Réponse à la question posée par Abadinte
août 4th, 2008 Posted in Congrès du PS, France, Vie du PSDans un court billet en date du 4 août 2008, le blogeur Abadinte s’interroge :
«Si avant-hier, la césure se faisait sur le parti social-démocrate ou social-républicain et hier sur l’acceptation ou non du Traité Constitutionnel Européen, aujourd’hui la césure se fait davantage sur ce que l’on veut faire de l’outil Parti Socialiste. Voulons-nous un centre d’idée où le plus brillant prend la place du leader ou un parti croupion à la solde de celui (ou celle) qui saura bandé le plus ses muscles?
Je penche personnellement pour la première des hypothèses. Et vous ?»
Tels sont les termes du dilemme apparent. Pour mémoire, on rappellera qu’un dilemme signifie « une obligation dans laquelle se trouve une personne de choisir entre deux propositions contraires ou contradictoires qui présentent chacune des désavantages » (Le Robert, édition de poche).
Sauf que formulée ainsi, l’alternative énoncée par notre camarade apparaît foncièrement déséquilibrée. En effet, les désavantages de la première proposition (le parti « centre d’idées » faisant émerger le plus brillant) semblent bien moindres que la seconde (le « parti croupion » à la solde d’on ne sait quel médiocre).
Dans ces conditions, on ne sera pas étonné que l’auteur du billet ait opté pour la première proposition.
Avec un peu d’observation et de mauvais esprit, on pourrait même déceler un certain parti pris énoncé implicitement.
En effet, le centre d’idée fait émerger «le plus brillant». Absence de genre féminin dans la première proposition. Tandis que le parti croupion est « à la solde de celui (ou celle) qui saura bander le plus ses muscles. » La deuxième proposition est sexualisée.
L’inconscient se glisse partout, y compris entre les parenthèses.
On aurait même pu formuler différemment et sans doute plus clairement le dilemme :
«[…] Voulons-nous un centre d’idée où Dominique Strauss-Kahn (*) est naturellement appelé à occuper la place de leader ou un parti croupion à la solde de Ségolène Royal?(**)»
Mais sans doute était-il préférable de ne pas prêter le flanc à une polémique que l’auteur du billet n’a probablement pas voulu susciter.
Voilà pour la forme. Venons-en maintenant au fond.
A ce sujet, et afin d’éviter les redites, on se contentera de renvoyer aux billets intitulés «L’inévitable et nécessaire lutte pour le leadership» et «L’appel aux blogeurs socialistes ou le confort illusoire des bons sentiments».
On y expose une vision, une approche, qui se démarque de l’idée faussement vertueuse du «parti centre d’idées», car les idées, grosso modo, on les a. En parcourant les différentes contributions, par exemple en ce qui concerne le thème de la ruralité, on a pu ainsi se rendre compte que les différences étaient bien moins importantes que les points de convergence. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des sensibilités différentes sur certains thèmes (ex : sur l’Union européenne ou sur le degré d’interventionnisme de l’Etat dans l’économie). Mais, généralement, l’exercice du pouvoir et les marges de manœuvre dont on dispose réellement quand on est aux responsabilités, apprennent à relativiser les généreuses incantations des contributions.
On sait bien que certains refusent cette situation pour se réfugier dans les clartés abstraites des postures idéologiques. La gauche française adore les théoriciens vertueux quand les Français réclament une gauche qui aille au charbon et qui refonde concrètement sur le terrain, par une action législative efficace, un pacte républicain, social, démocratique et laïque.
Ah ! la figure tutélaire du vieux Mendès-France… Quatre vingts ans de vertu pour 6 mois de pouvoir… Mitterrand, quatre vingts ans de combats, d’affrontements politiques, d’arrangements avec la morale parfois, pour finalement quatorze années qui changèrent profondément la France et contribuèrent à la préparer en rentrer dans le vingt et unième siècle. La gauche démocratique française n’a pas fait mieux que le deuxième.
Les idées, on les a donc. Elles ne se cantonnent d’ailleurs pas aux différentes contributions écrites plus ou moins dans la précipitation et l’effervescence d’un Congrès. Elles s’expriment par exemple quotidiennement au travers des expériences et des actions des élus locaux (il y a bien sûr aussi la société civile, les acteurs de la vie économique, etc.).
(Rain One, Varekaï - Le Cirque du Soleil)
Ce qui manque en revanche à la gauche démocratique, c’est une voix pour les porter, pour les préciser, pour les étoffer, pour les défendre devant les Français. Ce qui manque, c’est une voix qui soit respectée et qui se fasse respecter, notamment auprès de celles et ceux qui, en 2007, ont préféré jouer la carte Sarkozy – soit activement, soit par procuration – contre leur propre camp afin de préserver leur carrière politique.
C’est cette question du leadership que l’on aimerait voir tranchée une bonne fois pour toute. Remettre la décision à plus tard serait différer simplement le problème, lequel ne manquera pas de se poser avec une acuité démultipliée dans les prochains mois. Pour prendre la mesure de cette urgence, il suffit de considérer par exemple l’actualité de ce jour et la dernière sortie du charlot de service.
Le pouvoir se conquiert et s’arrache. Il n’est pas la contrepartie d’un mérite ou d’un talent avéré ou supposé.
Tout le reste, c’est de la littérature.
(*) Barrer la mention inutile. C’est juste un exemple. On pourra avantageusement le remplacer par un autre brillant leader. Le PS est rempli de « candidats naturels ».
(**) Idem.