Il s’agit de célébrer les choses simples de la nature, sans les toucher, sans les abimer, sans les arracher pour les épingler, non simplement les voir, tout simplement les voir, puis les dire ou les dessiner. Ce monde inouï des herbes, des plantes, des insectes et des oiseaux qui n’occupe pas le devant de la scène, certes, mais qui, à beaucoup d’entre nous, semble de plus en plus nécessaire, peut-être parce qu’à cette échelle-là, le monde est moins saccagé, que dans l’empan de notre regard, vers le sol ou haut vers le ciel, il y a tant de sujets d’émerveillements : « de loin la plus verte, belle et / floue confusion végétale, de / près tendent vers l’infini leurs / signes particuliers. » (p. 4).
Donc des « Planches » et des « Observations », travail de nos deux botanistes poètes, œuvrant l’un avec les mots, l’autre avec papier et crayons. Sans doute pas à partir de cueillettes, tant on devine ici l’attention et le respect des auteurs envers les choses de la nature, plutôt collecte de ce qui s’est détaché tout seul. Quelques brins d’herbe, quelques feuilles qui deviennent le centre d’une composition avec mots et crayons de couleur, d’une infinie délicatesse (délicatesse humaine encore plus que délicatesse esthétique). En contrepoint, les petits
Il y a en arrière-plan, discrète mais tenace, une critique du ravage, de la destruction, du manque d’attention et de respect précisément. L’exploitation des ressources, sans tenir aucun compte de ce qui est là, du rôle très précis, on le sait de mieux en mieux, de chaque élément, si minuscule soit-il, dans la grande composition. Qu’il suffise de penser à ce qu’écrit Marc-André Sélosse jamais seuls.
Ce Vherbier est un hymne aux herbes et aux feuilles : « Dactyles, Panics Pieds-de-coq/genouillés et autres jouets-du-/vent, herbes de compatissante / pâture dans la rumination des / mots d’un pardon qu’elles ne / délivrent ni ne demandent // Elles vivent ailleurs où nous ne sommes plus (p. 24)
C’est aussi une nouveau livre à quatre mains de Frédérique Guétat-Liviani et de Christian Désagulier, qui avaient proposé récemment une sorte de livre tête-bêche avec un même conte revu par l’un et par l’autre. Il est significatif qu’ils explorent aussi le domaine du conte, également précieux, tellement nécessaire au développement humain et lui aussi menacé sinon en voie de disparition. Contes et herbes ont partie liée, comme les deux écrivains.
Florence Trocmé
Frédérique Guétat-Liviani (Planches) et Christian Désagulier (Observations), Vherbier, Fidel Anthelme X et Terracol, 2022, 40 p., 15€.