Amer. Le mot avait valu quelques problèmes au candidat démocrate Barack Obama quand il l'avait utilisé il y a quelques mois lors d'une réunion à huis clos avec des donateurs à propos d'électeurs confrontés aux difficultés économiques. Ce qualificatif semble aller comme un gant à l'ex-président Bill Clinton qui a du mal à tourner la page des primaires perdues par son épouse Hillary. Il ne suffit pas de grand chose pour que son amertume explose.
Bill vient de faire encore des siennes. Lors de sa première interview télévisée depuis la défaite d'Hillary, il n'a pas pu s'empêcher de remâcher sa rancoeur. Il ne peut plus faire beaucoup de tort dans l'immédiat à son épouse. En revanche, Barack Obama, qui est dans un duel assez serré avec le candidat républicain John McCain, se passerait bien de ces commentaires qui montrent que la famille démocrate n'est pas vraiment unie.
L'entretien à la chaîne de télévision ABC News a eu lieu alors qu'il se trouvait au Liberia lors d'une tournée africaine sur le thème du sida pour sa fondation. ABC News raconte dans un article sur son site web que l'ex-président a d'abord déclaré qu'il ne voulait pas ressasser de vieilles histoires alors qu'il était interrogé sur son éventuelle responsabilité dans la défaite de son épouse. Mais ensuite, il s'est mis à défendre son rôle et à accuser les médias. A la question: "Est ce que personnellement vous avez des regrets sur ce que vous avez fait, en faisant campagne pour votre épouse?". Il a répondu: "Oui, mais pas ceux auxquels vous pensez. Et ce serait contreproductif pour moi d'en parler (...) Il y a des choses que j'aurais aimé lui dire de faire. Des choses que j'aurais aimé dire et des choses que j'aurais aimé ne pas dire". "Mais je ne suis pas un raciste", a-t-il poursuivi. "Je n'ai pas fait de commentaire raciste et je ne l'ai jamais attaqué (Obama) personnellement". ll faisait référence à ses propos au moment de la primaire de Caroline du Sud qui a suscité la colère de la communauté noire. Après la victoire d'Obama contre sa femme dans cet Etat, il avait semblé limiter l'importance de la victoire en notant que Jesse Jackson avait gagné la Caroline du Sud en 1984 et en 1988 lors de précédentes primaires démocrates. L'ex-président a assuré qu'il n'était pas en colère contre Obama: "Je ne suis pas et je n'ai jamais été furieux contre le sénateur Obama".
Bill a fini la campagne des primaires plutôt isolé, embarrassant ses amis par ses explosions de colère. Pendant des semaines, le monde politique et médiatique a décrit un ex-Président hors du coup, irascible, narcissique, multipliant les gaffes. « Qu’est-il arrivé à Bill Clinton ? Pendant des mois, cela a été un grand mystère de la campagne : comment l’homme politique le plus talentueux de sa génération pouvait-il devenir une incessante machine à gaffes », s'interrogeait en mai le journaliste Jonathan Darman dans Newsweek. Des hypothèses ont été avancées : l’ex-Président aurait passé trop de temps ces dernières années avec des milliardaires ou il aurait tenté inconsciemment de saboter la campagne de son épouse. Darman pensait plutôt que l’équipe de campagne d’Hillary avait décidé que Bill devait garder profil bas et ne pas trop déployer son charme. Et c’était un rôle que l’ex-Président avait du mal à endosser.
Le voyage en Afrique avant un discours à la Conférence internationale sur le sida cette semaine à Mexico était l'occasion pour Bill Clinton de retrouver une posture d'ancien président, sage parmi les sages, qu'il a perdue pendant la campagne des primaires. Mais son explosion d'amertume le fait apparaître de nouveau comme un has-been qui n’accepte pas que son heure de gloire soit passée et qui ne supporte pas l'idée que Barack Obama puisse le transformer définitivement en retraité de la politique.