Nouvelle édition de « Mes citations littéraires préférées » (les précédentes sont à lire ici). En principe, j’attends d’avoir lu, au moins, trois ouvrages pour vous partager mes extraits favoris mais mes deux dernières lectures (« Une années douce-amère » d’Olivia Potts et « Au temps des requins et des sauveurs » de Kawai Strong Washburn) ont été particulièrement riches et j’avais déjà pas mal de citations inspirantes et poétiques à vous faire découvrir.
Il s’agit de deux livres que j’ai beaucoup aimé et qui abordent, chacun à leur manière, la thématique du deuil. C’est une problématique à laquelle je suis actuellement confrontée et c’est peut-être, en partie, la raison pour laquelle j’ai été tout spécialement touchée par de nombreux extraits. Ceci étant dit, la plume de ces deux primo-romanciers m’a, de manière générale, plu et je suivrai avec attention leurs futurs projets littéraires.
Je vous laisse découvrir, et peut-être puiser un peu d’inspiration, dans les citations que j’ai relevé. J’espère qu’elles vous plairont. N’hésitez pas à me dire, dans les commentaires, si elles vous ont donné envie de lire les ouvrages desquelles elles sont tirées.
« Dans A Grief Observed, C.S Lewis écrit : “Personne ne m’avait jamais dit que le chagrin ressemblait tant à de la peur. Je n’ai pas peur, mais j’ai l’impression d’avoir peur. » Mais j’ai su à ce moment-là qu’il se trompait. J’avais vraiment peur. J’étais si terrifiée que c’en était viscéral, physique. J’avais simultanément l’impression d’avoir un besoin urgent de faire pipi, de vomir et d’être serrée très fort dans les bras de quelqu’un. J’avais l’impression que j’allais voler en éclats si on me touchait. J’avais peur de ne pas avoir de mère. J’avais peur de perdre cette personne qui était contractuellement, biologiquement, génétiquement tenue de m’aimer. J’avais peur de ne plus savoir quoi faire de mon amour pour elle ».
Olivia Potts – Une année douce-amère (mon avis sur le livre ici)
« J’ai jeté un œil à l’étage et me suis assise devant la salle d’audience où j’ai attendu mon solicitor. J’étais consciente d’avoir l’air normale. Aussi normale qu’on peut l’être en 2013 avec une cape sur le dos et du crin de cheval sur la tête ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« Bien-sûr, même au milieu du béton, le métier d’avocate a quelque chose d’excitant : la tension, les ruses, les enjeux. Mais pour moi, la tenue était sans doute ce qu’il y avait de plus excitant. Et le fait de bien porter sa perruque et sa robe donne l’impression d’être glamour. On se rend dans une petite boutique de Chancery Lane – fabriquant de robes et de tailleurs depuis 1689 -, on passe devant les costumes sur mesure et les chemises à l’entrée de la boutique, et on va au fond, où se trouvent les robes d’audience et où les boites en fer-blanc contenant les perruques sont exposées le long des murs. Les perruquiers eux-mêmes sont à l’étage au-dessous, dans un petit atelier en sous-sol, où ils fabriquent les perruques commandées par les avocats. Celles que nous portons sont cousues main et faites de crin de cheval ; une perruque d’avocat demande une semaine de main-d’œuvre. A l’heure où j’écris ces lignes, il en coûte plus de 700 £ pour l’ensemble complet, et encore, c’est avant qu’on ne succombe à la boite en fer noir et or avec notre nom peint à la main, ou au sac bleu de toile épaisse à cordon coulissant pour notre robe, brodée à nos initiales. Mais pour cette note salée, on a l’impression de s’être faufilé dans le Chemin de Traverse afin d’aller chercher sa baguette magique. Ou en tout cas de passer un peu de temps dans la boutique de robes de Mme Malkin ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« La décrire comme un chaos organisé équivaudrait à donner à cette débâcle intégrale un lustre qu’elle ne mérite pas. Dans une Saturday Court, la liberté de chaque accusé se retrouve dans les mains d’un tas de novices ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« La cuisine permettait de vérifier le dicton « rien ne sert de s’apitoyer sur son sort » dans des proportions inédites ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« Je me suis tournée vers Sam, les mots se formant sur mes lèvres, et je me suis arrêtée. Je n’avais pas besoin de dire quoi que ce soit ; ne rien dire à quelqu’un qu’on aime n’annule pas nos sentiments. Le moment se suffit à lui-même. Ce moment-là se suffisait à lui-même ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« Le chagrin nous donne une certaine liberté, qu’on le veuille ou non ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« Nous avons besoin de manger pour vivre. Pas de manger du pudding pour vivre. Ni même d’en manger tout court. Le pudding n’est pas de la nourriture. Le pudding c’est de la joie. Une génoise imbibée de sirop chaud, nappée de crème ; le premier coup de couteau dans un gâteau. Une boule de crème glacée à la température parfaite. La première impression que nous laisse le caramel et la révélation que l’amertume peut aussi être douce, être la meilleure chose qu’on ait jamais mangée. Le croquant du chocolat tempéré avec précision. De beaux macarons dans toute la gamme des couleurs de l’arc-en-ciel. Un beignet débordant de confiture de framboises écarlate. Un soufflé défiant les lois de l’apesanteur ; y-a-t-il quoi que ce soit de plus magique ? »
Olivia Potts – Une année douce-amère
« Même s’il supervisait parfois d’autres aspects du cours de pâtisserie, et qu’il était manifestement un pâtissier compétent et talentueux, son truc, c’était le pain, et il ne s’en cachait pas. Il devait avoir un croissant à la place du cœur ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« Saviez-vous que si l’on verse du sucre bouillant sur du chocolat solide et que l’on fouette, cela se transforme en terre ? Il n’y a pas beaucoup de situations dans la vie où cela nous est utile, mais on peut dire la même chose de l’algèbre, après tout ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« La place d’une femme est à la cuisine, sauf s’il s’agit d’une cuisine où elle est en droit de recevoir un salaire ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« Parfois, la cuisine que je faisais était méditative : la marmelade mijotait, attendant son point de gélification, les écorces flottant dans la confiture aux reflets ambre. Parfois, revigorante : les épices grillées, les graines de coriandre et de moutarde qui éclatent, le cumin et le fenouil qui crépitent à sec dans une poêle, emplissaient la cuisine de la promesse du plat à venir. Parfois, c’était grisant, comme quand ont fait flamber des crêpes Suzette et que la flamme parfumée à l’orange lèche la poêle et la crêpe. Et parfois de la pure joie : quand le gâteau au miel gonfle, déborde du plat dans un nuage doré opaque. Certaines recettes réclamaient de la concentration, d’autres sollicitaient simplement la mémoire des gestes. Tout me plaisait ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« J’ai compris que le travail paie, la plupart du temps. J’ai compris que rien ne remplace la pratique. J’ai compris qu’il n’y a pas de honte à échouer quand on n’a pas peur se de relever et de réessayer. J’ai appris que ce n’est pas grave d’être triste quand quelque chose ne va pas, tant qu’on revient le lendemain et qu’on réessaye. J’ai appris que j’aurais toujours des occasions de me racheter (et que j’en avais besoin). J’ai compris que la patience peut être une vertu, à ma grande irritation. J’ai compris que le monde ne s’écroule pas quand on choisit d’abandonner son métier, même sans avoir de projet de remplacement parfaitement défini. C’était peut-être une idée à l’emporte-pièces, mais c’était une bonne idée. J’avais beaucoup appris sur moi. J’ai appris que j’étais beaucoup plus dure que je le croyais ; que certaines choses me tenaient plus à coeur que je le pensais. J’ai appris qu’avec de la détermination, on pouvait aller loin. J’ai compris que je résistais mieux à la douleur que je le croyais. J’ai appris que je pouvais être courageuse ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« Le mariage me semble être un acte de folie et de désespoir. Un engagement pris en dépit de l’évidence statistique. Et même si je suis une cynique dans tous les autres aspects de la vie, je crois qu’il existe peu de choses plus émouvantes que de voir deux personnes se tenir debout devant leurs amis et dire : oui, nous allons faire de notre mieux. Deux personnes qui, jusqu’à il y a encore deux ou trois ans avaient mené une vie somme toute satisfaisante sans se connaitre. Deux personnes qui choisissent des lectures, des chansons, des danses et – s’ils le veulent – du tissu pour leurs sièges, qui nous révèlent quelque chose du couple qu’ils forment, qui célèbrent l’amitié, l’alliance et la famille. Je trouve cela tout à fait merveilleux. Qu’eux et leurs amis mettent des mots sur leurs sentiments, leur amour. C’est le contraire absolu de la façon dont j’ai abordé le deuil. C’est ouvertement sentimental, ça regorge d’émotion et constitue un obstacle au désordre de la vie ».
Olivia Potts – Une année douce-amère
« Quand je ferme les yeux nous sommes encore tous vivants et alors ce que les dieux attendent de nous me paraît clair ».
Kawai Strong Washburn (mon avis sur le livre ici)
« Ils méritent mieux que ce qu’ils ont, et c’est notre devoir de leur rappeler que les choses vont s’arranger ».
Kawai Strong Washburn
« La coque centrale avait un fond vitré à travers lequel on voyait sous l’eau, et pendant que les moteurs faisaient doucement vibrer le pont, le bleu vert de l’océan s’est assombri jusqu’à devenir presque violet et les coraux sont apparus, épais et noueux, en doigts tendus ou en cerveaux fleuris, et avec eux les éventails rouges des anémones de mer qui se balançaient dans le courant comme dans la brise. Je sentais l’odeur du soleil qui réchauffait le vieux sel incrusté dans les flancs du bateau, celle du sirop Malolo trop sucré dans le cocktail de fruits, et aussi les rots de gazole lâchés par les moteurs ronflants ».
Kawai Strong Washburn
« ça faisait déjà plusieurs années que j’essayais de comprendre ce qu’il y avait à l’intérieur de moi, et que le reste du monde essayait de m’enlever ».
Kawai Strong Washburn
« On ne ressemblait plus à Dean et Noa du temps de Big Island, avant les requins : je me souvenais de Hapuna Beach, quand on courait à l’eau sans faire attention aux panneaux baignade interdite, et les vagues se brisaient contre nos genoux, puis notre poitrine, et on plongeait sous les bouillons d’écume. On sentait le courant qui nous faisait dériver le long de la plage, on jouait à celui qui irait le plus profond sous les vagues, leur aspiration nous attirait, les grains de sable mitraillaient notre colonne vertébrale, on sentait l’eau commencer à se plier et à se dresser, à tirer sur nos shorts, et quand la vague projetait toute sa puissance droit sur nous, on plongeait les yeux ouverts et on se moquait de la mâchoire pleine d’océan et de sable doré qui n’arrivait pas à nous attraper. Sous l’eau, mes yeux étaient sûrement plissés de joie comme ceux de Dean, et l’air jaillissait de notre nez et de notre bouche en chaînes d’argent pendant qu’on nageait vers la surface, où on tapait dans les mains pour fêter notre courage, tout ce qu’on était capables de vaincre. Mais dans le présent, on était à bord de la Jeep, on rentrait à la maison, Kaui entre nous, deux garçons aux mains pleines de sang, on roulait à la rencontre de ce qui allait suivre pendant qu’une partie de moi ne pouvait s’empêcher de regarder dans le rétroviseur ce qu’on laissait derrière nous ».
Kawai Strong Washburn
« Regarde. Je lui ai montré les grosses flaques qui s’étaient formées dans la terre mouillée à cause d’une mauvaise évacuation des eaux de pluie, et un groupe de fourmis qui avait pris la forme d’une boule rudimentaire, chacune liée à une autre par l’odorat, le toucher et l’impératif de survie, et j’ai dit qu’elles formaient un tissu assez épais et solide pour repousser l’eau et flotter aussi longtemps qu’elle les porterait, et que certaines d’entre elles allaient en mourir (…) Je me suis demandé comment serait le monde si nous avions ne serait-ce qu’une fraction de leur force, si nous pouvions construire avec notre corps un radeau pour nous et les autres ».
Kawai Strong Washburn
« A ce moment-là, Noa était déjà loin, en tout cas il avait l’air loin quand il parlait. Dans l’océan avec les requins, en train de danser tout seul sur l’eau. Je le voyais au milieu des vagues, avec les marées et les dieux qui le tiraient d’un côté et de l’autre. Mais j’avais envie de lui dire, moi aussi je suis dans l’eau. Et il y a plein de gens qui te regardent. Tandis que personne ne s’occupe de vérifier que moi je ne coule pas ».
Kawai Strong Washburn
« C’est bien ce qui est ennuyeux avec le présent, il n’est jamais la chose qu’on tient dans la main, seulement celle qu’on observe, plus tard, depuis une distance si grande que le souvenir pourrait aussi bien être une flaque d’étoiles aperçue derrière une vitre au crépuscule ».
Kawai Strong Washburn
« Je ne lui en ai pas encore parlé. Je ne sais pas pourquoi. Ses marches me semblent être un secret si fragile entre nous, à croire que tout le poids de ce que nous sommes en train de devenir est suspendu à quelques minces fils d’intimité ».
Kawai Strong Washburn
« Il a toujours une blague à la bouche, bien sûr. Quand nous nous sommes mis ensemble, c’est ce que j’aimais le plus chez lui. Il plaisantait et il riait et son rire faisait des bulles dans mes poumons et nous en pleurions tous les deux. Puis, j’ai appris que ce rire est le premier mur qu’il dresse contre la souffrance du monde. Les marches qu’il fait désormais sont ce qui arrive une fois que ce mur a été abattu ».
Kawai Strong Washburn
« Les coups de fils se changent en jeux et personne ne sait comment on gagne mais tout le monde sait comment on perd ».
Kawai Strong Washburn
« La baraque est bourrée à craquer de gens qu’on ne connaît pas mais aussi de gens qu’on connaît. De vue, en tout cas. Mais même si on sait qu’on connait les gens derrière les visages – ce qui n’est pas mon cas -, il y en a plein qui se ressemblent dans ces soirées, qui se prennent la tête pour avoir la bonne attitude, les bonnes fringues, la bonne photo. Ils se font des films en imaginant la soirée parfaite mais la réalité n’est jamais à la hauteur donc il refont tout le temps la même chose. Sans arrêt ».
Kawai Strong Washburn
« Si on me demandait ce que c’est l’argent pour moi, voilà ce que je dirais : c’est savoir que le monde va rester sous nos pieds, quoi qu’on fasse ».
Kawai Strong Washburn
« Maman ne posait jamais de question, et moi non plus. Je suis sûre que la réponse aurait été bien moins pire que ce qu’on s’imaginait. Mais on ne préférait pas, parce qu’elle pouvait aussi être pire ».
Kawai Strong Washburn
Que pensez-vous de cette sélection ? Ces citations vous plaisent-elles et vous donnent-elles envie de lire l’un de ces deux livres ?