Ne me cherchez pas dans les musiques de foire
Ne me cherchez pas dans la lumière des meetings
Où les hommes composent une seule et vaste et mouvante
Tapisserie d’yeux de poings de cœurs
Où les femmes protègent les roses de l’avenir
Dans les serres chaudes du sang
Ne me cherchez pas sous les pierres
Dans la foule qui rit et tonne
Je ne suis pas l’homme qui repose
La paume épanouie comme une étoile de mer
Sur le ventre de son amour
Je ne suis pas l’adolescent aux doigts rougis par le gel
Qui arrive deux heures trop tôt au rendez-vous
Pour la douce joie inquiète de l’attente
Ne me cherchez pas au milieu des oiseaux
Que l’aube colore légèrement
Sur le lourd navire des avoines
En marche vers le soleil
Toutes voiles dehors
Je suis derrière les grilles de la neige
Je suis dans les terrains vagues du silence
Avec les ombres couvertes d’écailles
Dans la haute tour déserte de l’air
Je suis avec le vent
Dans la poussière tranchante que fait le vent
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André Laude (1936-1995) – Riverains de la douleur (Verdier, 1981)