Certains auront peut-être remarqué mon absence sur ce site depuis plusieurs mois. Je tenais à m’en excuser et, après mûres réflexions, je me suis dit que je vous devais des explications.
Le titre de cet article est sans équivoque et vous aurez compris de quoi il retourne: cela fait plusieurs mois que je me trouve en pleine procédure de séparation/divorce, je ne l’ai pas choisi et je vis depuis une véritable traversée du désert.
J’ai décidé de partager cette expérience avec vous parce qu’elle est relativement fréquente (vous connaissez comme moi les chiffres, mais un beau jour, contre toute attente, vous faites partie de la statistique) et surtout dans le but de vous expliquer l’impact psychologique, administratif et financier d’un divorce. Certains d’entre vous profiteront - malheureusement - un jour de cet article. Parce que les divorces, ça n’arrive pas qu’aux autres.
Ce compte-rendu se veut aussi honnête et transparent que possible et sans aucune pudeur. Juste la vérité, parfois crue et dérangeante.
Que s’est-il passé?
La réponse la plus honnête serait: je n’en sais rien, je n’ai pas compris tout ce qui m’arrivait et je ne le comprends toujours pas entièrement aujourd’hui. Je peux juste essayer de vous résumer le fil des événements.
Après 25 ans ensemble, dont 16 mariés, tout s’est soudainement cassé la gueule. J’avais non seulement sur le papier, mais aussi dans mon propre ressenti, une vie de rêve: un couple harmonieux, une vie de famille magnifique avec deux enfants extraordinaires, tout le monde en bonne santé, nous étions propriétaires de notre appartement et n’avions aucun problème d’argent.
Je ne vais pas vous faire part de tous les détails trop personnels, mais disons dans les grandes lignes qu’il y a un peu plus d’un an ma femme a rencontré un homme dans le cadre du sport, qu’ils ont passé de plus en plus de temps ensemble, qu’une espèce d’amitié (ou je ne sais pas trop quoi) est née puis a évolué en une relation plus… sentimentale dirons-nous.
J’ai eu des doutes dès le début, j’ai observé toute cette évolution avec beaucoup de scepticisme, mais j’ai d’abord choisi d’accorder ma confiance à ma femme, d’autant plus qu’elle me rassurait à chaque fois qu’il ne s’agissait que de sport et d’amitié et que je n’avais aucun souci à me faire, que de toute façon, même si elle était célibataire, jamais elle ne pourrait s’imaginer en couple avec cet homme.
Au printemps 2021 j’ai fini par découvrir suffisamment d’éléments qui ne laissaient plus beaucoup de place au doute: plusieurs mensonges sur ses horaires, des cadeaux, le natel qui n’est plus jamais laissé seul même pour aller se doucher. S’en suivirent de nombreuses discussions houleuses, des disputes terribles, des crises de jalousie, mais aussi plusieurs tentatives pour sauver ce qui pouvait l’être. En vain. Nous avons finalement pris la décision définitive de divorcer en été 2021.
L’impact psychologique
(Ceux qui n’aiment pas le blabla psychologique peuvent directement passer au chapitre suivant…)
Le choc psychologique a été d’une telle violence que je me suis retrouvé pendant environ deux mois dans une espèce d’état comateux, comme paralysé, avec cette impression que le sol s’était dérobé sous mes pieds, que ma vie prenait l’eau de toutes parts, que mes certitudes les plus profondes s’effondraient, qu’un rouleau compresseur m’était passé dessus. Difficile à décrire avec des mots, mais croyez-moi, encore plus difficile à vivre. Certains jours je ne savais même plus vraiment comment je m’appelais et j’en oubliais de manger.
J’ai passé des jours à vivre comme un zombie et des nuits entières à me remettre en question, à me demander ce que j’avais fait de faux et pourquoi tout cela m’arrivait. J’avais sans cesse l’impression d’être dans un mauvais rêve et que j’allais me réveiller, sauf qu’à chaque fois j’étais bien obligé de réaliser que c’était la réalité et non un cauchemar. Être quitté est terrible, être quitté pour un autre encore plus. Personne ne peut vous faire aussi mal que la personne que vous aimiez de tout votre cœur et en qui vous aviez placé toute votre confiance.
Les jours les plus sombres, il m’est même venu à l’esprit l’idée d’en finir, quelque chose de tout-à-fait inédit pour la personne tellement positive et optimiste que je suis d’ordinaire.
Une fois le premier choc psychologique passé s’en suivirent toutes sortes de sentiments et d’états d’âme: déprime, haine, déni, marchandage, incompréhension, tristesse, fureur, désespoir, etc. Ces émotions vous gagnent par vagues sans que vous ne compreniez vraiment pourquoi et vous maintiennent constamment dans une spirale négative.
J’ai commencé à reprendre pied à partir d’octobre - novembre 2021. J’ai beaucoup parlé de ma situation autour de moi et, je le dis sans aucune honte, j’ai aussi eu recours à une aide psychologique auprès d’un professionnel. Le temps passant, j’ai compris que même si je n’avais bien entendu pas été le mari parfait (il n’existe que sur le papier), je n’avais pas non plus été un mauvais mari, je n’avais pas fait tout faux.
J’ai toujours été fidèle et respecté ma femme. Elle s’est simplement retrouvée à un moment de sa vie à un carrefour et a décidé d’emprunter un autre chemin. C’est sa décision d’adulte, plutôt que ma faute en tant qu’époux. Peut-être nous sommes-nous aussi connus trop jeunes. Et elle a également été très déstabilisée par le fait que les enfants grandissent et aient de moins en moins besoin d’elle.
Très vite, la vie continue et il faut s’organiser: déménager, organiser la garde partagée des enfants, essayer de leur expliquer ce qui se passe, s’occuper de toutes sortes de démarches administratives, acheter presque tous ses meubles comme si on avait de nouveau 20 ans, expliquer au boulot pourquoi on est complètement à côté de la plaque, apprendre à cuisiner autre chose que des spaghettis, rencontrer ses banquiers et l’avocat à maintes reprises, etc.
Puis, petit à petit, on s’habitue à la nouvelle situation, on apprend à gérer la solitude, on se retrouve, c’est-à-dire qu’on finit par redécouvrir qui l’on est vraiment, au-delà de la personne que l’on était devenue à travers son mariage. On finit par apercevoir à nouveau la lumière au bout du tunnel, à regarder vers l’avant, à imaginer un nouvel avenir. Soit on reste par terre, soit on décide de se relever. Il n’y a pas vraiment d’intermédiaires.
Aujourd’hui, tout n’est pas encore rose, le moral et la confiance en soi ont en pris un sale coup durablement. S’ajoutent à cela les éternelles interrogations par rapport au bien-être de ses enfants, l’expérience atroce de « fêter » Noël ou l’anniversaire d’un enfant pour la première fois en tant que famille explosée, l’impact complexe d’un divorce sur les amis communs et les beaux-parents, etc.
Les conséquences financières
En dehors de l’aspect émotionnel et psychologique, l’impact financier est également énorme, puisque tout y passe: la fortune, les revenus, les projets d’indépendance financière.
Au niveau de la fortune
Tout ce que vous avez acquis pendant la durée de votre mariage est divisé par deux: comptes en banque, portefeuilles d’actions, appart, 2e pilier, 3e pilier, voiture, absolument tout.
Étant donné que l’immense partie de mon/notre argent était investi en actions, j’ai dû liquider en quelques mois la moitié de mes différents portefeuilles pour libérer beaucoup de cash afin de pouvoir verser à ma femme la part qui lui revenait. Heureusement au moins que nous étions dans un bull market et que j’ai pu vendre à bon prix.
Jérôme nous présentait dernièrement la performance de son portefeuille d’environ +5% en 2021. Du coup la mienne aura été plus proche de -50%…
Mais surtout psychologiquement cela a été horrible de devoir vendre des dizaines d’actions que je possédais parfois depuis 10 ou 20 ans et dont je n’aurais jamais voulu me séparer. Devoir liquider des perles telles que Nestlé, Lindt, SGS, Geberit ou Partners Group m’a donné envie de vomir. Et surtout voir mes revenus passifs, mes dividendes chéris, divisés par deux, a été atroce.
Perdre la moitié de mon 2e et 3e pilier ne m’a par contre pratiquement rien fait. Cet argent était de toute façon bloqué encore 20 ans et je n’ai jamais vraiment compté dessus pour financer ma retraite.
L’appartement que nous possédons a été le plus gros casse-tête, notamment à cause de l’important retrait anticipé effectué auprès de ma caisse de pensions lors du financement. C’est d’ailleurs la raison principale, à côté du savant calcul des pensions alimentaires, pour laquelle nous avons pris un avocat.
Afin de vous éviter une migraine ou un article de 10 pages, je vous passe tous les calculs et les différentes hypothèses envisagées (dont une vente ou une location) pour vous dire la moins mauvaise solution que nous avons finalement été obligés de retenir: rester les deux ex-époux propriétaires à parts égales, avec Madame Adultère y habitant tant que les enfants n’avaient pas fini l’école obligatoire. Je vous épargne aussi les détails sur qui paie quels frais liés à l’appartement, tant c’est compliqué (impôts, valeur locative, entretien, rénovations, etc.).
Au niveau des revenus
Là aussi, c’est la douche froide: une fois versé à ma femme à chaque début de mois ce que je lui dois (pensions alimentaires pour les enfants, pensions alimentaires pour l’ex-conjoint, allocations enfants), il ne me reste grosso modo plus que la moitié de mon salaire.
A ne pas sous-estimer non plus le fait que certaines dépenses prennent l’ascenseur comme les frais de logement et que vous payez soudain plein de choses à double: voiture, place de parking, internet, Serafe, assurance auto ou ménage, magazine TV, etc.
Seule consolation, les pensions alimentaires (surtout celles pour ex-conjoint) ne sont pas figées dans le temps mais amenées à diminuer progressivement selon l’évolution du taux théorique d’occupation de la mère. Depuis quelques années s’applique le « modèle des degrés de scolarité ». En gros, on peut exiger de la mère qu’elle travaille à 50% dès la scolarisation obligatoire du cadet, 80% dès son entrée au niveau secondaire, 100% dès la fin de sa 16e année.
Légalement, ma femme peut actuellement être obligée de travailler à 50%, donc elle travaille à… 50%. Surtout pas 60% ou même 51%. Logique, puisque M. Dividinde paie la différence pendant qu’elle peut se la couler douce avec son Jules…
Conséquences sur mes rêves d’indépendance financière / de retraite anticipée
Toute cette situation est encore très nouvelle et il est pour l’instant impossible d’évaluer précisément l’impact de ce divorce sur mes projets d’indépendance financière ou de retraite anticipée. Peut-être que cela ne sera tout bonnement plus envisageable, peut-être que cela ne fera que retarder mon projet de plusieurs années.
Honnêtement, dans la phase actuelle, je suis beaucoup plus préoccupé par mon bien-être psychologique et celui de mes enfants que par mes rêves d’indépendance financière.
Une fois que j’aurai vraiment repris pied dans ma vie, je repartirai en tout cas certainement à la conquête de mes rêves et recommencerai tous mes calculs.
Tout cet argent mis de côté et investi pendant de nombreuses années m’apporte en tout cas un important coussin de sécurité et me permet de ne pas avoir de soucis d’argent dans ma nouvelle situation, même si mon salaire diminué de moitié de devait pas couvrir les dépenses courantes. Tous les divorcés n’ont pas cette sérénité financière.
Où j’en suis aujourd’hui
A 45 ans, un peu plus de 6 mois après le choc initial, j’ai retrouvé un certain équilibre et je vais de mieux en mieux, même si des vagues de tristesse et de haine m’envahissent encore très fréquemment. Mais les bas sont moins bas qu’au début. Je vois mes enfants moins souvent qu’auparavant, mais je profite encore plus qu’avant de chaque instant passé avec eux.
Je me suis ouvert à de nouvelles personnes et me suis fait de nouveaux amis. Je me parle de moins en moins à moi-même. Je commence même à apprécier certains avantages liés au fait d’être seul certains jours: manger ce que je veux à l’heure que je veux, regarder ce qui me plaît à la télé, sortir le soir sans devoir rendre de comptes à personne.
La relation avec ma femme reste par contre encore très conflictuelle de mon côté: pour l’instant je n’arrive pas du tout à lui pardonner (ou même à l’envisager) et je ne supporte pas de la voir ou de l’entendre plus de quelques minutes par mois. Elle aimerait qu’on reste amis, mais pour moi c’est actuellement impossible à imaginer, même si je sais que ce serait probablement préférable pour les enfants à long terme. La procédure de divorce suit son cours et devrait aboutir d’ici quelques mois.
Enfin, étonnamment, je n’ai pas complètement perdu foi en l’amour. Je souhaite rencontrer quelqu’un et me suis inscrit il y a peu de temps sur un site de rencontres. Je suis prêt à redonner ma confiance à quelqu’un, à prendre le risque de souffrir à nouveau. Rester seul est aussi une souffrance.
La morale de cette histoire
La vie, c’est comme la bourse: on ne voit pas toujours tout venir, un cygne noir que vous n’aviez jamais imaginé peut toujours vous tomber sur le coin de la gueule. Planifier, prévoir, anticiper, faire des projections, c’est bien, mais ça a ses limites. La vie n’est pas une formule mathématique.
La vie n’est pas non plus un long fleuve tranquille, elle est pleine de virages et d’imprévus. Parfois elle vous tend les bras, parfois elle vous tend des croche-pieds. Elle vous met à l’épreuve, teste votre résilience et votre adaptabilité. La vie est parfois une vraie salope, mais elle reste magnifique, elle mérite d’être vécue pleinement et il ne faut jamais baisser les bras.
Un divorce est une épreuve dévastatrice que je ne souhaite pas même à mon pire ennemi. Mais chaque épreuve est aussi l’occasion de se remettre en question, de grandir et de se découvrir des ressources inattendues.
Je me pose souvent cette question: Si j’avais su comment cette histoire allait finir, aurais-je fait les choses différemment? Je n’ai pas encore trouvé la réponse définitive, mais je crois sincèrement, aussi bizarre que cela puisse paraître, que la réponse est non. J’ai des regrets, mais j’ai surtout des souvenirs. Mon cœur est blessé, mais il a connu l’amour.
Mes amis, je vous en conjure: croquez la vie à pleines dents, concentrez vous sur l’essentiel plutôt que de vous noyer dans les détails futiles, prenez soin de vous et de ceux qui vous sont chers et, surtout, ne perdez jamais espoir: « L’heure la plus sombre est celle qui vient juste avant le lever du soleil » (Paulo Coelho).
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