent progressivement mais inexorablement de retirer leurs droits puis leur nature même de citoyen (puis un jour d’humains ?) à ceux qui refusent ainsi de se fondre au collectif, ceux-là ont-ils bien conscience de ce qu’ils font, de ce vers quoi ils nous emmènent tous ?
Comprennent-ils bien leur responsabilité dans ce qui va arriver ?
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