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Législation dérobade, de Pierre-André Milhit

Publié le 26 décembre 2021 par Francisrichard @francisrichard
Législation dérobade, de Pierre-André Milhit

Pierre-André Milhit projetait d'écrire une loi sur le pouvoir.

Il fallait donner une assise à ce projet. A est le radier de cette construction; il comprend les trois premiers articles de la charte d'une dictature et annonce par des textes elliptiques les vingt-trois autres articles de loi qui la composent et qui figurent dans les subdivisions de A.

Ces subdivisons, A1 et suivantes, jusqu'à A14, développent ces textes originels et se terminent par une phrase qui est la photographie vue d'en haut du corpus de chacune.

B, enfin, reproduit toutes ces dernières phrases les unes à la suite des autres, pour, en quelque sorte, résumer l'ensemble, qui ressemble alors à un inventaire à la Prévert...

Aussi l'épigraphe signé Matéi Visniec prend-elle tout son sens, c'est le cas de le dire:

Non je ne crois pas qu'on peut tout raconter.

Je ne crois pas qu'on peut tout comprendre.

Je ne crois pas qu'il y a un sens dans ce qu'on raconte.

Je ne crois pas qu'il y a un sens à ce que je dis.

Pour que le lecteur mesure à quel point le poète s'est donné licence, citons deux articles de la Législation dérobade:

- L'article un: 

il n'est pas besoin de nommer le chef, le chef est

- L'article dix-neuf:

les allumettes sont des armes de destruction massive

la cervelle des gens est une surface abrasive

Et deux extraits des développements:

A6.1 :

je décline au présent la charte d'une dictature

le passé ne t'appartient plus

          il est la mémoire des prisons, des murs d'exécution et des charognards

[...]

j'engage des moines copistes

          pour la multiplication de la pensée unique

etc.

texte qui se termine par:

le peuple des bannis allument des contre-feux

phrase reprise dans B.

A12:

[...]

les secrets de famille ne se dissolvent pas

   dans le bicarbonate et l'eau oxygénée

les secrets de famille se glissent

   sous le gravier de la cour qui ne dira rien

etc.

texte qui se termine par:

le gravier de ma cour est un musée

   qui se visite les soirs de peine

phrase reprise dans B.

S'il fallait tout de même trouver un sens à ces pérégrinations poétiques, ce serait de dire que la législation, surtout quand elle est sans concession, est une chose trop sérieuse pour ne pas chercher à se dérober à elle, ce que permet la poésie quand elle ne se confine pas... dans le convenu.

Francis Richard

Législation dérobade, Pierre-André Milhit, 64 pages, Éditions de l'Aire

Livres précédents aux éditions d'autre part:

La garde-barrière dit que l'amour arrive à l'heure (2013)

1440 minutes (2015)

La couleuvre qui se mordait la queue (2018)


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