Accueillir Abdellatif Laâbi, c’est accueillir un poète-monde, comme Édouard Glissant parle de littérature-monde. C’est accueillir un homme, né en 1942, et dont la vie est un engagement permanent, un engagement au nom de et pour l’humanité. Engagement qui le conduira en prison (pendant plusieurs années !) dans le pays où il est né, mais aussi engagement qu’il partagera avec d’autres poètes, d’autres hommes et femmes, dans le monde entier. Sa voix n’est pas celle d’un tribun, mais celle de quelqu’un qui parle à bon escient, qui sait entretenir avec son double une forme particulière de présence au monde. Son double, dans ce livre, se nomme Monsieur Barde. Il lui permet une distance ironique avec lui-même, suffisamment d’autodérision pour accompagner le lecteur dans ce chapitre qui s’ouvre, vers Samarkand, une ville où il sait être attendu. Ce qui importe à Monsieur Barde, c’est sans doute une fidélité à ses engagements tenus depuis l’enfance, mais c’est aussi le chemin qui reste à parcourir puisque nous n’y sommes pas encore à Samarkand, nous allons vers. De quelle fuite s’agirait-il ? « La braise de sa rage ne s’est pas éteinte ». C’est toujours vers l’avenir qu’il regarde. C’est de cela qu’il parle dans la langue de la poésie qu’il nous a fait entendre ce soir-là, à la Librairie l’établi d’Alfortville.