JANVIER 1992. C’était donc il y a trente ans. L’Algérie basculerait bientôt dans l’horreur. Les ingrédients s’agrégeaient chaque jours un peu plus nombreux. Beaucoup ici parmi nous étaient adolescents ou pas nés. D’autres étaient (comme je le fus) jeunes, pleins d’espoir et de volonté. La désillusion est Grande aujourd’hui, mais pas définitive.
Ahmed DJEDDAÏ et Hocine AIT-AHMED
Lire ce qu'écrit très justement El Kadi Ihsène (ci-dessus)
Les jeunes algériens d’aujourd’hui sont magnifiques. Les batailles pour la liberté et la démocratie sont comme les petits cailloux que sème le Petit poucet, pour retrouver le bon chemin perdu … Il faut en semer chaque jour qui passe. Certains cailloux sont dévoyés, d’autres tiennent bon. Et il faut être très patient. L’Histoire n’avance pas à hauteur d’homme mais à la sienne propre. La lutte pour la liberté est donc un long, long, très long chemin. C’était donc il y a 30 ans. Je n’ai pris que quelques photos de documents que j’ai exhumés d’une armoire qui en regorge.
Il me faut ajouter ceci : parmi les premiers ingrédients de l’impasse, puis de l’horreur décennale enclenchée en 91 fut cette création le 30 décembre 91 du CNSA (dans les bureaux mêmes du ministre de l’information, Abou Bakr Belkaïd, un des piliers du régime en présence des responsables de l’UGTA, des patrons d’entreprises, UNEP, ANCAP, Khalida Messaoudi, RCD, Ettahaddi/PAGS…) pour officiellement barrer la route aux islamistes, mais réellement pour reconduire « le système » et barrer la route à la démocratie (tous ont échoué au 1° tour du 26.12.1991). L’Appel de Hocine Aït-Ahmed pour clamer haut et fort « Ni république intégriste, ni état policier » a rassemblé plus de 300.000 personnes dans les rues d’Alger le 2 janvier 1992 (du jamais vu). La presse a réussi, comme l’écrivait très justement El Kadi Ihsène dans La Nation N° 2 du 6 au 12/01/1993 à faire de « cette gigantesque marche populaire, de glissement sémantique en exégèse journalistique, ‘un refus du verdict des urnes’ » (Rappelons que la quasi-totalité de ces journalistes – y compris plus tard dans la presse privée (merci Hamrouche) soutenant directement ou non le régime – se revendiquaient de toutes sortes de libertés et de la démocratie.
Au bout de l’impasse de l’impasse on courut au Maroc chercher Mohammed Boudiaf pour éteindre le feu. Lui qui avait dissous le PRS et juré dès janvier 1980 de se tenir à carreau. Il a foulé le tarmac de l’aéroport d’Alger le 16 janvier 1992 un peu hagard, un peu perdu... Dans ses discours, en tant que président du Haut Comité d’État (HCE) il parlait d’éradiquer la corruption à tous les niveaux « quel que soit le niveau de responsabilité des individus impliqués ». Il ne tiendra pas 6 mois. Il sera exécuté le 29 juin 1992 à Annaba par un officier du Groupe d’Intervention Spéciale (GIS).
30 ans plus tard, le constat est terrible. La démocratie et la modernité ont perdu. L’Algérie a fait un prodigieux bond… en arrière. La société algérienne atrophiée s’est complètement « ‘‘islamisée’’ » (guillemets !) et le « Système » s’est redressé bien qu’il tienne encore, il avance sur deux prothèses en bois et son organisme est vieillissant. Très. Les remèdes actuels sont comme cautère sur jambe de bois et ne peuvent mener qu’à l’impasse. Une nouvelle impasse. La bataille n’est pas la guerre.
Le Politique (organisations, débats...) faisant défaut, la chance des Algériens se niche peut-être, et vaille que vaille dans le biologique, dans les organes du corps humain y compris dans celui du ou des leaders maximo quels qu’ils soient. Je ne peux d’un revers de main, personne ne le peut, balayer toutes ces étoiles, toutes ces lumières, toutes ces rues chatoyantes et pacifiques. On ne peut balayer toutes ces immenses clameurs et espoirs qui ont parcouru les grands boulevards du pays il y a à peine quelques mois et bouleversé des millions d’hommes et de femmes à travers le monde à qui ils ont donné l’exemple ! Le Chili est devant nous.
Autres photos, ici :
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