" La pelouse devant la maison à colombages était mouillée., l'herbe odorante. Ou était-ce la terre elle-même qui sentait le frais ? Dans l'atmosphère clarifiée, purgée par la lune, il vit Shula approcher, qui le cherchait.
" Pourquoi tu n'es pas couché ?
Elle lui donna la couverture en tricot d'Elya pour lui tenir chaud, et il se mit au lit.
Pénétré du sentiment d'appartenir à une drôle d'espèce qui a organisé à ce point-là sa planète. À cette masse de créatures ingénieuses dont environ la moitié dort sur des oreillers, emmitouflée dans des draps, des couvertures, sous des couvre-lits. Ceux qui veillent, à l'exemple d'une équipe au travail, font fonctionner les machines du monde, et tout monte, descend, tourne et roule grâce à des calculs précis au milliardième de degré, les enveloppes des machines enlevées, remplacées, les trajectoires de millions de kilomètres calculées. Par ces génies, les éveillés. Les dormeurs, les brutes, les fantaisistes rêvent. Puis ils se réveillent, et l'autre moitié va se coucher.
Et c'est ainsi que la brillante race humaine fait marcher le globe en orbite.
Il rejoignit les autres dormeurs pour un temps..."
Saul Bellow, extrait de " La planète de Mr Sammler", 1969/70, , Éditions Gallimard, 2012, pour la traduction française.