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« L’union fait la force pour s’affranchir des GAFA » Caroline Faillet, CEO d'OpinionAct

Publié le 30 décembre 2021 par Véronique Anger-De Friberg @angerdefriberg

Caroline Faillet est fondatrice & CEO d’OpinionAct, coprésidente du club ADETEM des directeurs marketing. Elle est l’auteur de L’art de la guerre digitale. Survivre et dominer à l’ère du numérique (éds. Dunod. Prix de l’académie des sciences commerciales, 2017) et de Décoder l’info (éds. Bréal, 2018).

Véronique Anger-de Friberg : 90 % des organisations françaises ont été visées par des cyberattaques. 43% des victimes de cyberattaques sont des PME. 60% des PME victimes d’une cyberattaque font faillite au bout de 6 mois. Comment les entreprises peuvent-elles sécuriser le cyberespace dans ce contexte de véritable guerre digitale ?


Caroline Faillet :
Les entreprises peuvent présenter des failles dans la sécurité de leur système d’information (SI), mais la plupart de leurs vulnérabilités vient du manque d’hygiène numérique de leurs personnels. Des données confidentielles (mots de passe, plans, comptes clients, numéros de cartes de crédit) peuvent ainsi se retrouver sur le dark web à la merci des cybercriminels, mais aussi des concurrents qui pourront s’appuyer sur ces fuites pour lancer une campagne de dénigrement de leur adversaire (par exemple dénoncer le manque de fiabilité des transactions). Il est donc important pour les entreprises, au-delà de la surveillance de leur e-réputation, de connaître ce qui peut traîner sur le dark web les concernant ou concernant leurs dirigeants. Bien sûr, les tests d’intrusion par des sociétés spécialisées qui imitent le parcours du hacker, que l’on appelle les red teams, sont d’une aide précieuse pour détecter les failles de sécurité du SI et éviter de nouvelles fuites de données après nettoyage.

« L’union fait la force pour s’affranchir des GAFA » Caroline Faillet, CEO d'OpinionAct
VA : Comment protéger les données des entreprises et des citoyens contre l’hégémonie des grandes plateformes numériques qui servent aussi des puissances étrangères en compétition, voire ennemies, de la France ? Faut-il, au contraire, s’allier avec Google ou autre géant de la gestion de données ?CF :Il y a exactement un an était lancé GAIA-X, le projet européen destiné à faciliter l’interopérabilité des services et les échanges de données reposant sur une mise en œuvre de protocoles techniques, mais surtout des exigences éthiques communes conformes à nos valeurs européennes. Si RGPD a fait des émules dans le monde entier en matière de règlementation sur la protection des données, je me réjouis que l’Europe ait également été capable de faire émerger une alliance d’acteurs industriels des données et du cloud computing. C’est à partir de cette architecture de standards que les entreprises doivent désormais développer leurs services numériques pour que l’on fasse cesser le pillage de nos données personnelles par les suprématies numériques américaines ou chinoises. Au premier trimestre de l’année 2021, plus d’une soixantaine de cas d’usage autour de GAIA-X ont été recensés dans la santé, l’industrie, l’énergie, la finance, l’agriculture, la mobilité ou encore la domotique. Dans cette approche, les géants de la gestion des données ne sont pas mis hors-jeu, mais incités à respecter nos règles européennes. C’est ainsi que Gaia-X a intégré des acteurs comme Microsoft, Google, Salesforce ou encore Huawei et Alibaba.

Je suis plutôt en phase avec Hubert Tadieu, le président du Conseil d’administration de GAIA-X sur le fait que ne pas inviter ceux qui représentent aujourd’hui 75% de l’offre cloud, c’est risquer de ne pas pénétrer les usages des entreprises et, par conséquent, ne pas reprendre le contrôle sur la protection de nos données. Si nous souhaitons faire émerger une souveraineté numérique française, je pense que nous devons croire à cette troisième voie que nous propose l’Europe, qui n’est ni la colonisation de nos données à l’américaine ni la cybersurveillance chinoise.

VA : Quels place/rôle pour les médias à l’ère des réseaux sociaux et de la post-vérité, des infox, de la cancel culture/woke culture ? Comment créer les conditions de l’indépendance des médias ? Comment lutter contre les certitudes et l’inculture diffusées sans contrôle sur les réseaux sociaux mondiaux ?

CF : Il est urgent que les médias s’unissent pour créer une plateforme d’information sous abonnement comme Deezer, Netflix ou Spotify. L’union fait la force et les médias ont besoin de cette force pour retrouver un modèle économique rémunérant des contenus de qualité, mais aussi le factchecking de plus en plus élaboré que va engendrer le deep fake. L’union fait aussi la force pour s’affranchir des GAFA et couper les ponts avec Google News ou Facebook. Seul un consortium de médias peut conjointement décider de vider les plateformes de contenus et faire émerger un autre usage de consommation de l’information.

Or, cet environnement informationnel sécurisé, où les sources ont été vérifiées et les titres ne cherchent pas à être des « pièges à clic » pour le viral, est absolument nécessaire. Certes une partie de la population a définitivement opté pour les médias de réinformation et se méfie des médias mainstream. Mais souvenons-nous de la musique il y a 20 ans, piratée sur Napster, il semblait que plus personne n’était prêt à payer pour un titre musical. Il a fallu une plateforme avec une bonne expérience utilisateur et un modèle économique simple pour l’utilisateur pour faire changer les comportements. Itunes a contribué à réguler un marché autrefois contrôlé par les Majors et qui était devenu dérégulé. C’est aujourd’hui le cas du marché de l’information. Inventons l’Itunes de l’info !

Première publication le 13 septembre 2021 par Véronique Anger-de Friberg dans la rubrique "L'interview Forum Changer d'Ère" qui fait écho au Forum Changer d’Ère créé et organisé par Véronique Anger depuis 2013 à la Cité des sciences et de l'industrie, Paris.


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