Elles sont faciles à reconnaître, ces banques et (plus rarement, car le secteur a du retard sur ce terrain) compagnies d'assurance qui présentent les progrès fulgurants de leur modernisation technologique en affirmant que 80 ou 90% de leurs applications sont désormais déployées dans le « cloud ». Les curieux notent que, dans l'immense majorité des cas, il s'agit d'une implémentation interne du concept, mais ne nous affirme-t-on pas que cette option est essentielle afin d'assurer la sécurité des données sensibles ?
Malheureusement, il existe une autre réalité, discrètement évacuée car beaucoup moins reluisante. En effet, si les infrastructures mises en place dans les centres de production des entreprises adoptent une partie des principes fondamentaux de l'infonuagique, permettant par exemple d'allouer dynamiquement des ressources de calcul ou de stockage en fonction des besoins, les logiciels qu'elles hébergent, bâtis pour un modèle d'une autre ère, ne profitent pas pleinement de leurs capacités sous-jacentes.
Entre les applications monolithiques, qui ne peuvent, par conséquent, supporter aucune facilité de montée en charge automatique, et les adhérences avec des systèmes (tels que les cœurs bancaires) impossibles à migrer, qui limitent fortement la flexibilité, les traditionnelles promesses d'agilité, de résilience, d'adaptation aux fluctuations d'activité, de réduction des coûts… du « cloud » ne sont qu'une illusion lointaine. La croyance qu'une innovation à la mode peut résoudre tous les problèmes a encore frappé !
Sans grande surprise, le déploiement des logiciels historiques sur un autre type de socle apporte quelques avantages mais ne résout en rien les principales difficultés rencontrées. Seule une remise à plat des architectures, à tous les niveaux (du fonctionnel au technique), est susceptible de dégager tous les bénéfices rêvés. Or nous parlons ici d'une révolution en profondeur, qui impliquerait nécessairement une réécriture quasiment complète du patrimoine existant. Autant dire qu'elle n'est pas pour demain.
Le corollaire direct de cet état de fait est que les annonces tonitruantes sur le thème de la « cloudification » ne reflètent en rien un quelconque progrès sur le chemin de la rénovation des systèmes d'information. Tout au plus peut-on en conclure qu'une première étape (la plus simple !) a peut-être été enclenchée. Encore celle-ci n'a-t-elle de vraie valeur que si elle s'accompagne d'une volonté énergique de changer les pratiques de conception et de développement logiciel afin d'exploiter les opportunités ainsi ouvertes.
Oui, c'est exactement ce que devrait recouvrir l'idée de « cloud first » qui commence maintenant à fleurir dans toutes les directions informatiques. Mais il suffit d'y regarder de près pour se rendre compte que, outre qu'elles ne concernent que les nouvelles réalisations, les ambitions de ces initiatives ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Question de réalisme ? Il faut en effet garder en mémoire que les équipes en place n'ont généralement pas les compétences requises pour les paradigmes modernes… et qu'il devient de plus en plus difficile de recruter des personnes déjà formées…
En conclusion, il faudra retenir, encore une fois, que les technologies émergentes ne sont que des moyens au service des stratégies des entreprises. En aucun cas l'infonuagique ne constitue une cible en soi, elle offre seulement un support aux désirs de disposer d'un système d'information aussi performant et efficient que celui d'un géant du web (pour placer la barre haut). Et les efforts qu'il faudra consentir pour concrétiser la vision, probablement à un horizon de plusieurs décennies, seront autrement plus lourds.